Le Grand Schisme
16 janvier 2007
Je ne pensais pas avoir encore à lire ce type de commentaire en 2007, mais comme le précise François
le schisme entre deux traditions philosophiques est hélas un fait
Souvenirs, souvenirs
Je me souviens en 1991, lorsque, fraîchement débarqué de mon lycée, une partie du Morfeaux en tête (coucou Mme Marignac !), j'avais assisté à mon tout premier cours sur l'atomisme logique de Wittgentein et de Russell via une lecture du Tractatus, par Roger Pouivet à l'Université de Rennes 1. C'était la première fois que j'entendais le terme de philosophie analytique.
A l'époque, j'ai l'impression que l'existence de deux traditions philosophiques n'était pas si marquée que cela : il y avait plutôt un petit nombre de cours, qui contrastait avec l'ensemble des cours proposés, dans leurs façons technique (la découverte des p et des q) et exotique (nous allons examiner le traitement extentionnel de la modalité temporelle) d'aborder les textes.
Peut-être était-ce dû à l'inexistence de la littérature gallo-romaine : la Begriffsschrift de Frege ne sera traduite en français que neuf ans plus tard, les ouvrages de Pascal Engel, La norme du vrai, et de Michael Dummett, Les origines de la philosophie analytique, venaient de sortir ; quant aux masses, elles pouvaient se rabattre sur La philosophie analytique publié dans la collection Que sais-je ? par Jean-Gérard Rossi.
Je retrouve cette impression aujourd'hui lorsque je parcours la version francophone de Wikipédia : vous avez d'un côté un portail de philosophie et de l'autre un portail de philosophie analytique, sans que l'on sache très bien pourquoi cette distinction est faite, ni à quoi elle correspond (elle n'existe pas dans la version anglophone).
Joue contre joue
Puisque l'existence de deux sortes de traditions philosophiques semble aujourd'hui bien établie, qu'est-ce qui nous permet de les distinguer ? Je propose les cinq caractéristiques suivantes :
- le souci des problèmes
- l'importance de l'argumentation
- la prise au sérieux de la logique
- la sympathie pour la science
- l'anti-héroïsme
Je ne pense pas que ce soit là des caractéristiques extraordinaires ; c'est même le minimum que l'on est en droit d'attendre d'un philosophe ou d'une philosophie. À vrai dire, ces critères tracent moins une frontière entre une tradition dite analytique et une tradition dite continentale qu'entre bonne philosophie et mauvaise philosophie ou, pour le dire plus crûment, entre philosophie exacte et bavardage.
Si je devais esquisser un schéma de cette opposition, il ressemblerait à celui-là :
On dit que le temps vous emporte
Je me suis souvent défini de manière ironique sur ce carnet comme un phénoménologue tendance canal historique. C'est qu'on a souvent oublié cette troisième tradition autrichienne, on l'a même carrément occulté en France (remember Brentano ?). Ce n'est que très récemment, avec les travaux anglophones de Barry Smith, Kevin Mulligan et Peter Simons ou francophones de Jocelyn Benoist.
Quand Peter Simons réévalue la 3e Recherche logique de Husserl avec les outils de la logique formelle, est-ce de la philosophie analytique ? J'aurai plutôt tendance à penser que non, que cette question n'a peut-être même pas lieu de se poser et qu'il s'agit de philosophie tout simplement. Barry Smith a développé ce point dans son article Israel en expliquant que notre façon de tracer des divisions n'est peut être pas la bonne :
Certains conçoivent la philosophie comme divisée entre philosophie analytique et philosophie continentale. Comme l'a noté John Searle, c'est comme si vous conceviez les États-Unis comme divisés entre le business et l'état du Kansas.
Malheureusement, l'affirmation de Searle n'a pas reçu toute l'attention qu'elle mérite. Sa remarque pointe le fait que nous avons, dans chacun de ces cas, une étrange manière de diviser, en séparant un domaine pré-établi (États-Unis, Philosophie) en une partie définie, jusqu'à un certain degré, en termes spatiaux, tandis que l'autre l'est, toujours jusqu'à un certain degré, en termes de pratiques ou de caractéristiques qui ne sont pas, elles, directement spatiales.
Le texte qui suit est une théorie de telles divisions et une théorie des agglomérats (populations, mouvement, systèmes de croyances) qui sont sujets de ces divisions. Il offre une théorie ontologique générale du nous et des autres, du ici et du là-bas, du Moi, colonisateur hégémonique et de l'Autres, indigène colonisé.
