Chapitre 11
samedi, février 14 2015 | Cirederf Nomis
Oui, je sais, j’ai du mal à suivre le rythme. Mais on va arranger ça…
XI
Et là, mes sauveurs éclatent tous de rire. Le conducteur nous gratifie d’un nouveau « Hoy ! Hoy ! Hoy ! ». Il me semble qu’il possède un vocabulaire plutôt limité, celui-là.
J’avoue qu’à ce moment, je ne sais pas quoi faire ni dire. Me considèrent-ils comme une souris, qu’ils attendent voir bouger pour jouer avec, griffes effilées sorties ? Du coup, je reste stoïque.
Et si j’aboyais, ils me laisseraient peut-être tranquille ?
Après réflexion, je préfère m’abstenir.
Le conducteur se tourne alors vers moi et me dit :
– Vous l’avez échappé belle, mon ami ! Quel courage vous avez eu de vous lancer dans le vide plutôt que de vous laisser emprisonner par ces détestables non-humains ! Hoy ! Hoy !
Alors que ses camarades et moi-même lui crions de regarder sa route, il s’exécute une paire de secondes avant de se retourner à nouveau et de me lancer :
– Vous êtes un homme à mon goût ! Vous devriez rejoindre notre groupe !
Face à notre nouveau mur de cris d’angoisse, il se reconcentre sur le pilotage du speeder.
Et moi je me demande : quel groupe ? Serait-il même judicieux que j’en demande plus à ce sujet ?
Et puis bon, il a bon dos de critiquer les non-humains : sa civilisation ne connaît pas le concept du miroir ?
L’homme qui m’a miaulé dessus me tend la main en déclarant :
– Mean Jartin, enchanté.
– Ah, vous parlez le desesperanto ?
Voilà qui me soulage quelque peu.
– Bien sûr, je suis un humain de Planèteville !
– Avec des vibrisses et une queue ?
– Des vibr… quoi ?
– Hoy ! Hoy ! Hoy ! Il veut parler des moustaches, intervient le conducteur en se retournant à nouveau vers nous.
Nous lui crions tous dessus pour qu’il regarde sa route plutôt que ses passagers. Il se reçoit une tomate pourrie sur le crâne, mais je n’arrive pas à identifier celui qui la lui lance.
– Ah, la moustache et la queue ! reprend mon interlocuteur. Ce sont des leurres pour passer inaperçu.
Bah oui, tout s’explique…
Face à la goutte de sueur qui perle sur ma tempe, ou face à mon air interloqué, il continue :
– Les Poliens sont résolument anti-humains, alors nous sommes obligés de nous déguiser pour passer inaperçus.
– C’est réussi, que je réponds dans un soupir.
– C’était mon idée ! Elle est vachement réussie, hein ? Hoy ! Hoy !
En plus des cris, l’un de ses camarades le frappe, cette fois-ci. Il se reconcentre une nouvelle fois sur sa route et évite une collision de justesse.
– Hoy ! Hoy ! En fait j’ai créé la LALAH.
– Ah, vous faites des vocalises ? que je demande.
Un ange sans ailes passe en marchant, et le conducteur répond :
– Les Poliens se sont fédérés en Ligue Anti-Humains, alors j’ai constitué la Ligue Anti-Ligue-Anti-Humains. Et les déguisements, c’est mon idée aussi ! Hoy ! Hoy ! Bien trouvé, hein ?
Il s’attend vraiment à ce que je lui réponde ?
– Nous sommes membres des SSI, pour ne rien vous cacher. Nous avons suivi de près l’évolution de cette planète et avons dû nous adapter pour survivre. Hoy ! Hoy !
– Mais que font les SSI ici ? je demande, le journaliste en moi reprenant le dessus.
Un scoop, peut-être ?
– Mission ultra-secrète, répond l’un d’eux.
– On ne peut rien dire, ajoute le second.
– Si on vous en parlait, on serait obligés de vous tuer après, surenchérit le troisième.
– Botus et mouche tsé-tsé cousue, dit le quatrième en posant l’index sur ses lèvres.
– Hoy ! Hoy ! En fait nous enquêtons sur la disparition d’un de nos collègues. Robinert Flocoche, qu’il s’appelle. Vous avez entendu parler de lui ?
Tandis que ses collègues lui crient dessus et le frappent, autant pour avoir vendu la mèche que pour s’être tourné vers nous, je reste abasourdi.
Robinert Flocoche ? Le colonel Flocoche ? Ancien directeur d’Empire Actualités, porté disparu et remplacé par cette saloperie de Jojo-Bébert de NobleMaison ? Mais… mais… mais… Si j’aide à le retrouver, qu’il reprend sa place à la tête du journal, NobleMaison sera éjecté et je serai assis à la droite de Dieu, finalement ?
Je m’exclame :
– Bien sûr que je connais Flocoche ! C’était mon patron, mon mentor même, le grand frère-père-grand-père que je n’ai jamais eu ! Je ferai tout pour vous aider à le sauver ! En fait je comptais commencer à écrire sa biographie…
En entendant cela, ils ont tous l’air rayonnant. Ouf, moi qui craignais d’en avoir trop fait…
– Hoy ! Hoy ! Je suis ravi d’entendre cela ! Nous avons très peu de chances de nous sortir vivants de l’opération « sauver Flocoche », genre 1%, mais avec vous en nouvel allié, nos chances passent à 1,5%, ce qui est déjà mieux ! J’aime les braves de votre genre, prêts à risquer leur vie alors que toutes les statistiques sont contre vous ! Hoy ! Hoy ! Hoy !
1,5… ? Houlà, personne n’avait parlé de risquer sa peau ! Surtout pour ce détestable Flocoche, ce lèche-bottes des puissants ! Mais comment le leur dire, maintenant ?
Je me sens déprimé. Un comble quand on est entouré de clowns.