La réédition de la Psychologie du point de vue empirique de Brentano signe-t-elle le renouveau des études brentaniennes en France ? Voilà une recension qui nous donne l’occasion de relire Exactitude et bavardage (fichier PDF) de Kevin Mulligan.

Psychologie du point de vue empirique« Parmi le groupe des “Autrichiens adoptifs volontaires” dont j’ai dessiné les contours, et qui est très majoritairement d’obédience analytique, c’est sans doute sous la plume et dans la langue acérées de Mulligan, dans le registre de la polémique froide, que se sont trouvées le mieux exposées les raisons de la restauration contemporaine de l’ascendant de Brentano. Mulligan et ses compères voient dans le style intellectuel de Brentano les motifs de ce que doit être une philosophie saine, et le remède à la décadence (et au décadentisme) qui affecte à leurs yeux une bonne partie de la philosophie continentale et américaine contemporaine : haine du Geschwätz, du bavardage et de la fioriture, culte de la définition claire, de la rigueur argumentative, de la Gerechtichkeit noétique, pratique systématique de la description, avant que Wittgenstein ne renforce cet exigence en philosophie, recours à une méthode inductive conforme à celle des sciences de la nature, parcimonie formelle et goût pour les “méthodes de pensée abrégées” (c’est une expression et un jugement d’Ehrenfels). Le combat frontal que mena Brentano dans sa jeunesse contre l’hégémonie schellingienne, le courage intellectuel et moral avec lequel il résista au dogme moderne de l’infaillibilité papale, pour des raisons internes à la dogmatique catholique, au risque de la rupture avec sa famille, avec sa mère, et surtout avec son cousin et disciple Georg vont Hertling, prêtre comme lui, et qui finit par devenir Chancelier du Reich, le courage moral et l’honnêteté qu’il montra au cours d’une crise religieuse ensuite marquée par l’abandon du sacerdoce, et dont il s’efforça de protéger son disciple Anton Marty qui s’était engagé comme lui dans le difficile exercice conjoint du sacerdoce catholique et de la philosophie, par le choix du mariage, avec une juive de surcroît, qui greva irrémédiablement et scandaleusement sa carrière (un épisode qui fait anecdotiquement tomber le masque, abusivement enluminé de nos jours, du libéralisme intellectuel de l’Empire des Habsbourg) et qui s’acheva en 1879 par la rupture formelle avec le catholicisme, la cécité qui le contraignit à la dictée au tournant de siècle, complètent le tableau et ont largement donné matière à redorer ou à dorer la légende de Brentano. »

Brentano, “superprofessionel de la philosophie”