La démonstration et le paradoxe de Carroll
1 novembre 2009
Prolongement d’une discussion estivale sur les inférences logiques avec le paradoxe de Caroll. Des deux propositions suivantes
- (A) Des choses qui sont égales à la même chose sont égales entre elles
- (B) Les 2 côtés de ce triangle sont des choses qui sont égales à la même chose
on doit conclure que
- (Z) Les 2 côtés de ce triangle sont égaux entre eux
Or, c’est que la Tortue refuse d’accorder à Achille[1]. Elle est prête à accepter
- (C) si A et B sont vrais, Z doit être vrai
- (D) si A et B et C sont vrais, Z doit être vrai
mais elle refuse toujours d’admettre la conclusion (Z).
Comme l’écrit Pascal Engel
« peut être la Tortue veut-elle soulever un problème sceptique quant à l’application des règles logiques. En quoi le fait de reconnaître la règle du modus ponens comme une norme du raisonnement peut il être suffisant pour nous conduire à agir ? La Tortue n’est-elle pas victime d’une sorte d’akrasia inférentielle qui lui fait voir le meilleur (logiquement) mais lui fait suivre le pire ? Ou n‘est-elle pas, comme Lord Jim dans le domaine de l’action, victime d’une version cognitive de ce que les médiévaux appelaient accidie [2]? Qu’ai-je à faire de la logique, semble–t-elle dire. Comment ne pas lui donner raison ? J’ai connu un logicien, amant transi, qui s’attendait à ce que l’objet aimé effectue un modus ponens, mais était tout étonné que sa belle ne détache ni même ne contrapose. »
Quelle stratégie adopter face à ce refus de l’élève la Tortue ? C’est ce que vous pouvez découvrir dans les actes du séminaire Enseigner la philosophie, faire de la philosophie. En complément du texte précité sur la notion de démonstration (pp. 51-63), on pourra lire La rationalité des démonstrations de Pascal Ludwig (pp. 107-123).
Notes
[1] Lewis Carroll, What the Tortoise Said to Achilles, Mind, 1895.
[2] Dante, Purgatorio, XVIII, 132.(Nota : voir aussi l’entrée Acédie sur Wikipedia)