J’ai raconté tout à l’heure comment mon parcours m’a doté d’une double formation, l’une en mathématiques et l’autre en philosophie. Le domaine des mathématiques dans lequel je travaillais dans les années cinquante et soixante était celui de la récursivité et de la calculabilité. En tant que mathématicien je connaissais donc fort bien le travail de Turing , ainsi que les machines de Turing. Ce que le fonctionnalisme va mettre de l’avant se comprend très bien depuis cette perspective. Pour l’essentiel, il s’agit de l’idée que l’on ne devrait pas concevoir les états mentaux — croire telle ou telle proposition, douter de quelque chose, vouloir quelque chose et ainsi de suite — comme des états du cerveau (ce que suggérait par exemple J. J. C. Smart ), mais plutôt comme la réalisation (implantation) d’états d’un programme (software). Ceci dit, ma critique du fonctionnalisme ne signifie pas que je le répudie. Je pense toujours que le fonctionnalisme constitue une intéressante porte d’entrée dans les problèmes de la philosophie de l’esprit en cette ère post-informatique en laquelle nous vivons.

Entretien avec Putnam