Commençons l’année avec de la décroissance en enrichissant notre vocabulaire. Aujourd’hui, autoréduction :

L’autoréduction consiste pour un groupe d’usagers à imposer au fournisseur une baisse du prix d’un produit ou d’un service. Il peut s’agir d’une diminution du prix d’un service, par refus notamment d’intégrer une augmentation jugée indue (par exemple comme ce fut souvent le cas lors de la grève des loyers à la Sonacotra), mais l’autoréduction peut aller jusqu’à la gratuité (détournement, piratage, vol etc.) voire prendre la forme de véritables pillages de supermarchés.

Autoréduction

Travaux pratiques :

Scène surréaliste, mercredi après-midi au magasin Monoprix de la rue du Faubourg Saint-Antoine : à l’heure des dernières emplettes pour le réveillon, une cinquantaine de personnes bloquent les caisses.

Leurs chariots sont plein à craquer de victuailles : saumons, foie gras, mais aussi pâtes, huile et pommes de terre. Ils refusent de payer (…)

Autoréduction au Monoprix: pour redistribuer, partir sans payer

Le tract distribué à cette occasion :

« Nous ne paierons pas

C’est la crise. Médias et professionnels de l’économie ne cessent de nous répéter qu’elle va s’amplifier. Et nous devrions la subir chacun de notre côté, regarder silencieusement les loyers et le prix de la bouffe continuer d’augmenter.

Pourtant, en cette période de Noël et de passage à un nouvel an, la richesse matérielle de l’Occident s’expose partout face à la misère du monde ; elle déborde dans les rues à côté des sans-logis, elle scintille dans les publicités pour nous enjoindre à consommer. S’auréolant d’un espoir de croissance et de regain du CAC 40, elle se veut promesse d’avenir radieux par ces temps frigorifiés par l’individualisation et la concurrence.

Et cette richesse est bien gardée, vigilée, il faut être respectable pour y accéder, travailler plus pour gagner plus ou moins, être raisonnable et accepter n’importe quel emploi gracieusement offert, se mobiliser pour un quart de SMIC ou pour un RMI mini mini sous contrôle condamné à devenir RSA, et ça le fera pas, parce que RSA va pas du tout.

Vive la crise

Cette crise montre (si c’était encore nécessaire) la débilité d’un système où certains misent la vie des autres au casino. Et quand ils perdent c’est encore à nous de renflouer leurs bourses. D ‘assister les entreprises.

Pour fêter le nouvel an, nous serions censés dépenser des miettes de salaires ou une maigre prime de Noël dans les supermarchés. Qu’est ce qu’ils croient ? Ce soir nous ne jouerons pas cette fable. Nous ne paierons pas.

Pour la première fois depuis longtemps, cette crise rend palpable que le capitalisme comme période de l’histoire humaine peut arriver à sa fin.

Ici et maintenant, dans ce supermarché, nous arrêtons le flux de marchandises un temps, afin que nous soient concédées les victuailles nécessaires pour fêter cette bonne nouvelle.

D’autres ont d’ailleurs eu la même idée et se sont organisés pour se réapproprier des richesses, à Rennes la semaine dernière, à Grenoble il y a quatre jours, ou encore presque chaque jour en Grèce, où des assemblées en révolte organisent des autoréductions dans les supermarchés pour nourrir le mouvement.

L’autoréduction est une tradition de lutte des mouvements de chômeurs et de précaires que nous appelons à développer maintenant, en cette année qui s’annonce riche en révoltes joyeuses.

Étendons ces pratiques, organisons nous !

À plus.

