Quand la nouvelle est tombée, j’ai à peine osé y croire. La bataille finale est proche. Neuf cents ans de guerre sans merci qui touchent à leur fin. C’est… c’est plus qu’incroyable, en fait !
Je m’assure une fois de plus que mon casque est bien fixé, que ses attaches résisteront aux chocs. Mon escouade et moi somme brinquebalés dans la navette de débarquement en route vers Cérès. Certains sont verts, d’autres blancs. Nul ne parle.
Je ne sais pas pour le reste de l’humanité, mais en ce qui me concerne, je me sens un peu perdu. Nous sommes en route pour la bataille finale. Voilà ce que nos supérieurs nous ont affirmés. C’est assez inimaginable. La guerre contre les humanosectoïdes dure depuis si longtemps, elle fait tellement partie de notre quotidien, presque de nos gènes, que penser à sa fin semble utopique.
Si nous l’emportons réellement, que va-t-il advenir de nous ? Que va-t-il advenir de l’humanité ? Et de moi en particulier ?
Dans ma famille, on est soldats de génération en génération depuis si longtemps… Rares sont mes ancêtres à avoir eu la chance de mourir dans leur lit. Quand je compte le nombre vertigineux de morts qui m’ont précédé, je suis admiratif sur deux points : le sens du sacrifice chez les miens… et le fait que ma lignée ait pu se perpétuer bien qu’elle ait laissé tant de morts sur les champs de bataille.

– Trois minutes avant largage ! hurle le capitaine.
Je vérifie mes armes une dernière fois. En fait, je n’arrête pas de les vérifier une dernière fois. Mes mains étant trop moites, j’ai enfilé mes gants. Il fait très chaud sous mon casque, mais au moins il empêche la sueur de mon front de couler dans mes yeux.
À mes côtés, un jeunot se penche en avant et vomit à ses pieds. L’imbécile. Manger avant d’embarquer dans une navette, c’est prendre des risques… Il apprendra avec le temps, me dis-je avant de me remémorer que la bataille finale est proche. J’ai toujours autant de mal à y croire.
En fait, je crois que j’ai peur de cette hypothétique paix. J’ai fréquenté mon lot de civils, les enviant et les méprisant à la fois. Que vais-je devenir si je dois intégrer leurs rangs ? Je suis un Chobirrut, nous ne savons pas être autre chose que des soldats, plutôt taiseux. Les courses le samedi, les promenades le dimanche en famille, ce n’est pas pour nous. Nous trouvons nos futures femmes dans l’armée, plaçons nos enfants en crèche dès leurs plus tendre enfance afin que nos conjointes repartent au front. Pour ma part, je n’ai pas d’enfants mais une petite amie : le caporal Anna Legvansky. La paix est si proche… Aurons-nous la chance de pouvoir en profiter ensemble ?
– Deux minutes !
Je vérifie mes armes. Encore. Les voyants d’énergie de mes lasers sont au maximum, mes armes blanches coulissent bien dans leurs gaines.
– Allez les mecs, on va se les faire, ces putains de bâtards ! On va leur faire exploser le cul à coups de laser !
Ça, c’est signé sergent Harvey Johnson. Il est aumônier de l’armée, l’homme le plus doux du monde entre deux batailles. Mais pendant, c’est un vrai démon, et jurer lui permet de canaliser sa peur. Il y a longtemps qu’on n’en fait plus cas.

