XLVI

 

 

    Je dois reconnaître que cette femme est plutôt démonstrative. Pour ce qui est de la conversation, je ne sais pas encore. Sa langue fouille tant et tant dans ma bouche avec passion, à croire qu’elle a perdu quelque chose dedans, au point que j’ai bientôt l’impression d’avoir une limace chaude, gluante et speedée dans la bouche.

    Elle me lâche, me prend la main et me susurre à l’oreille :

    – Viens !

    Et moi je réponds :

    – Aïe !

    Il faut dire qu’en passant, elle m’a mordu le lobe de l’oreille.

    Elle m’entraîne dans sa chambre, qu’elle s’apprêtait à quitter avant notre rencontre.

    À vrai dire, je ne suis même pas étonné par son attitude. Je trouve normal que n’importe quelle femme se jette sur moi. La seule chose étonnante est qu’elles ne soient pas plus nombreuses à le faire, subjuguées par ma beauté, mon intelligence, mon charisme, mon exceptionnalité et ma modestie.

    Quand les religions diverses et variées de la galaxie ont pris corps, il y a des millions d’années, ce sont tout simplement des gens comme moi qui ont été pris en exemple et déifiés, ça me semble évident. Il faudra que j’en discute avec un théologien, un jour…

    En attendant, je la suis et la porte se referme sur nous. Je rentre le ventre et bombe le torse. Zut, mon ventre dépasse toujours un peu. Qu’à cela ne tienne, j’y remédie en me penchant légèrement en avant. Mais pas longtemps, car elle se jette à nouveau sur moi et me plaque violemment au mur en disant :

    – Je te veux !

    – Aïe, mon dos ! que je rétorque.

    Elle a de la force, mine de rien. Alors que j’ouvre à nouveau la bouche pour continuer cette intéressante conversation, je m’aperçois que je suis nu. Diantre, belle efficacité de sa part !

    Elle recule, me toise de la tête aux pieds. L’air gourmand et avide qui se lisait sur son visage laisse la place à une grimace de déception.

    – Bon, je suppose qu’il va falloir s’en contenter, qu’elle dit.

    Et elle se jette à nouveau sur moi.

    Je ne prends même pas le temps de me vexer, gagné à mon tour par l’excitation. Le lit est à à peine deux mètres de nous, mais autant faire les choses bien, lui montrer ma virilité et la puissance de mes muscles euh… saillants, en la prenant dans mes bras pour l’y déposer.

    Je la bascule sur moi, passe une main autour de ses épaules, mets l’autre sous ses genoux pour la soulever. Je n’y arrive pas. Je la remets sur pied et l’entraîne par la main vers le lit. Ça s’appelle un plan B, et ça marche tout aussi bien.

    Je la fais tomber sur le lit et lui dis fièrement :

    – Mon nom est Cirederf Nomis. Profite bien de ma présence, car comme à toutes les femmes que j’ai connues auparavant, je vais te laisser un souvenir impérissable !    

    – Moi je m’appelle Sylmort de Leonbinetos, qu’elle me répond sans sembler impressionnée le moins du monde par ma tirade.

    – Super compliqué, ton nom.

    – On me surnomme « Sy ».

    – C’est nettement plus joli. Et bien trouvé. Diminutif de ton prénom, n’est-ce pas ?

    – Non, diminutif du mot syphilis.

    – Ah…

    Mais là encore, alors qu’elle m’attire à elle, je laisse l’excitation me guider, décidé à l’envoyer au huitième ciel. Oui, au huitième. Je laisse le septième aux gens ordinaires, dont je ne fais pas partie.

 

   

 

    Dix-sept secondes plus tard, je suis épuisé, allongé sur le dos, un masque à oxygène dans une main, que je plaque de temps à temps sur ma bouche, histoire de reprendre mon souffle. Dans l’autre main, une cigarette. Je transpire autant qu’un Rbeton sous la pluie.

    Tout à mon bonheur – c’était véritablement divin ! –, je ferme les yeux pour mieux le savourer et me tourne vers Sy. À l’aveugle, je l’embrasse et dis :

    – Fffhj ghjjf fjhgff.

    Pas facile de parler la bouche pleine, finalement. Je me recule, ouvre les yeux, me rend compte qu’en fait, c’était son oreiller que j’embrassais. Voilà qui explique pourquoi je trouvais qu’elle avait soudain un sale goût.

    Je prends de nouveau ma plus belle voix suave pour lui susurrer :

    – Alors, chérie ? Heureuse ?

    Tiens donc, je me rends compte à ce moment que je suis seul dans le lit. Je vois juste sa silhouette franchir la porte, qui se referme derrière elle.

    Étonnant comme elle est partie vite. Probablement bouleversée par ma performance hors du commun. J’espère qu’elle s’en remettra. Même s’il faudra sûrement de longs mois voire des années pour cela. Je ne fais pas partie des hommes qui s’oublient facilement.

    Plus probable : elle entrera dans les ordres et finira dans un couvent, persuadée à raison de ne plus jamais ressentir les mêmes sensations grisantes. Là, elle pourra à jamais choyer les souvenirs de cette merveilleuse rencontre.

    Ce n’est pas ma faute. Je leur fais immanquablement cet effet-là, vu la vitesse à laquelle elles partent toutes.

    Je me rhabille tranquillement en sifflotant, et j’en profite pour fouiller un peu sa chambre. Cool, je trouve cinquante crédits. Décidément, c’est une belle journée !

    Je me sens d’excellente humeur quand je me retrouve dans le couloir, et ma veine continue : je croise un garde qui m’indique comment gagner la salle du trône de Gaga.

    Bien ! Tout va pour le mieux. Nous allons récupérer la famille de Snaf puis nous quitterons Althètis, avant de repartir à la recherche de cet imbécile de Flocoche. Je suis sûr que je vais même réussir à convaincre Zavid de me laisser partir. Après tout, mon charme est au top, je viens d’en avoir une fois de plus la preuve flagrante !