De la lecture pour l'automne : les quinze premiers numéros de la revue Vacarme sont disponibles en ligne. Extrait :

Je pense qu’il y a une grande ambiguïté sur la critique de la pensée unique et du libéralisme. D’abord, il y a une sous-évaluation, typiquement française, de ce que fut le libéralisme politique. Si le libéralisme mondial a triomphé, jusqu’à avoir la peau de la grande utopie communiste, ce n’est par parce qu’il était plus efficace. C’est parce qu’en même temps il laissait une place aux libérations, tirait sa substance même de la poussée libératrice. Évidemment, il l’a travestie, l’a tournée à son profit ; c’est comme de la lutte. D’autre part, et cela rejoint ce que je disais sur l’esclavage, dire que le capitalisme se définit par le marché est une erreur grossière. Le capitalisme ne tend pas au marché ; c’est un système de régulation auquel il recourt quand il pense arriver à contrôler les choses, mais qu’il remercie brutalement quand ce marché le menace. Par exemple, quand le libéralisme à tout crin fait peser, comme aujourd’hui, un risque massif sur le système, un spéculateur comme Soros se convertit à la taxe Tobin, dit que le capitalisme va droit dans le mur, etc. Le capitalisme, c’est donc moins le marché poussé à son extrême qu’un mécanisme de contrôle qui, à certains moments, utilise les canaux du marché.

L’art de la fugue, entretien avec Yann Moulier-Boutang