Cette note a été écrite avec beaucoups d'arrières-pensées, en pensant à une amie qui m'est très chère.
Mise à jour du 21 janvier : au moment de mettre en ligne mes souvenirs d'ancien combattant, Julien a remarquablement détaillé dans son billet Analytique versus Continental, une mise au point ces histoires de traditions. Ma note n'en est que plus bancale.
Commentaires
Merci de nous faire part de tes expériences!
Sur le schéma historique, je pense qu'il faut être prudent quand on essaie d'appliquer la distinction analytique-continental à rebours, et qu'il faut distinguer plusieurs époques:
1) le XXe siècle, notamment à partir des années 20. Là, on a une distinction claire entre les deux traditions. D'un côté, des philosophes qui se réclament spécifiquement de l'héritage de la phénoménologie, de Nietzsche et de l'idéalisme allemand; de l'autre côté, des philosophes qui se réclament spécifiquement de Frege, Russell et du positivisme logique. (Je dis "spécifiquement" parce que les deux groupes peuvent se réclamer d'Aristote par ex.) C'est là qu'on peut le plus proprement parler de "philosophie analytique" et de "philosophie continentale".
2) Le XIXe siècle. On peut plus ou moins plaquer la distinction, notamment en mettant d'un côté les idéalistes allemands et Nietzsche, de l'autre les empiristes britanniques, Bolzano, et Frege. Mais où mettre Brentano, les néo-kantiens?
(Il faut aussi noter que si on applique la distinction au XIXe on est amené à constater de nombreux "croisements": Russell et Moore ont dvpé certaines de leurs idées en réaction à - mais donc influencés par - l'hégélien Bradley. Inversement, les "analytiques" sont influencés par Kant.)
(Et comme tu le dis, Mulligan, Simons et Smith distinguent une troisième tradition à part au tournant du XIX-XX.)
3) Les XVIIe-XVIIIe. Là, appliquer la distinction me semble plus hasardeux. Descartes, un continental? Il y a pourtant tellement en commun entre Descartes et Chisholm, par ex; Descartes correspond aux critères que tu donnes pour la tradition analytique, et c'est un auteur que les analytiques ont toujours lu attentivement. Aussi, où doit-on mettre Leibniz? Russell est un grand lecteur de Leibniz, et la conception du possible et du nécessaire en termes de mondes possibles dans la seconde moitié du XXe reprend des intuitions de Leibniz.
On pourrait tenter de distinguer, aux XVIIIe-XIXe, une tradition anglaise, ancêtre supposé de la philosophie analytique, et une tradition continentale, ancêtre supposé de la philosophie continentale. La tradition anglaise serait Hobbes, Locke, Newton, Shaftesbury, Hutcheson, Berkeley, Hume, Reid. La tradition continentale serait Descartes, Malebranche, Arnauld, Spinoza, Leibniz, puis Kant.
Mais où placer Montesquieu, Voltaire, Diderot, d'Alembert, Rousseau, d'Holbach, La Mettrie? Ils sont clairement plus proches des empiristes anglais.
Surtout, il me semble que Descartes et Hume, et peut-être Locke, sont des philosophes à portée universelle dans cette période. Ils sont plutôt des points de convergence des différentes lignes historiques. (Comme Aristote dans ton schéma.)
Sur le fond, il n'est pas évident d'établir des affinités spécifiques des traditions modernes avec les contemporaines. Prends le débat rationalisme/empirisme: les philosophes analytiques de la première moitié du XXe se disent empiristes, mais ils croient dans l'analyticité et l'apriori, et leur style ressemble à celui des rationalistes (du moins c'est comme cela que je le vois.) Ceux de la seconde moitié me semblent nettement plus proches de Hume. Mais d'un autre côté, le phénoménisme des analytiques de la première moitié du siècle les rapproche de Hume et Berkeley, alors que le réalisme des analytiques d'aujourd'hui les rapproche de Descartes, des cartésiens et des matérialistes. Côté continental, les philosophes comme Bergson, Heidegger, ou Merleau-Ponty qui se réclament de l'intuition et se méfient de la raison ou des concepts (reprenant des thèmes du romantisme) ont des affinités avec Shaftesbury ou Hutcheson. Et même si le rapport entre Husserl et Descartes est clair (du moins revendiqué), je vois mal en quoi le style de Heidegger serait plus proche de celui de Spinoza que de celui de Locke.
