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    Mon nouveau copain et moi on se tape dans le dos tellement on est contents que tout ce soit si bien passé. Je lui tends mon datapad pour qu’il se connecte à sa banque et me fasse le virement convenu de 5 000 crédits. Ce sera déjà ça de pris, mon compte ira un peu mieux.

    Justement, un message de ma banque n’est pas long à s’afficher :

 

    Cher client, nous avons bien enregistré la ridicule somme pitoyable que vous venez de faire verser sur votre compte. Votre découvert n’est donc désormais plus que de 326 274 593, 16 crédits. Car oui, grâce à ce virement de 5 000 crédits, vous venez de réduire votre dette de 0,30 crédits. Ça s’appelle la magie des intérêts. Génial, hein ?

 

    Votre dévoué toujours prompt à vous débiter et vous enfoncer,

    Tablazhar Sicpou.

 

    Je suis ravi de cette bonne nouvelle, qui me met du baume au cœur. Continue comme ça, Cirederf, et tes ennuis financiers ne seront bientôt plus qu’un mauvais souvenir !

 

    Bon, c’est pas tout ça mais il faut penser à décamper. Je regarde les quelques vaisseaux du hangar. Il y a de tout, je n’ai que l’embarras du choix. Sauf un détail, dont je m’ouvre de mon copain garde :

    – Tu sais comment on vole un vaisseau ? Il faut un peu beaucoup que je parte.

    – Aucune idée, mais je suis sûr que tu peux trouver la méthode sur l’interméganet.

    – Vraiment ?

    – Oui, ou plutôt dans sa version cachée réservée aux criminels, l’intermégapasnet.

    – Et comment on y accède ?

    – Ah, il faut être affilié à un syndicat du crime pour ça. Domme-moi ton pad, je vais me connecter avec mes identifiants…

    Il tapote le pad et me fait :

    – C’est bon ! Voyons voir… vols de vaisseaux… rentrer le modèle dans le champ de recherche… Lequel tu veux voler ?

    – Celui-là a l’air sympa, que je fais en désignant un yacht de luxe. À la revente, il devrait rapporter un max.

    – Voyons voir ça, reprend mon ami en tapotant derechef. Ah, trouvé ! Aïe, tu peux oublier.

    – Ah ? Pourquoi ?

    – J’ai bien la notice pour forcer l’ouverture de ce type de vaisseau, mais ça demande cinq gars, dont deux ingénieurs.

    – Zut ! Lequel est plus facilement volable ?

    – Hum… celui-ci, je pense.

    Mon regard se porte sur la direction qu’il indique. L’épave… et encore, le terme me semble trop gentil pour les épaves, ressemble à une grosse soucoupe genre boîte de thon géante, et dont le cockpit se trouve au bout d’une longue avancée du navire, en hauteur.

    – Ça vole, ce truc ? que je demande, dubitatif.

    – D’après mon guide, oui. C’est un modèle de type Kass’rol.

    – Connais pas.

    – Pourri mais increvable, que c’est écrit.

    – Pourri, je veux bien le croire. Increvable… j’espère bien parce que si je dois voler là-dedans…

    – Bah écoute, je viens de vérifier tous les autres vaisseaux présents dans le hangar, et il est impossible d’en voler un sans un minimum d’expérience.

    – Bon, va pour la Kass’rol, alors. Comment je procède ?

    – Il faut aller à l’écoutille latérale. Il y a un paillasson marqué « Bienvenue » dessus, et il n’est pas rare que la clé soit cachée dessous.

    Plus que jamais dubitatif, je me rends à ladite écoutille, mon acolyte sur les talons. Le paillasson est là. Par contre, rien en dessous.

    – Attention, il y a d’autres astuces, me fait le garde, le nez sur le pad. S’il y a un pot de fleurs à côté de l’écoutille, la clé peut être dedans.

    À ma grande surprise, il y a effectivement une suspension juste à côté, avec une plante aux longues grappes de feuilles tombant en parapluie. Mais là encore, je fais chou blanc.

    – Il y a une autre possibilité, me fait mon ami. Y a-t-il un pare-soleil au-dessus de la porte ?

    Il y en a effectivement un, même si je ne vois pas du tout à quoi il peut bien servir.

    Mon ami détient la réponse :

    – C’est un accessoire typique pour ranger ses clés discrètement. Historiquement parlant, ça existait sur les répulso-véhicules, à la base, pour protéger du soleil.

    J’abaisse le pare-soleil et, ô miracle, un trousseau de clés me tombe dans la main ! Vu qu’il n’y en a que deux, j’ai tôt fait de trouver la bonne.

    Quelques secondes plus tard, mon nouvel ami et moi nous faisons nos adieux, dans les bras l’un de l’autre.

    – Bonne chance, Nomis, qu’il me fait en me tapotant le dos.

    – Merci, vieux, que je réponds, ému. Mais tu ne trouves pas qu’on est un peu trop souvent dans les bras l’un de l’autre depuis le début de ce chapitre ?

    – Hum… t’as pas tort, qu’il me répond avant de me lâcher et de faire un pas en arrière.

    Je fais la même chose et ajoute :

    – Et puis bon, si on nous voyait, ça pourrait jaser.

    – Pfeuh, tu veux que je te dise ? On s’en moque, de tous ces jaloux ! Ils ne peuvent pas comprendre la profondeur de notre amitié !

    – C’est sûr, que j’acquiesce.

    Puis je baisse la tête, soupire, écrase une larme au bout de mon œil et ajoute :

    – Bonne chance pour la suite à toi aussi.

    Il déglutit nerveusement, incapable de répondre. Je m’engouffre dans la Kass’rol avant d’être submergé par l’émotion.

 

    Les adieux avec un être cher sont parfois si déchirants…