Jacques Bouveresse, Satire et prophétie : les voix de Karl Kraus
13 octobre 2007
Karl Kraus a inlassablement attaqué un mal auquel nous sommes exposés plus que jamais : la manipulation par le discours, le mensonge et la corruption de la langue, signe de la corruption de la pensée et du sentiment. Contre cette agression, il a forgé des armes terriblement efficaces et montré comment s’en servir. Son œuvre reste, comme le dit Elias Canetti, une « école de résistance ».
C’est à bien des égards notre époque, plutôt que réellement la sienne, que les descriptions et les polémiques de Kraus donnent l’impression de viser. Comme il le craignait, les exagérations d’hier sont si vite dépassées par les réalités d’aujourd’hui que la tâche du satiriste en devient de plus en plus problématique. La satire ne fait souvent qu’anticiper et annoncer ce qui fera demain l’objet d’un reportage dans les médias : elle a le sentiment d’essayer désespérément d’empêcher la réalité de lui donner raison.
Ce livre a été écrit pour montrer au lecteur d’aujourd’hui, sur quelques exemples précis, à quel point nous avons besoin en permanence – et en ce moment probablement plus que jamais – d’armes comme celles que Kraus nous a laissées.Jacques Bouveresse, Satire et prophétie : les voix de Karl Kraus, éditions Agone.
Commentaires
la jacquerie continue de plus belle et c'est tant mieux! plus ça va plus Bouveresse me semble pouvoir se rapprocher de Guy Debord. La comparaison se joue autour de leur intransigeance: d'un côté une ascèse tragique(Debord), de l'autre une dureté érudite,une sévérité sans faille.
Je n'avais encore jamais fait le rapprochement entre ces deux auteurs, mais effectivement je retrouve chez eux cette intransigeance et ce souci d'une écriture débarrassée de tout héroïsme.