Bref, il me semble qu'au final, la raison pour laquelle on peut avoir l'impression que les analytiques sont plus proches des empiristes anglais que de Spinoza, et que les continentaux sont plus proches de Spinoza que des empiristes anglais, c'est simplement que les premiers étant souvent dans des pays anglo-saxons, ils lisent et enseignent plus souvent les anglais, et les derniers étant plus souvent en France ou en Allemagne, ils lisent et enseignent plus souvent Descartes ou Leibniz.
CONCLUSION:
J'ai plutôt tendance à voir les choses ainsi: pas de scission de la philosophie à l'époque moderne (une même tradition, au sein de laquelle on trouve des positions opposées). Le dernier auteur commun est Hume. Le premier auteur de la scission est Kant.
(Avant de devenir analytique je pensais que le dernier auteur commun était Kant. Il a en effet sa place entière dans les manuels anglo-saxons; il n'est pas perdu dans le bref chapitre "philosophes contientaux" avec la masse des Hegel, Nietzsche et autres Schelling. Pourtant, il me semble maintenant que Kant est l'auteur véritable de la scission. La plupart des continentaux pensent que l'oeuvre de Kant marque un événement irréversible de l'histoire de la philosophie, et en gros qu'on ne peut plus philosopher comme avant. La plupart des analytiques pensent que Kant avait de bonnes idées, mais fausses, et que la philosophie devait reprendre là où Hume l'avait laissée.)
(Soit dit en passant, mon impression est que la philosophie analytique est globalement beaucoup plus proche de la philosophie moderne et antique que la philosophie continentale. Cela peut étonner parce que les analytiques sont réputés pour laisser largement de côté l'histoire de la philosophie; mais en fait, leurs problèmes sont majoritairement issus d'Aristote, Descartes, Locke et Hume: s'il y a des universaux, qu'est-ce qu'une action volontaire, est-ce que l'esprit est distinct du corps, si nous perçons les choses ou des apparences des choses, qu'est-ce qui fait que je suis identique à moi-même à travers le temps. Et il me semble que la distance qu'il y a entre la philosophie continentale et la philosophie antérieure vient du fait que la philosophie continentale tient pour acquis qu' "on ne peut plus faire comme avant", pour ainsi dire. Au vu de cela on peut comprendre mon étonnement quand j'entends dire que la philosophie analytique n'est pas vraiment de la philosophie...)
Comme je suis ici chez moi, je voulais te dire que c'est toujours un plaisir de te voir développer de façon aussi détaillée tes billets ou tes commentaire !
Ceci étant dit, tu as raison de souligner la prudence dans ce type de projection, d'autant plus que, du point de vue l'histoire de la philosophie, mon schéma est vraiment très très grossier. En fait, il ne s'agit pas de montrer que Descartes, par exemple, était un philosophe continental (ce qui n'aurait absolument aucun sens à mon avis), mais de montrer qu'une certaine attitude vis-à-vis de la logique, disons de méfiance/défiance, a pu aboutir à ces deux traditions. Je n'aurai rien à redire sur le point 1), cette opposition culminant en France, à mon avis, avec le colloque de Royaumont de 1958.
Ton deuxième point souligne une autre faiblesse de mon schéma : il ne prend pas en compte les relations de dépendance (attraction/répulsion - je fais dans le binaire ce soir) : ce que tu écrit sur Russell et Moore s'applique aussi, par exemple, à Brentano l'anti-kantien aristotélicien.
Je ne sais si tu connais l'existence de ce projet, The Philosophy Family Tree, qui établit ce type de relation selon trois critères. Pour Brentano, nous aurions ainsi l'arbre inversé suivant :
Brentano → Trendelenburg → Reinhold → Kant → Wolff → Leibniz
Dernier mot enfin, tu as raison de préciser que l'écart entre les deux traditions pourrait se résumer à cette expression typique de la philosophie continentale, cette espèce d'héroïsme, comme si quelque chose d'inouïe s'était produit, ce
: on va se gêner tiens !Votre schéma des "trois traditions" me laisse un peu songeur....
Je suis bien conscient du fait que ce n'est qu'une esquisse qui (je le suppose) représente avant tout votre approche subjective de l'histoire de la philosophie (les choses qui comptent pour vous quoi...) mais je remarque surtout que Husserl se situe à deux endroits différents or ce pourrait être le cas de (presque) tous les autres. Exemples :
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Le problème ne vient pas seulement de votre schéma (on ne peut pas lui reprocher d'être schématique !) mais plutôt du fait que, malgré ce que vous affirmez, l'idée directrice sous-jacente est celle de "grand schisme" analytique/continental. Eventuellement complété d'un troisième laron autrichien.