Quand je pense que l’humanité a failli disparaître il y a deux cents ans, je serre les dents. À cette époque, nous perdions bataille sur bataille. Les humanosectoïdes étaient partout ; pour chaque mort dans leur camp, trois nouveaux ennemis prenaient le relais. Côté humain, le renouvellement de population avait du mal à se faire. Trop de morts sur les champs de bataille.
Heureusement, la Puissance Galactique Terrienne a su réagir et changer sa politique à long terme. Les primes à la naissance ont été largement revalorisées et surtout, le Département Technique de l’armée a vu ses crédits s’envoler. Il nous fallait de nouvelles armes, plus puissantes, plus meurtrières, bref plus efficaces. Par bonheur, l’imagination de l’humanité a toujours été fertile dès qu’il s’agissait de tuer son prochain.
Notre arsenal militaire a pris une nouvelle dimension : nos bombes à hydrogène dernière génération rasent des continents entiers, nos armes bactériologiques stérilisent les mondes. Tant pis pour la faune et la flore, la fin justifie les moyens.
C’était inespéré, mais nous avons inversé la tendance. Je ne peux m’empêcher de grimacer en pensant à tous ces civils qui ont osé critiquer la nouvelle politique de la PGT. Ils ont manifesté et collecté des pétitions. Bien sûr que leurs impôts ont augmenté ! Bien sûr que leur train de vie s’est considérablement dégradé ! Toutes les ressources devaient aller aux armées. Chaque soldat a eu l’impression d’être poignardé dans le dos dès qu’un civil élevait la voix pour défendre ses privilèges. Il est arrivé que les manifestations se finissent dans des bains de sang. Qu’on ne compte pas sur moi pour verser une larme sur ces morts-là.
– Une minute !
Je vérifie mon paquetage. Encore. J’ai le sentiment de n’avoir fait que cela durant toute ma vie. Dans la cabine, les lumières virent au rouge. Je jette un œil à mes compagnons d’arme. Nous sommes cinquante dans la navette. La flotte a rassemblé plus de dix mille navettes. Nous sommes l’avant-garde. L’artillerie et l’infanterie suivront. Un demi-million de guerriers humains face à des milliards d’humanosectoïdes. Mais ils sont sur la défensive. Leurs armes n’évoluent pas. Ils ont toujours tout misé sur leur nombre. À mains nues, nous ne sommes rien face à eux : il faut dix humains pour en abattre un. Mais armé, un seul Terrien peut éliminer jusqu’à cents ennemis.
La rampe à l’arrière de la soute s’ouvre. Un vent glacial nous fouette alors le visage en hurlant. Ma batterie nucléaire portative est remplie à bloc. Elle alimente mes armes et générera le champ de force qui me protègera lors du parachutage.
Une alarme retentit.
– Go ! Go ! Go !
C’est parti ! L’un après l’autre, nous nous jetons dans le vide.
Mon tour arrive. J’active mon champ de force.

Je saute.

*
**


À une telle altitude, on a l’impression d’être en orbite. Sous moi, la planète Cérès, immense disque couleur saumon, englobe presque tout mon champ de vision.
Je vole. Lors des largages suborbitaux, les champs de force forment des bulles protectrices. Même le son ne passe pas. Je suis en paix. Seule existe la beauté de Cérès. Je m’en repais.

Je m’en repais et la vue de cette planète active des souvenirs enfouis au plus profond de moi.

Peu importe que ces souvenirs ne soient pas vraiment les miens. Ils le sont tout de même, d’une manière que je ne saurai expliquer. Quoiqu’il en soit, il n’y a pas de place pour le doute. Je suis Icare Chobirrut. Je fus Mar’lov’kar Tri’fil’gui avant cela. Vishili Ménard dans une précédente vie. Et tout a commencé avec ma première incarnation : Hector Rubicair. C’est très clair dans ma tête. Comme si j’ouvrais enfin les yeux. Tout cela s’impose à moi comme une évidence, des pièces de puzzle enfin rassemblées pour former un tableau cohérent.
Je ne suis pas ici pour éradiquer l’espèce la plus hostile que l’humanité ait jamais affronté. Je suis là pour tenir une promesse. Une promesse énoncée il y a neuf cents ans. Élizabeth m’attend. Oui. Elle m’attend.

Des larmes me montent aux yeux en repensant à l’accident. Voilà ce qui m’a maintenu en vie par-delà les siècles : en réparer les conséquences. Même si je sais maintenant qu’il est trop tard. Je me suis fourvoyé lors de mes deux dernières incarnations. Le sentiment d’urgence qui m’habitait alors était basé sur les dernières pensées d’Hector. Comment ne me suis-je pas rendu compte de mon erreur ?
Il n’y a plus à se presser désormais. Juste un dernier devoir à accomplir. Un hommage à rendre.

Avant d’accomplir mon destin, il me reste une dernière tâche. M’occuper une bonne fois pour toutes des humanosectoïdes. En finir avec eux, moi qui n’ai pas pu le faire il y a neuf cents ans. Aujourd’hui, je boucle la boucle. La libération est proche.

