XII

 

 

Le retour triomphal du héros !

 

    C’est en début d’après-midi que le supercuirassé Patator du seigneur Exécutor a fait son apparition en orbite de Planèteville, ramenant chez lui l’enfant chéri de la planète, Cirederf Nomis !

 

    Rappelons que notre prestigieux confrère a mis ses nombreux talents, son courage, son altruisme et son charisme au service des Services Secrets Impériaux, impliqué dans une mission de sauvetage très délicate sur la planète P-Oilad’e.

    Ayant par hasard croisé l’équipe des SSI chargée de retrouver le colonel Robinert Flocoche, l’exceptionnel Cirederf Nomis, tête de proue du journalisme au sein du célèbre et universellement lu Empire Actualités, n’a pas hésité une micro-seconde avant de proposer ses services aux SSI.    

    Le seigneur Exécutor, qui a eu le privilège de ramener le héros sur Planèteville, a été rien moins que dithyrambique à son sujet : « Si la valeur d’un homme se mesure à ses actions, nul doute que Cirederf vient d’entrer au panthéon des héros de l’Empire. Je suis fier de me tenir à ses côtés. »

 

    Rappelons que lors de sa collaboration avec l’équipe des SSI, il a tout naturellement été amené à prendre la tête de l’enquête visant à retrouver le colonel Flocoche, jusque-là porté disparu.

    « Hoy ! Hoy ! On s’est vite rendu compte que Cirederf avait une âme de leader, et s’est tout naturellement qu’il a pris les commandes, avec un brio exceptionnel. J’ai beaucoup appris à ses côtés, c’en est très émouvant ! Hoy ! Hoy ! ». Ainsi s’est exprimé le chef originel de l’équipe des SSI chargé de retrouver Flocoche, dont nous ne pouvons divulguer le nom pour raison de sécurité galactique. 

 

    Lors de cette mission, l’intelligence naturellement élevée de Cirederf a franchi un nouveau palier. Il a déjoué tous les pièges des perfides Poliens, en menant de main de maître son équipe : il a su exploiter au meilleur moment les qualités de chacun, et a lui-même mis la main à la pâte quand il le fallait. Lors de l’assaut final de l’équipe des SSI, dix-sept infâmes ennemis sous tombés sous ses tirs de blaster, sans parler de ses pieds et poings, devenus des armes mortelles lorsque la cartouche de son blaster s’est retrouvée vide.

 

    « J’ai émis le souhait que Cirederf prenne la direction des Services Secrets Impériaux », a énoncé notre glorieux Empereur Brigantine 1er, « mais dans un élan de modestie qui est tout à son honneur, ce cher Cirederf a préféré décliner cette offre afin de continuer à se consacrer à sa carrière de journaliste. Je n’ai aucun doute qu’il est à ce jour la plus belle plume de l’Empire. Et je ne vois d’ailleurs personne pour rivaliser avec sa prose, même en incluant les plus grands lettrés de l’Antique République. »

 

    Le colonel Robinert Flocoche, directeur d’Empire Actualités jusqu’à sa disparition, et revenu grâce à Cirederf, a eu des mots très touchants vis-à-vis de son ancien subordonné : « J’ai toujours su que Cirederf n’avait pas dévoilé tout son riche potentiel. Je lui dois la vie, je lui en serai toujours éternellement reconnaissant. Alors que j’étais emprisonné, presque brisé et sans aucun espoir de m’en sortir, il est venu et a fait fi de tous les dangers pour me sauver. Vous savez… [Il sanglote] je vais mettre du temps à me rétablir, je suis épuisé par les douloureuses épreuves que j’ai subies. Aussi je ne compte pas revenir à la tête de la Tribune, mais il me semblerait légitime et logique que notre cher Cirederf ait l’honneur de diriger cette institution galactique. Nul doute qu’il saura la porter au firmament de la gloire ! »   

 

    Jojo-Bébert de NobleMaison, actuel directeur d’Empire Actualités, a été très clair à ce sujet : « Cirederf est un héros, je ne suis qu’une crotte de fourmi naine constipée à côté de lui. Bien entendu que je souhaite de tout cœur qu’il dirige Empire ! Travailler avec lui, ou plutôt sous ses ordres éclairés, est ce qui pourrait m’arriver de mieux ! »

 

    Quand Cirederf est descendu de la navette du Patator pilotée par le seigneur Exécutor en personne, il a eu le droit à une ovation des officiels de l’Empire, notre vénéré Empereur en tête, sans parler de la nombreuse foule bruyante et enthousiaste derrière les barrières de sécurité que les forces d’ordre ont eu le plus grand mal à contenir.

    Sa collègue journaliste Garso Graunyshons s’est jetée à son cou et l’a embrassé fougueusement, mais elle risque d’avoir de la concurrence de très haut niveau : la célèbre chanteuse Yeboncé a fait part de son intérêt et de son admiration pour Cirederf, sans parler des holo-actrices  Hydrey Aepburn et Tanhalie Mortpan.

    Le père de Cirederf, Lehcim Nomis, porte-parole du sous-secrétariat aux anciens combattants du 32ème régiment d’infanterie, était tout naturellement présent à cette occasion. Subjugué par l’émotion, il n’a pu que répéter en boucle : « C’est mon fils ! C’est mon fils ! Je suis son père ! C’est mon fils ! »

 

    Par ailleurs, on annonce déjà que depuis hier, cent-quatre-vingt-deux nouveau-nés de Planèteville portent le prénom de « Cirederf », bien parti pour tenir le haut du pavé pour les prochaines années.

 

    Toute la rédaction d’Empire Actualités se joint à moi pour te souhaiter un excellent retour sur Planèteville. Nous n’avons aucun doute que pour toi, le plus beau reste à venir !

 

 

    – Hoy ! hoy ! Pourquoi est-ce que tu souris béatement ? me demande le conducteur, m’arrachant à l’article que je suis en train d’imaginer, presque une vision inévitable du futur glorieux qui m’attend.

    Comme il s’est encore retourné, ses camarades le frappent et le giflent, et l’un d’eux parvient même à lui donner un coup de talon sur le crâne. Vu qu’il est assis à mes côtés, je ne peux manquer d’admirer sa souplesse.

    Galvanisé par mon futur succès, je bombe le torse, relève la tête et leur dis :

    – OK, les gars, j’en suis ! Allons délivrer le colonel Flocoche !

    À ces paroles, ils me gratifient de vivats. Bien. Ils commencent à comprendre qu’ils ont affaire à un héros, un vrai ! L’univers n’a qu’à bien se tenir, Cirederf arrive !

    – Hoy ! Hoy ! Parfait ! Nous avions justement besoin d’un appât dans le cadre de notre mission !

    Un… appât ? Comment ça, un appât ? Qu’est-ce qu’il entend par là ?

    – Hoy ! Hoy ! Les gars ! On y est ! Balancez-le par-dessus bord !

 

    Et là ils m’empoignent et me jettent hors du speeder.

 

    J’aurais peut-être dû aboyer, finalement…