Je me permet de dire un mot là dessus.
D'apres moi il n'y a pas de "grand schisme", il n'y a ni deux traditions philsophiques ni trois mais bien plus : une multiplicité en perpetuel mouvement.
Il y a bien de petites querelles, et parfois aussi de de grandes ruptures dans l'histoire de la philsophie mais ce grand "fossé" analytique/continental en particuleir n'existe PAS, il faut le souligner. Ou plutôt si : bien sur il existe quelque chose de cet ordre (comment le nier ?) mais je veux dire qu'il ne recoupe pas les immenses enjeux intellectuels qu''on veut lui attribuer.
Pour le dire criument : toute cette histoire de rupture analytique/continentale c'est un peu du flan quel que soit l'angle sous lequel on le prend : tradition, style, normes cognitives, auteurs de référence...
Sous ce schisme il y a bien certaines divergences importantes et parfois radicales, c'est vrai, mais l'essentiel consiste en quelque chose de bien plus trivial à mes yeux : la barrière des langues, la barrière des nations, et surtout, avant tout : des enjeux institutionnel et stratégiques.
Lorsque les "philosophes analytiques" arrivent aux Etats-Unis dans les années 30, ils ont par exemple besoin, pour conquérir une place dans l'uiniversité de se "débarrasser" de leur rivaux pragmatistes et idéalistes qui tiennent alors le haut du pavé et donc de parvenir à s'en distinguer. (Ils ont si bien réussi qu'on enseigne aujourd'hui Derrida et Badiou en cours de littérature comparée.) En Angleterre, les philosophes, pour conquérir une place à part entière dans l'université, vont eux surtout avoir besoin de développer l'idée d'une "méthode philsophique" nettement distincte de la "méthode scientifique" ((A. Janik et S. Toulmin ont étudié ce point en détail, ainsi qu'E. Gellner sur le versant polémique).
A mon avis, ces gestes stratégiques, institutionnels, ces politiques de la distinction (presque au sens de bourdieu), qui visent à transformer une situation en partie contingente en véritable "destin" de la philosophie (autrement dit : à réécrire l'histoire) sont pour une part essentielle à l'origine de la dite "rupture" analytique/ continentale".
Qui plus est cette "rupture" est, chronologiquement, bien moins étalée dans le temps qu'on ne le dit habituellement. Elle ne se superpose pas aux XXe siècle. A mon avis il y a une forme de surdité ou de solitude mutuelle qui se développe surtout dans l'apres guerre : en france on (re)découvre Husserl, Heidegger, Hegel (et on commence à oublier un peu William James, Russell ou le cercle de vienne) avant de passer à Nietzsche, Marx et Freud tandis que la philosophie analytique assoit sa domination institutionnelle dans les pays anglo-saxons, mais cela ne va pas au dela des années 80 selon moi avec Rorty et d'autres oecuménistes et/ou dissidents (de part et d'autre) ainsi que des disputes (c'est à dire un minimum de points de rencontre) qui se font de plus en plus fréquents entre "analytiques" et "continentaux."
Bref: je ne nie pas qu'il y ai en phiosophie des traditions, des lignées, des écoles de pensée, des styles, des modes d'argumentation, des partis pris cognitifs divergents, et parfois incommensurables mais plutôt que de grands schismes, plutôt que deux ou trois grandes lignes de démarcations l'histoire de la philosophie est faite d'un foisonnement de lignes qui s'écartent puis se rapprochent, se chevauchent et sont brutalement séparées parfois pour de bonnes raisons et parfois sans, parfois consciemment et parfois non.
C'est toute la différence entre l'histoire de la philosophie qui se veut prophétique et qui reconstruit le passé à l'image du présent et la véritable histoire des idées qui avance de façon beaucoup moins rectiligne et qui est aussi plus difficile à "lire", car nettement plus confuse.
Jetez par exemple un oeil sur l'histoire de la philosophie américaine écrite par H.W. Schneider au milieu des années 50 (c'est tres proches de nous !). Schneider est le successeur et le disciple de Dewey, il tient une position importante sur le plan institutionnel, il a beaucoup d'eleves, il donne des conférences partout dans le pays, il lit beaucoup de gens avec lesquels il est d'accord ou pas, il porte un regard vaste, érudit et non dogmatique sur la philosophie de son époque et pourtant aucun philosophe analytique "pure souche" n'est cité à ce titre (le nom de carnap n'apparait même pas dans cet immense pavé de plus de 600 pages). Il n'ignore pas l'analyse logique ou l'atomisme de Russell par exemple mais pour lui ce sont des idées qui appartiennent encore au débat "pluralisme vs monisme" (relaté par J. Wahl dans les philosophies pluralistes d'angleterre et d'amérique).
