Chapitre III : Orton Lomil

En sortant du commissariat, Kerdan Majoline balaya la rue du regard. Rien qui sorte de l’ordinaire. Il marcha quelques minutes et s’arrêta devant une tache noirâtre sur le trottoir.

Le cœur serré, il se recueillit. Pour un homme tel que lui, les liens du sang étaient rares et donc précieux. Quand il avait appris que sa cousine, Évanie Majoline, avait été tuée ici trois jours auparavant, une grande tristesse s’était abattue sur lui. Il les avait pourtant prévenues, Évanie et sa sœur Nevella. Le quartier était dangereux. Elles auraient dû déménager depuis longtemps. Peut-être n’avait-il pas insisté assez ?
D’un autre côté, les deux femmes avaient un fort caractère. Elles avaient refusé de quitter les lieux, estimant qu’un tel acte aurait représenté une fuite. Si les Majoline avaient tous un trait de caractère en commun, il semblait bien s’agir du courage.

Après la mort d’Évanie, Nevella l’avait supplié de faire quelque chose pour le quartier. À ce moment, il avait dédaigné sa détresse. Résoudre des affaires de meurtre était le rôle des FSC, pas le sien. Elle l’avait quitté furieuse.
Elle ne l’était pas moins quand elle l’avait appelé la veille au soir, pour lui apprendre la tuerie qui venait d’avoir lieu dans la cantina d’Énanchor Phileas. Après s’être fait traité de tous les noms, Kerdan avait abdiqué et donné son accord pour aider les habitants du quartier.

Un changement subtil autour de lui lui apprit qu’il venait d’attirer l’attention de quelqu’un. Il ne fut pas surpris de voir les trois membres du gang rencontrés un peu plus tôt. Cette fois, ils étaient accompagnés d’une dizaine de gros bras supplémentaires, menés par un Twi’lek à l’épiderme bleu.
Le non-humain ruthien était de haute taille. Ses vêtements moulants surlignaient des muscles puissants. Il avait l’air pour le moins mécontent, et marchait d’un pas décidé vers Kerdan.
Hum… Celui-ci sera moins facile à manipuler que ses hommes, se dit Kerdan.
Le Twi’lek, qui se planta mains sur les hanches face à Kerdan, lui rendait au moins deux têtes.
– Alors comme ça, tu essaies d’intimider mes gars, humain ? dit-il d’une voix puissante, à l’avenant de son apparence. Tu crois que tu peux débarquer ici la bouche en cœur et me voler mon territoire ?
– Je n’ai pas l’intention de voler quoi que ce soit.
– Encore heureux ! Je te préviens tout de suite que je n’ai pas l’intention de me laisser faire, et que si tu veux une bonne vieille guerre, tu vas l’avoir !
Ses hommes reculèrent imperceptiblement. Leur chef y allait beaucoup trop fort à leur goût. Si le chétif humain était réellement ce qu’il prétendait, ils risquaient tous d’y laisser la vie.
– Une guerre ferait des victimes, or je veux l’éviter à tout prix.
– Alors qu’est-ce que tu fiches dans mon quartier, humain ?
– Ce quartier appartient à ses habitants, sac à viande, répliqua Kerdan d’un ton sec. Pas à toi.
Le Twi’lek fut décontenancé un court instant. Il n’avait pas l’habitude qu’on lui parle sur ce ton. Mais il se reprit vite.
– Ne pousse pas le bouchon trop loin, humain. Je…
– Majoline.
– Quoi ?
– Je ne m’appelle pas « humain » mais Majoline. Kerdan Majoline. Et toi, Twi’lek ? Portes-tu un nom ?
– Je suis Orton Lomil, rugit l’interpellé. Chef du gang des Saigneurs Noirs !
Kerdan se retint de sourire. Où ces types avaient-ils été pêché un nom aussi ridicule ?
– Il paraît que tu as un joli tatouage, Majoline ?
Ce dernier retroussa sa manche pour le lui montrer, et Lomil se pencha pour l’examiner attentivement. Sur son visage, l’incrédulité initiale le céda à la fureur.
– C’est un faux ! Ton tatouage du Soleil Noir est un faux ! Je vais te faire la peau, charlatan !
C’est maintenant que les choses deviennent intéressantes…, se dit Kerdan.