Coup de foudre

Tout s’était déroulé comme dans un conte de fées.

Ils s’étaient rencontrés dans un café, un soir, tard. Il était seul. Elle attendait quelqu’un…qui ne vint jamais. Ils avaient sensiblement le même âge. Il était bien fait de sa personne, elle était charmante. Il avait de la conversation, et elle s’intéressait à beaucoup de choses. Ils sentirent vite que quelque chose passait entre eux. Comme si des liens puissants étaient sur le point de naître. Chacun se montrait sous son meilleur jour, et eut l’impression de rencontrer l’âme sœur.

L’heure précédant la fermeture passa plus vite qu’une seconde à leurs yeux. Désireux de prolonger ces moments magiques, ils profitèrent du clair de lune pour marcher ensemble. Timidement, il lui proposa son bras, qu’elle accepta en rougissant, avec dans les yeux une lueur brillante qu’il trouva adorable. Ils parlaient de tout, et surtout de rien, sans qu’aucune gêne ne s’installe entre eux, et sans qu’ils ne doivent faire d’efforts pour entretenir la conversation.

Ils marchèrent jusqu’au parc, où ils s’assirent sur un banc. Un long silence s’installa. Parler n’était plus nécessaire. Ils étaient bien. La température était douce, et une légère brise faisait bruire les feuilles des arbres, dans un bercement aussi lancinant qu’apaisant.

Mus par un mystérieux instinct, ils se tournèrent l’un vers l’autre en même temps, chacun se perdant dans les yeux de son vis-à-vis. Il leva lentement la main vers elle, et lui caressa la joue. Les yeux mi-clos, elle lui tendit ses lèvres entrouvertes.

Tandis qu’il se penchait sur elle, ses canines devinrent proéminentes, attirées par la promesse du sang dont sa nature de vampire avait un besoin vital. Ils s’embrassèrent doucement, leurs langues se mêlant avec timidité. Quand elle sentit ses canines, elle écarquilla les yeux de surprise et eut un geste instinctif de recul. Mais il la tenait fermement dans ses bras, et lui mordit la langue.

Comme prise de frénésie, elle lui rendit fougueusement son baiser de mort. Surpris mais ravi, il aspira derechef le divin nectar. Avant d’être pris d’un malaise. Le sang qu’il venait de voler battit à ses tempes. Un mal de crâne atroce s’abattit sur lui. Ce fut à son tour d’essayer de se dégager. En vain. Les bras qui le tenaient valaient bien l’étau le plus puissant. En proie à la panique, il sentit ses forces l’abandonner, tandis que leur baiser se prolongeait. Sa dernière vision fut celle des yeux de sa compagne, rouges et étincelants comme des rubis. Elle ne relâcha son étreinte que pour laisser un corps inerte et desséché.

Et Elvira la Succube, après s’être passé la langue sur les lèvres une dernière fois, disparut dans la nuit.