Schneider vit dans un monde ou la rupture analytique/contientale n'existe pas, n'est pas manifeste ou n'a pas d'importance cruciale. Pourquoi penser qu'il a la vue basse et nous percante ? Pourquoi Jean Wahl, lorsqu'il rédige son livre en 1920 estime-t-il que la rupture majeure qui traverse la philsophie contemporaine se fait entre monistes et pluralistes et que sur cette base on peut relire toute l'histoire de la philsophie (C'est exactement l'idée excessive que se font certaines personnes aujourd'hui du couple analytique/continental) alors que nous ignorons presque tout aujourd'hui de cette question, et qu'elle semble à une majorité de gens sans interet ? Parce que tracer de semblables généalogies dans l'histoire des idées cela consiste souvent à réécrire l'histoire pour agir sur le présent, quitte à rendre ce présent en partie illisible.
Pardon d'avoir fait un message un peu long... Je finis.
En 1962 se déroule à Cersy le colloque sur la philsophie analytique qui réunit les tenants de l'approche "continentale" ce qui veut dire alors = Phénoménologique/existentialiste (Un jean Wahl qui a bien vieilli depuis les "philosophes pluralistes", Merleau-Ponty, Alquié...) et ceux de "l'analytique" (Quine, Austin, Strawson...). A la question de Merleau-Ponty :"Finalement nous faisons bien la même chose ?" Ryle pouvait encore répondre agressivbement : 'j'espere bien que non !"
- A mon avis cette époque est terminée, révolue : il y a bien des gens à l'heure actuelle qui ont non seulement des conceptions différentes en philsophie mais des conceptions différentes de ce qu'est la philsophie mais tracer une grande ligne de partage qui séparerait deux groupes homogenes et distincts se faisanbt face en chiens de faience est aujourd'hui impossible : on réalise mieux qu'on a affaire maintenant à un foisonnement de différences plutôt qua l'opposition de deux blocs.De toute façon cette opposition bloc a bloc n'a jamais existé : dans la préface des actes du colloques on ne distingue pas deux philosophies qui se partagent le monde mais trois : la continentale, l'analytique..... et le matérialisme dialectique.... Sans comper vos autrichiens....
je viens de voir le message précédent le mien (posté à la même minute) - ce doit être royaumont 58 en effet le colloque sur la philsophie analytique.
Je réagis également vite fait au message de Julien Dutant : je pense que même une ébauche de semùblant de distinction analytique/continentale est déjà completement à coté de la plaque au XIXe siècle. A la limite, pour être tatillon, je ne vois pas bien pourquoi mettre nietzsche du côté des idéalistes allemands, certes son maitre est schopenhauer mais il partage aussi avec lui une tres nette anglophilie, qui le tire bien plus du côté du materialisme empiriste. Il a fallu un bon moment pour percevoir Nietzsche comme un idéaliste (les gens du début du XXe était très peu sensibles au côté "tout est interpréttation" chez lui, ils le voyaient plutôt comme le théoriecien de la "brute blonde"). Et en fin de compte la mecture de NIetzsche qui est la plus fidele a son vrai projet est sans doute celle de Robert Pippin qui en fait un "moraliste français" c'est à dire un penseur critique, et naturaliste, des passions.
Et il ne faut pas oublier que Nietzsche a quand même marqué d'une certaine façon des gens comme carnap même si ca reste periphérique.
Quant au XVIIe-XVIIIe siècle, séparer de Spinoza (sur lequel Hobbes a quand même eu une influence plus que majeure !) de Diderot, La mettrie, D'Holbnach, Helvetius, tous ces materialistes égalitaristes convaincus qui ECRIVENT : « Nous sommes les nouveaux spinozistes !" (cf. le livre de J. Israel, "Les Lumieres radicales") ca ne me semble pas tres habile. Tout comme le fait de les réunir avec des gens comme Voltaire ou Montesquieu, de fervents théistes. C'était ce genre de démarcation aui comptait a l'époque : qui vous mettait hors la loi, vous faisait risquer la mort ou vous sauvait la vie, ne l'oublions pas...........
