Cette reformulation permet à Husserl de fournir sa justification à l'acte objectivant. En laissant de côté les qualités qui ne sont pas de l'espèce des qualités objectivantes, nous pouvons dire que si la qualité d'acte ne peut s'approprier sa matière qu'en se combinant unitairement avec un acte objectivant, alors les actes objectivants ont la fonction spécifique de fournir à tous les actes la représentation de l'objectité, à laquelle ils se rapportent dans les modes nouveaux qui sont les leurs. La relation à une objectité se constitue dans la matière. Or, si nous suivons toujours la proposition, toute matière est matière d'un acte objectivant, et ce n'est qu'au moyen de cet acte qu'elle peut devenir la matière d'une nouvelle qualité d'acte fondée en lui. Nous aurions à distinguer, en quelque sorte, entre intentions primaires et intentions secondaires, ces dernières devant leur intentionnalité aux premières parce qu'elles sont fondées par elles.

L'acte objectivant est un complexe d'acte positionnels et d'acte non positionnels. Tout acte composé est complexe qualitativement : le nombre d'actes singuliers détermine le nombre de qualités présentes dans cet acte composé. De plus, tout acte composé est un acte fondé : sa qualité d'ensemble n'est pas la simple somme des qualités des actes partiels, mais elle est une qualité dont l'unité est fondée dans ces qualités constitutives. Cela est valable également pour la matière.

Il y a des différences essentielles dans la manière pour un acte d'être qualitativement complexe et d'être fondé dans d'autres actes, différences liées en partie au jeu des différentes qualités entre elles, en partie à la matière.

Parmi les formes de complexions qu'un acte peut prendre, il y a celle où sa qualité d'ensemble complexe est divisible en plusieurs qualités dont chacune a en commun avec les autres, individuellement et d'une manière identique, une seule et même matière. On pourrait alors penser que si toutes ces qualités disparaissaient à l'exception d'une seule, cela serait encore suffisant pour avoir un acte complet. Inversement, on pourrait penser que n'importe quel genre de qualités peut s'associer avec cette matière unique.

À suivre strictement la loi, ainsi que Husserl interprète maintenant sa reformulation de la proposition brentanienne, cela n'est pas possible :

dans toute complexion de ce genre et dans tout acte en général, il doit y avoir nécessairement une qualité d'acte du genre de la qualité objectivante, parce qu'une matière est absolument irréalisable si ce n'est en tant que matière d'un acte objectivant.

Des qualités qui n'appartiennent pas au genre des qualités objectivantes sont donc toujours fondées par ces dernières, sans quoi elles ne pourraient jamais atteindre leurs matières. Elles apparaissent dans des actes qualitativement multiformes, c'est-à-dire des actes dans lesquels nous pouvons distinguer différents genres qualitatifs. La matière totale de l'acte dans lequel nous détachons unilatéralement l'acte objectivant complet constitue celle de l'acte objectivant lui-même.

Parallèlement, des actes dans lesquels il n'est pas possibles de distinguer de genres qualitatifs différents, sont appelés des actes uniformes. Tous les actes uniformes sont donc objectivants et tous les actes objectivants sont uniformes.

Les actes objectivants peuvent encore être des actes complexes. C'est dans l'acte total que se constitue la matière dans sa totalité, parce que les actes partiels sont constitués des parties de la matière et que le caractère d'unité de la qualité totale est constitué du caractère d'unité de la matière totale. Nous pouvons étendre ce concept d'uniformité complexe au mode de la nominalisations : une proposition énonciative a des membres auxquels correspondent des actes partiels avec des matières partielles ; il correspond aux formes de liaison comme est, si, alors, et, ou, etc., des caractères d'actes fondés et aussi des moments fondés de la matière totale.

L'acte uniforme se transforme donc en acte multiforme quand l'acte objectivant total se lie à des qualités d'un genre différent qui se rapporte à la matière dans sa totalité, ou quand les nouvelles qualités se lient à des actes partiels singuliers, comme lorsque sur la base d'une intuition articulée quelconque s'édifie un plaisir ou un déplaisir relatif à l'un des membres de cette intuition. Dans tout acte complexe, les qualités d'actes d'espèces non objectivantes peuvent être retranchées : il reste alors un acte objectivant complet qui renferme la matière tout entière de l'acte primitif.

Finalement, les actes fondateurs des actes complexes sont nécessairement des actes objectivants : ils sont tous de l'espèce des actes nominaux, c'est-à-dire que les membres de ces actes sont des actes nominaux simples. Si tous les actes simples sont des actes nominaux, la réciproque n'est pas vraie  : tous les actes nominaux ne sont pas simples.

La proposition de Brentano interprétée sur la base du concept nominal de représentation n'est qu'une conséquence secondaire de son interprétation sur la base du concept d'acte objectivant. Tout acte qui n'est pas lui-même objectivant est fondé sur un acte objectivant et il est ainsi fondé sur des actes nominaux.

Tout acte objectivant est soit simple, soit composé : dans le premier cas, il est donc nominal, dans le second cas, il est fondé dans des actes simples, c'est-à-dire dans des actes nominaux.

L'interprétation de la proposition brentanienne sur la base des actes nominaux n'est pas fausse, mais elle a le désavantage d'entremêler deux espèces radicalement différentes de fondation :

  1. la fondation d'actes non objectivants dans des actes objectivants, c'est-à-dire qu'une qualité d'acte est fondée d'abord dans une autre qualité d'acte et n'est fondée que médiatement dans une matière.
  2. la fondation d'actes objectivants dans d'autres actes objectivants, c'est-à-dire qu'une matière d'acte est fondée dans d'autres matières d'actes.

Dans ce dernier cas, si aucune matière n'est possible sans une qualité objectivante, alors, dans la relation fondée d'une matière dans une autre matière, un acte objectivant de la première matière est aussi fondé dans cette deuxième matière. La fondation de tous les actes dans des actes nominaux a différentes sources. Mais la source originaire, nous pourrions dire minimale, est constituée d'une matière simple qui est toujours une matière nominale et ainsi tout acte objectivant qui sert de fondement est lui aussi un acte nominal. Mais puisque du point des qualités, celles qui ne sont pas objectivantes sont toujours fondées par des actes objectivants, les actes nominaux transfèrent la dernière fondation ultime des actes objectivants à tous les actes en général.