J’ouvre mon parachute dès que j’atteins l’altitude idoine. Autour de moi, le ciel est constellé de tâches de couleur. Mes camarades, mes compagnons d’arme, mes frères.
Le sol n’est désormais plus qu’à des dizaines de mètres et je m’en rapproche rapidement. Nous sommes attendus de pied ferme. En bas, ça grouille d’humanosectoïdes. Ils mettent en marche leurs batteries de laser anti-aériennes. La bataille finale peut commencer.
Les lasers de nos ennemis sont relativement primitifs. Dès que leurs faisceaux rencontrent un parachutiste, celui-ci est instantanément vaporisé. Il semble que comme d’habitude, ils aient un train de retard en ce qui concerne l’armement. Pour le leur bien faire comprendre, je m’empare de mon canon-laser portatif, j’ouvre le canal de puissance et règle mon arme en position CE, pour « Concentration-Explosion ». Dès que s’élève le bourdonnement indiquant que mon arme est chargée, je la dirige vers le bas. Nul besoin de viser, juste de s’assurer qu’il n’y a pas un autre parachutiste sur la trajectoire.
Je m’agrippe fermement à mon canon, car le recul est parfois redoutable, et je presse la détente. Comme à l’accoutumée, le choc se répercute jusque dans mes épaules, tandis que la boule lumineuse rougeâtre atteint le sol en un instant. L’explosion serait plus impressionnante s’il n’y en avait pas des dizaines d’autres similaires autour, mais elle fait son office : tous les humanosectoïdes sont vaporisés dans un rayon de trente mètres.
Dès que je touche le sol, je me débarrasse de mon parachute et me précipite vers mes camarades les plus proches. Nous formons un cercle défensif infranchissable. Nos boucliers individuels crépitent, surtout quand des tirs ennemis les touchent. Ils s’y écrasent comme une vague sur un rocher. Les armes légères ne peuvent rien contre nous.
Le principal danger pour nous est de ne pas surveiller nos batteries individuelles. Elles ont beau être nucléaires, la consommation d’énergie est impressionnante en pleine bataille, entre nos tirs et le bouclier, qui non seulement doit nous protéger mais également absorber le feu ennemi. Et si on se prend par erreur un coup de canon-laser humain, bye bye la compagnie.
Notre objectif est le temple, siège du pouvoir de l’ennemi, et la stratégie simpliste : avancer petit à petit, par petits groupes, et opérer la jonction avec d’autres combattants au fur et à mesure de notre progression.
Mais pour cela, nous devons attendre le feu vert de la flotte en orbite. Dès que le dernier parachutiste aura atterri, la flotte ouvrira le feu tout autour du temple, au-delà d’un rayon de dix kilomètres. Ainsi, nous n’aurons pas à surveiller nos arrières, la flotte s’occupant de maintenir un no man’s land infranchissable. Malheur aux soldats humains qui, déportés par le vent, se retrouveront au-delà de la zone de sécurité !
En attendant, mon escouade et moi tenons notre position en bon ordre. Nous nous relayons pour tirer tandis que les autres attendent que leurs armes se rechargent. Tout se passe comme prévu. Nous faisons des ravages parmi les humanosectoïdes, à tel point que nous décidons de commencer à avancer vers le temple avant même d’en avoir reçu l’ordre.
Une alarme retentit dans nos casques. La flotte s’apprête à ouvrir le feu. Nous ajustons nos lunettes de protection sur nos yeux. Elles s’adapteront à la luminosité du mur de feu qui va s’abattre autour de la zone de sécurité. À la fin du compte à rebours égrené par nos casques, une pluie de lasers, météorites d’énergie porteuses de mort, s’écrase aux quatre coins de l’horizon dans un silence sépulcral. À l’intérieur de nos casques, nos obturateurs auditifs font leur office. Beaucoup d’entre nous – moi y compris – nous retrouvons au sol à cause des importantes vibrations qui secouent le sol.
Tandis que nous nous remettons en position, l’ordre d’attaquer est relayé dans nos systèmes de communication. Je me mets en route sans perdre de temps, mon équipe sur les talons. Je tiens à arriver le premier car je sais précisément où je veux aller. Grâce à Hector et à Mar’lov’kar, j’ai les plans du temple en tête. Je veux aller – retourner – là où tout a commencé. Élizabeth m’attend…
Notre équipement comprend notamment des capteurs relayés au vaisseau-amiral de la flotte : au fur et à mesure que nos soldats s’enfonceront dans le temple, les plans de l’infrastructure se dévoileront. Chaque équipe suivra un chemin, marquera les éventuelles intersections, qui seront explorées par les équipes suivantes, etc. En fin de compte, aucun recoin ni ennemi n’échapperont à notre vigilance. Les premières équipes, dont la mienne, sont censées suivre une route au hasard. Je choisis la mienne avec soin.
