« L’extension quasi-infinie de la vie morale vers l’indifférent appelle dans une sorte de symétrie une extension du même type vers des actes moralement bons, ni moralement obligatoires, ni même forcément recommandables. Nous serions cette fois dans la seconde catégorie subvertissant l’obligation du devoir moral « normal », celle de la surérogation, qui excède, elle, cette de l’obligation dite normale. Cette catégorie correspond aux actes auto-sacrificiels, ceux des héros et des saints. En gros, donc, obtenir une amande cacaotée supplémentaire dans une brasserie par le biais d’un petit stratagème douteux est vraisemblablement une faute vénielle, alors que sacrifier notre vie pour sauver un inconnu de la noyade est, par définition, un acte d’héroïsme moral. Tout le problème est que ces deux catégories reposent sur l’idée commune qu’il existe un devoir normal dont la formule et le mode d’application nous seraient clairs.

Or la subobligation et la surérogation finissent par dissoudre la clarté du devoir dit normal. C’est ce que nous venons de constater en examinant l’univers complexe du véniel et de l’infravétatoire. C’est ce qui peut également transparaître de l’examen de la surérogation. »

Jean-Cassien Billier, Subobligation et surérogation : la logique morale en question