Soldes de 100% avant fermeture définitive du capitalisme

Les empêcheurs d’encaisser en rond - collectif À bientôt »

D’autres actions ont eu lieu aux Galerie Lafayette de Rennes et celles de Grenoble :

« Ensemble et pas sans rien ! Tout est à nous ! Nous réquisitionnons et nous redistribuons

Avec ou sans emploi, avec ou sans papiers, nous voulons vivre

On entend claironner ici et là que la crise, qui s’annonce grave voire gravissime, n’affectera heureusement pas les fêtes de fin d’année. Certes on se serrera un petit peu la ceinture, mais le budget qui est ordinairement consacré à ces fêtes (600 euros par foyer) ne variera guère. Et l’on voit fleurir sur les postes de télévision les sourires éclatants des gérants de la grande distribution, qui vont réaliser en cette période une grande partie de leur chiffre d’affaires annuel (de l’ordre des 15%). Ouf. On respire. Il en a fallu de peu que ces instants magiques de détente, de bonne humeur ne soient gâchés par la sombre réalité sociale et économique… Rassurez-vous, ces 600 euros iront bien enrichir gérants et actionnaires.

Pourtant, nombre d’entre nous continuent à être excluEs des festivités : allocatairEs des minima sociaux, bénéficiairEs de la maigre prime de noël grâce à laquelle certaines factures en souffrance pourront être réglées ; intérimairEs, en CDD de trois mois, en CDI payé au SMIC, voire à temps très partiel, dont les salaires ne permettent pas de vivre ; chômeurs et chômeuses, intermittentEs du spectacle, saisonniers et saisonnières dont les droits ont été réduits ; personnes sans papiers sans suivi social ni hébergement ; sans logis et mal logéEs qui font plus que jamais les frais de la spéculation à l’origine d’une crise du logement qui explose ; salariéEs de la grande distribution corvéables à merci car dans la nécessité de tout faire pour garder leur emploi et compléter un salaire insuffisant par des heures supp, payées aux abords du SMIC horaire par des entreprises ultra bénéficiaires ; bref, précairEs, salariéEs et autres exploitéEs de tout poil qu’on plume.

Notre sort, bien entendu, ne va pas aller en s’améliorant…

La convention UNEDIC, qui fixe les règles d’indemnisation du chômage, sera renouvelée début 2009. Elle prévoit de réduire les durées d’indemnisation. L’ANPE et les Assedic fusionneront dans le Pôle emploi avec pour seul objectif celui de la rentabilité : plus de radiations, chantage à l’emploi précaire… L’ANPE appliquera en effet la réglementation sur l’Offre Raisonnable d’Emploi (nouveau système de contrôle et de sanctions). Au total, une diminution des dépenses du régime d’assurance chômage de 2,5% en moyenne par an sur la période 2010-2012. ORE et RSA vont développer en outre encore plus d’emplois précaires, dont les patrons dans cette période de crise, se régaleront.

Un autre partage des richesses produites par toutes et tous devient vital.

Voilà pourquoi, ensemble et solidaires, nous réquisitionnons et nous partageons !

Cette action n’est pas isolée… elle s’inscrit dans une lutte globale contre ce monde qui nous étouffe…

À Rennes le 20 décembre. À Grenoble aujourd’hui.

Étendons ces pratiques, organisons nous ! »

Maître Eolas livre une analyse juridique de la situation :

« La rédaction de Rue89 m’a contacté pour me demander l’avis du juriste sur ces opérations. Le bon sens voudrait qu’elles fussent illégales, mais la police, qui a assisté à ces faits, n’est pas intervenue. Et la rhétorique des personnes concernées utilise des termes comme réduction, réquisition, affublés toutefois du préfixe auto-, qui veulent exclure toute illégalité.

Voici une excellente occasion de faire du droit sous a forme la plus pure : l’essence du travail de juriste consiste à qualifier, c’est à dire prendre un fait, une situation, et l’analyser sous l’angle juridique pour trouver la qualification adéquate.

Ensuite, il ne reste plus qu’à y appliquer les règles de droit en vigueur. N’oubliez pas : le vide juridique n’existe pas. Le droit est partout. Vous êtes cerné. Toute résistance est inutile. »

Ni vol, ni escroquerie, l’autoréduction est très probablement une extorsion