LX

 

 

    [OK, je poursuis mon apprentissage des chiffres romains avec cette version locale de « 60 ». C’est rigolo de voir que « LX » ça se prononce « aile X », comme le chasseur de l’Alliance Rebelle. Hihihi !]

 

    – Chouette, toute aide est la bienvenue ! fait ZiZi.

    Quel naïf, celui-là ! Je suis bien placé pour connaître la duplicité humaine, et tout cela pourrait bien s’avérer être un piège orchestré par mémé pour savoir quelles sont mes intentions. Peut-être même qu’en fait, elle m’a menti et que son avis de recherche est un faux, qu’elle est agent secret pour l’Empereur, chargée de mettre sur pied un plan élaboré pour me capturer !

    Qui sait si cet éphèbe n’est en réalité pas un rob sophistiqué, avec des lasers paralysants à la place des yeux, et qu’il n’attende que d’être face à moi pour me mettre hors de combat ?

    Ou alors les deux, ZiZi et ce type, complotent dans mon dos pour nous livrer, mémé et moi. Un éphèbe efféminé et un ordinateur de bord qui revendique le nom de ZiZi, la connexion me semble soudain évidente !

    Ah ! Ah ! Ils croient peut-être m’avoir avec leurs techniques éculées de manipulateurs primaires ? Les fous ! Ils ne savent visiblement pas à quel être supérieur ils font face !  Mais ils vont vite le comprendre, foi de Cirederf…

    Avant tout, donner le change. Et donc faire semblant de penser pareil que ZiZi.

    – Ah bah oui, chouette alors ! De l’aide ! C’est gentil, l’ami.

    Je vais pour faire un clin d’œil à mon tour pour achever de l’entourlouper, mais décide finalement de m’abstenir, au cas où il interprèterait ce geste comme une invitation à me coincer dans une impasse ou un lit. On ne sait jamais, avec ce genre de détraqué déviant.

    Le type nous regarde tour à tour, mon Ipadphone et moi, une expression un peu perplexe sur le visage. Il dit :

    – C’est fou de voir à quel point vous faites confiance, comme ça, pouf, sans garantie. Vous me semblez assez crédules et naïfs : faites gaffe, les gars, ça pourrait vous jouer des tours un jour. Heureusement que je ne suis pas un ennemi. Ou un espion.

    Ah ! Ah ! J’en étais sûr ! Cause toujours, bonhomme, je t’ai percé à jour : une dénégation de base pour nous rassurer, ça veut forcément dire son contraire. On ne me la fait pas à moi, le coup de la psychologie inversée. Je connais ça par cœur, j’ai lu des tas de dossiers sur le sujet dans « Psychologie Madame ». Euh… Lus par hasard, bien sûr… si, si, je vous jure… dans la salle d’attente de mon docteur. C’est pas ma faute, je vous jure : y’avait que ça à lire. Sinon vous pensez bien que… Bref.

    Continuer à endormir sa méfiance :

    – Bah, vous avez une bonne tête, aussi.

    – Ouais mais quand même…

    – Et donc, vous disiez que vous voulez nous aider ?

    – Oui. J’ai entendu votre conversation concernant un vaisseau à réparer, pour vous enfuir. Je suis prêt à vous aider si vous me garantissez que je pourrais partir avec vous.

    – Tout ça c’est bien gentil mais quelles sont vos compétences en mécanique ?

    – J’ai fait un CAP mécanicien, puis un bac technologique option électronique, avant d’obtenir un BTS en ingénierie stellaire. J’ai travaillé en intérim pour Meneral Gotors, Kolwsgawen et Iirbus Andustries.

    Non mais il se fout de moi, là ?

    – Et avec toutes vos qualifications, vous exercez aujourd’hui le métier de… gigolo ? que je lui demande, circonspect.

    – C’est pas de ma faute si, en plus d’être très intelligent, la nature m’a doté d’un corps de rêve, qu’il me rétorque tandis qu’une brise sortie de nulle part fait onduler ses magnifiques cheveux soyeux.

