XIII

 

 

    Et me voilà qui tombe à nouveau, balancé par-dessus le speeder par ces humains faux félinoïdes des SSI, collègues de Robinert Flocoche. Je me demande à quoi il ressemblerait avec des vibrisses et une queue, celui-là…

 

    J’éclate de rire.

 

    Puis me souviens de ma situation.

 

    J’ai envie de pleurer.

 

    Adieu la galaxie ! Adieu la gloire qui m’était promise ! Adieu les femmes que j’aurais pu connaître ! Elles ne savent pas ce qu’elles perdent…

 

    Je passe à travers… une toile ? Un auvent ? Ouf, même pas mal ! Elle s’est déchirée d’un coup et je continue à tomber. Une autre… même résultat. Jusqu’ici tout va bien. Je me doute que ce ne sera pas pour longtemps. Il y a truc qui fait que depuis le début de cette journée, je sens qu’elle tournera mal, immanquablement, quoi qu’il arrive.

    Un effet de pouvoirs psychiques latents chez moi ? Cela ne m’étonnerait guère. On dit que les gens capables d’appréhender la Magie Universelle peuvent parfois devenir des surhommes aux yeux de tout un chacun. Je me verrais bien dans cette catégorie. Certains fustigeront mon égocentrisme, mon arrogance ? Pas du tout. Je constate.

    Aïe, une nouvelle toile… Hop, je la traverse comme une lettre-pad à la subposte !

    Les yeux rivés sur l’horizon, pendant ce que je pense être mes derniers moments d’être vivant, je scrute les nuages. Tiens, celui-là ressemble à un fusil laster ! Et celui-ci à un Parpapaba, une espèce métamorphe en forme de poire, à la base, comme les dessins animés 3D de mon enfance.

    Ah, encore une toile ! Tiens, je ne traverse pas, cette fois-ci ! Elle est sacrément inclinée, quand même. Je sens que je commence à glisser… Oh ! Oh ! Bruit de tissu qui se déchire…

    Aïe ! Aïe ! Aïe ! Je sens que ça va recommencer. Et vlan, ça ne rate pas ! Je passe à travers… encore !

    Alors je crie ma colère, mon sentiment d’injustice à la galaxie entière :

    – ÇA VA SUFFIRE, OUI OU MERDE ?

    Mais comme la galaxie a un sens de l’humour plus que douteux depuis le début de cette journée, voilà que je m’écrase lourdement contre une surface qui vibre sous mon poids.

    Aïe-heu ! Avec tous les bleus qui couvrent mon corps, on va bientôt me prendre pour un Stroump… Chtrouf… un petit bonhomme en short blanc avec bonnet assorti…

 

    Je tourne la tête pour voir où je suis. Une verrière constituant le toit d’un bâtiment. Bon, heureusement qu’elle a tenu. Je n’ose imaginer le résultat sinon.

 

    Et c’est là qu’une fissure surgit de sous mon dos et se propage sur ma gauche. Puis une autre, de l’autre côté. Puis une troisième…

 

    Ne me dites pas que… ?

 

    CRAAAAAAAC !

 

    Ah bah si.

 

   

 

    Tiens donc ! Je viens enfin de toucher le sol, et le choc n’a pas été douloureux, au contraire. Entre mes vêtements assez rembourrés pour m’avoir protégé des éclats de verre et l’épaisse matière floconneuse dans laquelle je viens d’atterrir, j’ai l’impression de me retrouver dans le plus doux douillet des lits.

 

    C’est du foin ou de la paille. Enfin une bonne chose. Je regarde autour de moi. La première chose qui me saute aux yeux, ce sont les barreaux qui m’entourent. Hauts d’environ cinq mètres, ils délimitent un vaste cercle au centre duquel je me tiens assis, quelque peu hébété.

    Je m’aperçois vite que plusieurs autres cages cohabitent dans cette pièce immense. Dans certaines, des animaux que je suis bien en peine d’identifier s’ébattent et crient, sans doute dérangés par mon arrivée aussi bruyante qu’intempestive.

    Dans la cage où je suis, outre le foin qui recouvre le sol, il y a deux auges. Dans l’une, de l’eau. Dans l’autre, de la chair sanguinolente à l’odeur assez nauséabonde pour manquer me faire vomir.

    Des mouches et des moustiques volent autour, avant de jeter leur dévolu sur moi. J’écrase un moustique dans ma nuque. Allons bon, ça recommence. Je réitère mon geste.

    Sauf qu’à défaut d’un moustique, je frappe de la chair, que j’entends bondir en arrière en grognant. Un grognement genre fauve. Accompagné d’un claquement de dents. Genre mâchoire de prédateur.

 

    Je tourne la tête… lentement… très lentement… Ne pas faire de mouvement brusque… au cas où.

 

    Piquants dorsaux sur lesquels je pourrais m’empaler… immense gueule garnie crocs pointus, qui pourrait me couper en deux… griffes capables de me démembrer.

 

    Je serais à un jeu 3DHD-télévisé, je gagnerais un point en identifiant la créature de quatre mètres de long qui ne semble attendre qu’un mouvement de ma part pour me réduire en charpie. Peut-être même que je gagnerais le million de crédits en répondant « Minougroar ! » ?

 

    En attendant, je suis tétanisé, le sang figé dans les veines, pendant que la bête se ramasse sur elle-même, prête à bondir.

    Et tandis que je reste immobile, terrorisé, le minougroar me saute dessus, dans un mouvement puissant et gracieux que je ne peux m’empêcher d’admirer.

 

    La dernière vision qui traverse mon esprit est celle du « steak de minougroar accompagné de ses petits légumes en brunoise sur un lit de champignons de Rapis » que j’ai eu l’occasion de déguster récemment dans un restaurant chic de Planèteville.