Dès le monumental porche de l’entrée du temple franchi, nous nous retrouvons dans le noir dans le plus complet. Nous sommes attendus. La vaste salle qui abrite la dépouille du Héros des Til’fiz, Tel’tar Mas’kar, ainsi que la seule statue connue de la déesse suprême Zol’te’lek, est toujours éclairée.
Je lâche une salve de canon-laser vers le nord-ouest. C’est par là-bas que nous trouverons un escalier descendant dans les entrailles du temple. Des cris inhumains s’élèvent et l’air s’empuantit d’une odeur de chair brûlée. Aucun des miens ne s’arrête vomir. Par bonheur, mon équipe ne compte que des vétérans, nous en avons vu d’autres. Nous passons en mode infrarouge et lançons une série de salves croisées.
La salle grouille de tant d’ennemis que le doute me reprend : et s’ils étaient assez nombreux pour nous subjuguer ? Je reçois dans mon casque l’ordre de déployer mon équipe. Les renforts nous ont rejoints. Parfait. Je continue mon travail de sape sur le coin sud-ouest, suivi par mes hommes. Et nous recommençons à avancer.
Tirer, vaporiser l’ennemi, avancer de quelques pas. Tirer, vaporiser l’ennemi, avancer de quelques pas. Nos esprits sont blindés. C’est comme si nos cibles n’étaient pas de chair et de sang, juste des abstractions. On se croirait dans les simulations du centre d’entraînement.
Je trouve enfin l’escalier, et je me souviens du temps lointain où la statue de Zol’te’lek était entreposée en bas, non loin de son palier, dans une niche.
Ça grouille toujours autant d’humanosectoïdes, plus furieux que jamais de nous voir envahir le lieu le plus sacré de leur civilisation. Nous les éradiquons avec méthode tout en descendant l’escalier.
Alors que je n’étais jusque-là que détermination, froideur et professionnalisme, je sens soudain des sentiments violents m’envahir, jaillir hors de la bulle émotionnelle que je me suis créée. J’ai les mains moites, le cœur qui palpite. L’urgence coule à nouveau dans mes veines, alors que je sais très bien qu’intellectuellement parlant, plus rien ne presse.
– Ça va, chef ? me demande le médic de l’équipe dans le comm de mon casque.
Via les informations relayées dans la visière de son casque, il connaît en permanence l’état physiologique des membres de l’équipe. À ces yeux, nul doute que je dois être sur le point de craquer.
Je me force à recréer ma carapace mentale. Hors de question de me faire relever de mon commandement maintenant. Le médic en a le pouvoir.
– Tout est sous contrôle, doc, réponds-je d’une voix ferme.
Il ne dit rien en retour. Ma réponse et surtout les données qu’il reçoit doivent le rassurer… pour l’instant. Je dois me surveiller. Pas question de tout faire échouer maintenant. C’est aujourd’hui que je réussis. Après tant de siècles d’attente.
Nous avançons plus lentement que je l’espérais. C’est très frustrant. Il nous faut plus d’une demi-heure pour parvenir au bas de l’escalier. Je vois enfin la niche vide de Zol’te’lek. Je sais que le couloir se prolonge encore sur une trentaine de mètres, jusqu’au cul-de-sac derrière lequel se trouve le laboratoire. C’est mon objectif. Je presse le pas autant que faire se puisse.
Les humanosectoïdes qui nous font face sont coincés. Nulle échappatoire pour eux. Nous les massacrons tous jusqu’au dernier. Personne ne semble remarquer que je rate souvent mes cibles. L’ennemi ne m’intéresse plus. Je ne suis pas là pour cela. C’est le mur que j’essaie d’abattre.
Il résiste, le bougre, et je commence à m’inquiéter, surtout qu’il ne reste plus que trois ennemis face à nous. Un tir croisé vaporise ce trio. J’ajoute ma propre salve à celle de mes hommes avec un temps de retard, droit sur le mur. Alors que mes hommes ont cessé le feu, mon index ne quitte pas la gâchette.
Allez, cède ! Cède ! Je n’ai que quelques secondes avant qu’un de mes officiers ne me rappelle à l’ordre. Nous sommes dans un cul-de-sac, les humanosectoïdes sont tous morts. Nous n’avons plus rien à faire ici. Nous devons rebrousser chemin pour trouver un autre recoin du temple à fouiller.
Cède, par pitié, cède ! Je sens les regards de mes hommes posés sur moi mais refuse de m’arrêter. Je ne vais quand même pas encore échouer ? Pas si près du but ! Je n’aurai pas d’autre chance !
Une main se pose sur mon épaule. C’est donc terminé ? On va m’empêcher d’aller plus loin… encore ? Dans un fracas de tous les diables, le mur explose enfin, nous plongeant dans la poussière.
– Attention, il semble y avoir un autre passage derrière, dis-je.
Ouf ! Mon équipe oublie aussitôt ses doutes à mon égard et se met en position de combat, la discipline militaire aidant. Nous avons trouvé une nouvelle issue, notre mission d’exploration continue donc. La salle qui s’ouvre face à nous est une réelle impasse, cette fois-ci, mais peu m’importe : je n’avais pas l’intention d’aller plus loin. Mon but se trouve là. Mon voyage s’arrête ici.

