LXV

 

 

    – Bon, on procède comment ? que je demande à ZiZi, plus calé que moi en matière de technologie.

    – Déjà, on attend la nuit pour ne pas se faire repérer. Ensuite, je vais mettre Tarzan Thor au courant de notre plan.

    – T’es sûr ? que je demande, dubitatif.

    Moi c’est clair, jamais je ne ferai confiance à un parasite… gigolo, pardon. Bref, c’est du pareil au même.

    – Oui, sûr. Le vaisseau est sûrement gardé, donc si TT est chargé de la surveillance, il nous laissera passer. Déjà, on est copains, et puis j’ai prévu de lui donner un truc qui devrait le ravir.

    – Ah ouais ? C’est quoi ?

    – Il est trop tôt pour le dire. On en reparlera si… quand il aura accepté.

    – OK, je te fais confiance. Oh, mais j’y pense : lui s’y connaît en mécanique. Il pourrait procéder au sabotage à ma place, ce serait plus vite fait.

    – Tu n’y penses pas, Cirederf ! N’es-tu donc qu’un monstre insensible prêt à sacrifier tes amis ? C’est toi qui veux empêcher ta mémé de fuir la planète, donc c’est à toi de prendre les risques lors du sabotage. Question d’éthique !

    – Mouais, que je concède du bout des lèvres, pas tout à fait convaincu.

    Si je peux sacrifier d’autres gens à ma place, en général je n’hésite pas une femtoseconde : je suis plus important à mes yeux que le reste de l’univers. Et je ne comprends pas pourquoi l’univers ne s’en rend pas compte. Il faut croire qu’il est peuplé d’imbéciles myopes du cerveau.

    – Bon, reprend ZiZi, c’est arrangé avec TT, je viens d’avoir une conversation avec lui et il est d’accord pour nous aider.

    – Déjà ?

    – Oui. Je suis évidemment capable de faire plusieurs choses à la fois, d’autant qu’on ne peut pas dire que le niveau de ta conversation monopolise beaucoup de mes ressources.

    – J’ai rien compris.

    – C’est pas grave. Ne nous reste plus qu’à attendre la nuit, maintenant.

    Le reste de la journée s’étire comme le plus long des jours, mais finit enfin par se barrer. Je me mets dès lors en route vers le hangar, en marchant sur la pointe des pieds histoire d’être plus discret.

    J’arrête au bout de dix pas parce que ça fait super mal aux orteils. Du coup, je me mets à marcher la tête rentrée dans les épaules, pour être moins visible. J’arrête deux couloirs plus tard : ça me pète les cervicales.

    Heureusement, je ne tarde pas à me retrouver face à la porte du hangar. Et comme prévu, le garde est TT.

    Il me prend les mains, les serre et me dit :

    – Bonne chance, Cirederf. Je suis de tout cœur avec toi.

    – Mon cœur est déjà pris, que je lui mens pour qu’il me lâche la grappe.

    Et dans le même temps, je lui fais lâcher mes mains d’un coup sec. Ouf, il ne s’en formalise pas. Il tape le code de la porte sur le boîtier afférent et ajoute :

    – La porte s’ouvre sans code pour ressortir. Tu ne seras pas embêté à ce niveau-là.

    Je grogne quelque chose d’indistinct en guise de réponse tout en esquivant la main qu’il comptait apparemment poser sur mon épaule pendant que je passais devant lui pour entrer. Il faut vraiment qu’il apprenne à garder ses mains loin de moi, ce pervers.

    Dans le hangar à peine éclairé, il n’y a que le – superbe – vaisseau de mémé. Je me demande combien d’années de dettes il me rembourserait si je m’en emparais et le revendais.

    Mais pas le temps de m’appesantir sur le sujet : mon Ipadphone sonne et la voix de ZiZi en sort :

    – À ta droite, contre le mur, il y a un placard à outils. Ouvre-le.

    J’obtempère. Effectivement : dedans, il y a des outils. Qu’est-ce qui est quoi, je n’en ai aucune idée. Mais il faut croire que ZiZi lit dans mes pensées car pour une fois, il se fait pédagogue avec moi :

    – Pose ta main sur n’importe quel outil. Bien. Remonte de deux outils. Trois à droite. Non, ton autre droite. Descends un peu. Stop ! Tu y es ! Prends-le.

    Je me retrouve avec ce qui ressemble à un gros sèche-cheveux.

    – Appuies sur le bouton « on » pour voir s’il est chargé, et fais gaffe. C’est une trancheuse-laser.

    J’appuie, un rayon-laser de visée rouge en sort et transperce la pénombre du hangar.

    – MOUHAHAHAHAHA ! JE SUIS SUPERLASERMAN !

    – Euh… Tu nous fais quoi, là, Cirederf ?

    – Je sais pas.

    Et c’est vrai. J’ignore ce qui m’a pris. Peut-être que le sèche-cheveux-laser est envoûté ?

 

    La suite s’avère être une formalité. Suivant à la lettre les instructions de ZiZi, Je fais une profonde incision dans un gros tuyau le long du vaisseau, mais invisible à l’œil nu.

    – Parfait, dit ZiZi quand j’ai terminé. Les causes de la panne de cette tubulure peuvent être multiples donc les techniciens de mémé vont mettre un temps fou à réparer. Et on peut compter sur TT pour les aiguiller vers une fausse piste si besoin est.

    À ce moment, je suis l’homme le plus satisfait de l’univers. Je quitte le hangar et retourne me coucher, sans le moindre accroc. Oui, décidément, ma malchance a enfin tourné. Les choses redeviennent simples, comme je les aime.

 

    Je m’endors heureux et content de moi, en paix. Ma nuit se berce de rêves de moi en superhéros sauvant la veuve mignonne et aguichante, mais pas son orphelin, qui me dérangerait plutôt qu’autre chose.

    À la fin, elle tombe dans mes bras. Bien joué, Superlaserman ! Give me five !