Et puis en ce qui cocnerne le XVIIIe siècle en angleterre la ligne de demarcation la plus violente se faisait entre empiristes (Hume, Berkeley...) et philsophes du sens commun (Reid, Burke...), presque rien d'autre ne compte chez eux jusqu'a la revolution française et ca ne recoupe en aucune façon la division analytique/continentale.
Par rapport au schéma je trouve que Freud n'y a pas sa place : il n'avait aucune culture philsophique comme le lui a souvent reproché Jung de façon polémique qui relate qu'il fut tres contrarié d'apprendre que Schopenhauer avait déjà émis certaines hypothèses proches des siennes...
Cette anecdote pour mettre en avant le fait que cette idée de tradition n'est pas nette : englobe-t-elle une forme d'influence intellectuelle du type strictement causal, ou au contraire s'agit-il de penseurs réunis a posteriori à cause de la similitude de leurs idées ? Que partagent au juste les gens appartenant à des traditions opposées et qu'est-ce qui les distingue ?
Autre anecdote : il y a eu une dispute celebre entre Searle et Derrida qui ressemble d'avantage à un dialogue de sourds et à un échange d'insultes qu'à autre chose. Par contre il y a eu une discussion entre Foucault et Searle qui a été fructueuse dans la mesure où Foucault a ensuite modifié sa position sur les actes de langage exposée dans l'archeologie du savoir. Qu'en déduire ? A mon avis Foucault et Derrida n'ont rien en commun si ce n'est une façon d'écrire, obscure et pompeuse, prétentieuse et sophistiquée, typique de leur génération que Foucault abandonnera d'ailleurs vers la fin. Par contre Foucault et Searle ont suffisament en commun pour que les objections de l'un puissent amener l'autre àn réviser ses propres thèses. Que penser de cette histoire de "tradition" dans ce cas ?
Et le Wittgenstein des Investigations Philosophiques, où le placez-vous ? A part ? Il est clairement dans la lignée analytique, mais les IP, est-ce encore de la philosophie analytique ?
Bonjour Abrutifini,
je me doutais qu'en illustrant mes souvenirs d'étudiant du siècle dernier d'un petit schéma, je m'exposais à une leçon d'histoire de la philosophie : voilà qui est fait et de belle manière qui plus est ! Je vois mal maintenant comment que je pourrais le défendre, après que vous l'ayez mis ainsi en pièce, en le criblant d'autant d'exemples.
Je me demande toutefois si vous n'attendiez pas trop d'un tel schéma (je me demande même si je n'aurais pas dû le placé plus haut dans mon texte, voire ne pas en faire du tout) : je n'avais pas la prétention de retracer
avec 3 bouts de rectangles reliés entre eux par 4 pauvres traits (et ça m'ennuie qu'il ait pu être interprété comme tel), mais de montrer grosso modo ce que recouvrait cette distinction que l'on fait ou que l'on a pu faire lorsque l'on parle de philosophie analytique et de philosophie continentale.Cela ne signifie pas que la philosophie s'est réduit, se réduit ou se réduira à cette distinction ; et lorsque vous écrivez qu'il n'a pas ni une, ni deux, ni trois, mais une multiplicité de traditions philosophiques, je ne vois pas ce que je pourrais avoir à y objecter. Mais parmi cette multiplicité, c'est pourtant bien entre ces 2 types qu'il y a opposition systématique - du moins en France : on n'a encore jamais vu l'introduction d'un livre portant sur le marxisme ou sur le thomisme préciser au lecteur, qu'il tenait bien là, dans les mains, un ouvrage de philosophie. Le jour où ce type d'avertissement au lecteur aura disparu des ouvrages dits de philosophie analytique, on aura fait un grand progrès.
Dorénavant, je m'abstiendrais de laisser passer ce type de schéma maladroit. En fait, j'aurais dû m'en tenir à l'exemple de Husserl, philosophe avec lequel je suis un peu familier, en montrant comment, à côté d'une lecture heideggerienne de la phénoménologie de Husserl, il existait maintenant, et pas seulement en France, une redécouverte de thèses examinées et élaborées au sein de l'École de Brentano, thèses largement discutées aujourd'hui, aussi bien par des philosophes d'obédience analytique que phénoménologique et, pour n'en citer que deux, mais des gallo-romains, je vous renvoie à :
répondant ainsi aux regrets de Husserl en 1913, estimant, dans sa préface de 1913 à la 2e édition des Recherches Logiques, que la IIIe Recherche avait été trop peu lu.