XXI

 

 

    Il me faut quelques heures pour venir à bout des missions qui m’ont été confiées. J’ai profité des courses pour m’acheter de nouveaux habits, qui me permettront de passer plus inaperçu parmi la population locale, assez raciste.

    Me voilà donc désormais vêtu d’un pantalon à longs poils bruns – je me demande s’il n’est pas en poils de Poliens, mais m’abstiens de poser la question à la vendeuse –, d’un pull marqué en lettres fluo clignotantes « J’aime P’oilad-e », et d’une casquette munie de bois de cerf. À moins que ce ne soit du daim ?

    J’avoue, j’ai piqué l’idée à Hoyman Hoyddings et à son équipe, grimés en félins humanoïdes. Aussi, quand un groupe de Poliens trop curieux viennent me renifler de trop près, je les gratifie d’un bêlement de bon aloi, ce qui les éloigne, convaincus que je ne suis pas un humain haï.

    Certes, les puristes me diraient que les cerfs et les daims ne bêlent pas, mais comme j’ignore le cri de ces animaux…

    En rentrant au QG, les bras chargés de mes sacs de course, je manque de me prendre un tir de laser de la part de l’équipe de Hoyman, qui ne m’a pas reconnu sous mon déguisement.

    – Un homme-daim ! crie l’un.

    – Un cerf qui marche ! fait un autre.

    – Quel horrible pantalon ! dit le troisième.

    – Hoy ! Hoy ! Joli déguisement ! commente Hoyman, dans sa tenue de clown, les vibrisses frémissantes et la queue électronique fouettant l’air.

    Je me rengorge de fierté, après ce compliment émanant d’un caméléon tel que Hoyddings. Et je me vois déjà écrivant un article à ma gloire éternelle :

 

Dans la peau d’un agent des SSI.

Une difficile mission d’infiltration au service de l’Empire,

Par votre serviteur Cirederf Nomis

 

    J’aime bien, ça claque. À moins que…

 

Comment j’ai sauvé une mission des SSI,

Par Cirederf Nomis

 

    C’est pas mal aussi. Ah non, j’y suis !

 

Interview de l’héroïque Cirederf Nomis par Garso Graunyshons

 

    Avec toutes les récompenses personnelles qui iraient avec, comme de juste, ça le ferait plutôt bien. Très bien, même. Elle m’interviewerait puis, la passion enflammant ses yeux, elle arracherait mes vêtements avant de…     

    – Nomis !

    Zavid. Me voilà calmé aussi sec. D’autant que Kiki, pensant que j’ai pu irriter sa maîtresse d’une manière ou d’une autre, s’approche de moi en grondant, prêt à m’arracher un ou deux  membres.

    – Oui, lieutenant Zavid ? que je demande humblement.

    Je ne me sens pas très bien, me dit-elle en grimaçant, main sur le ventre.

    Mon « Et alors, greluche ? Je ne suis pas docteur ! » intérieur se transforme à haute voix en :

    – Que puis-je faire pour vous aider ?

    – Rien, j’ai déjà pris un médicament. Par contre, dit-elle en baissant la voix, je viens d’avoir la reine des gastros. Tu me nettoies les chiottes vite fait bien fait. Y’en partout, c’est dégueulasse. Et discrètement. Personne ne doit connaître mon état de faiblesse passagère.

    La mort dans l’âme et me demandant quand mon calvaire va enfin s’arrêter, je me dirige tête basse vers le lieu des derniers exploits de Zavid. Je croise Hoyman et ses hommes en chemin, occupés à remplacer les portes qu’ils ont explosées.  

    – La nouvelle porte ne passe pas !

    – Et bien coupe-là !

    – Aïe, je me suis scié le pouce !

    – Quelqu’un a un arrache-clous ? Je viens de me clouer la main à une planche !

    – Oh non, mon lacet est défait !

    – Hey, fais gaffe à ta queue, elle trempe dans la lasure !

    – Mais pourquoi on a de la lasure, au fait ?

    – Parce qu’une porte brute, c’est moche. Je laisse parler l’artiste qui sommeille en moi. D’ailleurs, je pense faire une fresque dans la porte avec l’aide d’un burin.

    – Hoy ! Hoy ! Bonne idée ! Pour ma part, je pensais faire une peinture : les cascades de Naboo sont très jolies, elles seront du meilleur effet dans les toilettes !

    Dans les… ? Nom de nom ! Je rattraper Hoyddings et lui barre la route.

    – Tu ne peux pas aller aux toilettes pour le moment ! que je lui dis.

    – Ah ? Pourquoi ? Hoy !

    – Je… tu ne peux pas, c’est tout !

    Voilà que ses acolytes m’entourent, intrigués. Sur un geste d’Hoyddings, ils m’immobilisent, tandis que lui ouvre la porte des toilettes.

    – Hoy ! Hoy ! s’exclaffe-t-il. Venez voir ça, les gars ! Nomis a refait la peinture des toilettes avec des pigments naturels !

    Alors ils me lâchent, vont voir, rient à leur tour, prennent des 3D-photos qui ne sont pas longs à se retrouver sur les 3D-réseaux sociaux. Enfin, ils finissent par se calmer.

    Hoydding me met une main compatissante sur l’épaule et dit :

    – Tu as dix-sept minutes pour remettre cet endroit propre, hoy !

    – Pourquoi dix-sept ?

    – Je suis réglé comme une horloge. J’ai besoin du lieu dans dix-sept minutes. Hoy ! Hoy !

 

    Il faut absolument qu’à mon retour, je renégocie mon salaire avec Jojo-Bébert.