    Il m’énerve mais il n’a pas tort. Il continue ses explications :

    – Quand j’ai vu la petite annonce, « dame d’un certain âge cherchant jeune et bel homme pour faire des trucs », je me suis dit que c’était ma chance d’hériter d’une vieille riche ! Il ne s’en faudrait que de quelques mois au pire, quelques jours au mieux, pour que son cœur lâche si je lui faisais tous les trucs que je connais.

    Là, bien sûr, il rigole grassement, et moi aussi, par réflexe. Humour de mecs. Puis je me souviens qu’on parle de mémé, et je blêmis en imaginant que… NON ! JE N’IMAGINERAI RIEN !

    Pendant ce temps, le gigolo enchaîne, penaud :

    – Ce que je n’avais pas prévu, c’est que non seulement elle dure, mais en plus que ce soit elle qui m’épuise. Je n’en peux plus et mon docteur a voulu me prescrire un arrêt de travail. J’ai refusé parce que sinon, je risquais d’être viré, mais je suis au bout du rouleau ! Seuls les antidépresseurs me font tenir, et je sais que ça ne va pas durer longtemps. Vous êtes mon seul espoir, Cirederf, sauvez-moi, je vous en supplie ! Pitié !

    Quand il termine ses lamentations, il est à genoux face à moi, a pris mes mains dans les siennes et me gratifie d’un regard de chien battu qui lui vaudrait l’une des premières places au concours de regard de chien battu sur la planète Canis Major IV.

    J’avoue que j’exulte : monsieur belle gueule avec un cerveau a tombé le masque, ce n’est plus qu’une loque. C’est bien fait pour toi si la vie s’acharne sur toi : pour une fois que ce n’est pas sur moi…

    Et puis j’exulte aussi parce que j’avoue que j’aime bien quand les gens sont à genoux devant moi. Certes, c’est la première fois, mais c’est une situation dont je sens bien ne pas pouvoir me lasser aisément.

    Comme il me fait trop pitié, j’ouvre la bouche pour signifier que j’accepte de l’aider et que lui-même m’aide, quand une idée lumineuse me vient.

    – Je ne sais pas, que je dis en jouant à l’indécis. Réparer un vaisseau, ça n’a rien de compliqué, pas sûr que j’ai besoin d’aide, en fait.

    Je fais semblant de ne pas entendre le ricanement qui sort alors de mon Ipadphone.

    – Pitié ! Je ferai tout ce que vous voudrez !

    – Tout ?

    – Tout !

    – Hum… Dans ce cas, on va peut-être pouvoir s’arranger. Vous avez combien sur votre compte bancaire ?

    – Euh… environ 4 500 crédits impériaux.

    – C’est peu, que je commente, assez déçu.

    – C’est bien pour ça que je voulais me faire entretenir par une dame âgée.

    Logique.

    – Et votre découvert autorisé, il est de combien ?

    – 2 000.

    – OK. Faites-moi un virement de 6 500 crédits et je condescends à vous aider, que je conclue, grand seigneur.

    Aussitôt, il sort un Ipadphone de son pagne – beurk ! – et tapote dessus comme un fou avant de me le tendre.

    – Voilà, tout est prêt, il ne vous reste plus qu’à entrer les coordonnées de votre propre compte pour que le virement se fasse.

    Non mais sérieux, il croit vraiment que je vais toucher son Ipadphone ? Tout pour éviter ça !

    – Euh… J’ai mal aux doigts, je te donne le code et tu l’écris toi-même, OK ?

    – Même votre code secret ? qu’il demande, incrédule.

    – Oui, c’est bon, il faut savoir faire confiance à son prochain.

    En fait, c’est surtout que je m’en fiche un peu, vu le découvert déjà abyssal qu’il y a sur mon compte.

    N’empêche que le voilà ému. Je vois qu’il s’essuie discrètement les yeux pendant que je lui communique mes identifiants.

    Il me tend à nouveau le Ipadphone pour que je constate que la transaction s’est bien faite.  Je me rapproche, mais pas trop. C’est bon, tout est en règle ! Les affaires reprennent, encore une fois !

    – Au fait, tu t’appelles comment ? que je demande.

    – Tarzan Thor, mais mes amis m’appellent TT.

    – C’est noté.