XCV

 

 

    De retour à l’abri dans le couloir, je me laisse tomber à terre, épuisé. J’ai une pensée pour ce pauvre Saint-Lazare, victime d’un destin cruel. C’est vraiment dommage, la galaxie a perdu un génie.

    J’éprouve un immense sentiment de perte, et je sais pertinemment que le jour (très lointain, n’en doutons pas) où je mourrai à mon tour, l’univers entier portera le deuil. Sera-t-il même capable de s’en remettre ? Je l’espère pour lui, mais j’ai un sacré doute quand même. Un univers sans Cirederf Nomis, c’est comme un cocktail sans alcool : il y manque LE truc essentiel. Ne reste qu’une fadeur sans nom.

 

    J’entends des bruits, quelque part dans la forteresse. Ce que c’est, aucune idée. D’où ça vient, je ne sais pas non plus. Mais ça me rappelle dans quelle situation plus que jamais précaire je suis.

    Je me relève, constate avec plaisir que mon corps va beaucoup mieux. Mes capacités physiques sont à l’avenant de mon esprit brillant, faut croire.

    Et maintenant, je fais quoi ? Comment survivre à tous ceux qui me cherchent ? Les Zavid, Hoyddings, Covelian, Zavid, Kiki, le Mandalorien ? Sans parler de Vador et de l’Empereur, qui semblent avoir décidé de se mêler à la fête ?

    Il va falloir le dieu des miracles pour que je m’en sorte, je le crains. Parce que là maintenant tout de suite, je n’ai aucune idée. Mon cerveau est aussi vide que celui du colonel Covelian, c’est pour dire.

    Bon, une chose est sûre : rester là ne fait pas avancer mes affaires. Peut-être que si je me planque dans un placard, personne ne me trouvera ? Hum… un peu trop aléatoire à mon goût.

   Réfléchis, Cirederf, réfléchis ! Un cerveau supérieur comme le tien va forcément trouver une, que dis-je, LA solution !

    Rien.

    Covelian, sors de ma tête !

 

    Le stress commence à monter en moi, alors que je commence à marcher dans le couloir. Je ne peux m’empêcher d’imaginer tous ceux qui sont à mes trousses se rapprocher de moi, peu à peu, la bave aux lèvres, les doigts crispés sur la détente de leurs blasters, tous plus impatients les uns que les autres pour me mettre en charpie.

    Je m’arrête à un carrefour en T. Les deux côtés du couloir sont vides, une porte fermée à chaque bout. Alors, gauche ou droite ? Droite ou gauche ? Je cherche une pièce pour tirer au sort, mais n’en trouve pas. Quand ça veut pas, ça veut pas.

    J’entends du bruit sur la gauche, et le temps que je tourne la tête dans cette direction, je vois un sabre-laser rouge qui en sort, avant de dessiner un grand cercle dedans.

    Une voix dit :

    – Monseigneur Vador, il aurait été plus simple d’appuyer sur le bouton d’ouverture sur la console de commandes.

    – Peu importe, rétorque la voix métallique la plus crainte de toute la galaxie. Et c’est un excellent échauffement en vue de la décapitation de Nomis.

    – Certes, mais s’il y a un court-circuit, il se pourrait que…

    Des éclairs apparaissent, une explosion retentit. La porte s’ouvre en cahotant. Surpris, Vador lâche son sabre-laser toujours fiché dans la porte. Celle-ci s’escamote dans un mur, mais pas le sabre-laser, dont le manche est trop large pour s’escamoter lui aussi. Il se plie avant de se casser. Deux trois petits éclairs bleus en sortent, la lame s’éteint, et les morceaux tombent à terre, aux pieds de Vador.

 

    Et là j’éclate de rire.

 

    C’est pas ma faute, je le jure. C’est juste qu’en le voyant contempler les restes de son arme, je n’ai pas pu m’empêcher de le trouver ridicule et d’imaginer une tête dépitée sous son casque.

    Et non seulement j’éclate de rire, mais en plus je n’arrive plus à m’arrêter, c’est nerveux. Pourtant, j’essaie de toutes mes forces, promis !

 

    Vador relève lentement la tête et plante ses yeux que je ne vois pourtant pas dans les miens. Mon rire cesse enfin. Ne reste plus qu’un large sourire sur mes lèvres.

    – Je vous avais prévenu de faire attention au court-circuit, seigneur Vador, reprend le soldat qui l’avait mis en garde.

    – Fais attention à ce court-circuit-là dans ta gorge, répond Vador en le regardant, poing levé et serré devant lui.

    Je vois le soldat devenir blanc, puis rouge, cherchant désespérément à avaler une goulée d’air. Vainement. Il s’écroule, raide mort.

    Ça y est, cette fois mon sourire est aussi mort que le soldat.

 

    Vador reporte son attention vers moi…

 

    Il lève le poing…

 

    Je tourne aussi sec les talons et me mets à courir comme jamais, tout en n’oubliant pas de faire diversion car toute seconde d’avance est bonne à prendre. Donc je lui lance :

    – Votre lacet est défait, seigneur Vador !

 

    Pendant que j’ouvre la porte d’en face et que je m’engouffre dans un nouveau couloir, tout en m’étonnant de ne pas entendre Vador et ses hommes me poursuivre, j’entends la voix d’un soldat dire :

    – Si je peux me permettre, seigneur Vador, je vous rappelle que vous portez des bottes.