Les lampes incorporées à nos canons-laser transpercent l’obscurité. Les lieux sont déserts, la pièce est close, condamnée. Depuis neuf cents ans, car hormis les stigmates du temps, rien n’y a changé depuis la dernière fois que j’y suis… que Hector y est venu.
La pièce est un carré d’une dizaine de mètres de côté. Les murs sont tapissés d’antiques ordinateurs et de tout un appareillage scientifique dont les fonctions me dépassent. J’ai beau avoir été plusieurs personnes différentes, je n’y connais toujours rien en sciences.
Au centre de la pièce, des plans de travail, là encore encombrés de machines indistinctes, recouvertes de toiles d’araignée et de poussière. Et parmi tout ce fatras, un sarcophage. Ouvert. C’est ici que tout a commencé. Ici qu’a été créé le premier humanosectoïde. Ici qu’Élizabeth et moi avons échoué à arrêter cette espèce maudite alors qu’elle ne comptait qu’un seul individu.
À cause de nous, une guerre de neuf cents ans a démarré, qui a failli voir l’espèce humaine disparaître.
– C’est pas un corps humain, là ? demanda le médic, me tirant de mes sombres pensées.
Je sais qu’il a raison. Je n’ai même pas besoin de le voir pour cela. Elle est là. Il aura fallu neuf cents ans avant qu’elle me voit revenir. Neuf cents ans avant que je sois enfin en mesure de lui offrir une sépulture décente. Mes yeux s’embuent. Élizabeth… Je l’aimais. Nous faisions une formidable équipe.
– La pièce semble avoir été condamnée, dit le caporal Ling. Il doit être là depuis un paquet de temps.
Élizabeth « Sissi » Minardi, vingt-sept ans. Brune, une moue souvent espiègle sur le visage. Née un 11 février. Des yeux gris pétillant d’intelligence et de curiosité. Svelte, dynamique. Aimante… Membre de l’ancienne Police d’Investigation Terrienne.
Mais je me tais. Le corps sera emporté une fois la bataille gagnée. Des analyses ADN l’identifieront. Ma mission est accomplie. Notre mission est accomplie.
Nous avons réussi, Élizabeth ! Neuf cents ans plus tard, nous avons réussi. Les humanosectoïdes ne sont plus. Les plans du professeur Harding ont été déjoués.