La situation est excellente. Ce n'est pas le moment de perdre courage
25 mai 2009
Un îlot de finesse au milieu d’une époque médiocre et grotesque.
« C’est l’aspect le plus formidable de cette procédure : un livre versé intégralement au dossier d’instruction, des interrogatoires où l’on essaie de vous faire dire que vous vivez comme il est écrit dans L’insurrection qui vient, que vous manifestez comme le préconise L’insurrection qui vient, que vous sabotez des lignes de train pour commémorer le coup d’État bolchevique d’octobre 1917, puisqu’il est mentionné dans L’insurrection qui vient, un éditeur convoqué par les services antiterroristes.
De mémoire française, il ne s’était pas vu depuis bien longtemps que le pouvoir prenne peur à cause d’un livre. On avait plutôt coutume de considérer que, tant que les gauchistes étaient occupés à écrire, au moins ils ne faisaient pas la révolution. Les temps changent, assurément. Le sérieux historique revient.
Ce qui fonde l’accusation de terrorisme, nous concernant, c’est le soupçon de la coïncidence d’une pensée et d’une vie ; ce qui fait l’association de malfaiteurs, c’est le soupçon que cette coïncidence ne serait pas laissée à l’héroïsme individuel, mais serait l’objet d’une attention commune. Négativement, cela signifie que l’on ne suspecte aucun de ceux qui signent de leur nom tant de farouches critiques du système en place de mettre en pratique la moindre de leurs fermes résolutions ; l’injure est de taille.Malheureusement, je ne suis pas l’auteur de L’insurrection qui vient – et toute cette affaire devrait plutôt achever de nous convaincre du caractère essentiellement policier de la fonction auteur.
J’en suis, en revanche, un lecteur. Le relisant, pas plus tard que la semaine dernière, j’ai mieux compris la hargne hystérique que l’on met, en haut lieu, à en pourchasser les auteurs présumés. Le scandale de ce livre, c’est que tout ce qui y figure est rigoureusement, catastrophiquement vrai, et ne cesse de s’avérer chaque jour un peu plus. Car ce qui s’avère, sous les dehors d’une “crise économique”, d’un “effondrement de la confiance”, d’un “rejet massif des classes dirigeantes”, c’est bien la fin d’une civilisation, l’implosion d’un paradigme : celui du gouvernement, qui réglait tout en Occident – le rapport des êtres à eux-mêmes non moins que l’ordre politique, la religion ou l’organisation des entreprises. Il y a, à tous les échelons du présent, une gigantesque perte de maîtrise à quoi aucun maraboutage policier n’offrira de remède. »Entretien de Julien Coupat donné au journal Le Monde
Commentaires
Nous sommes dans l’ère des dix commandements où la glorification fanatique précède la condamnation sacrificielle avant de tout oublier et de recommencer.
Toute problématique trouve une raison et une finalité dès qu’un visage ou un logo correspond au portrait robot que se forge l’opinion publique, peu importe les faits ou les hypothétiques récidives.
Nul besoin d’imaginer des complots téléguidés par des puissances invisibles pour procéder aux jugements éternels et aux pardons administratifs.
La machination la plus cannibale, sous couvert de motifs vengeurs et de méthodes victimaires, est gérée par nos propres soins en garantissant notre hygiène morale ainsi que la valeur héroïque de notre égo.
la suite ici :
[Lien supprimé le 31.V.2009. Mickaël.]