Chapitre IX : Dame Brennala

Kerdan entra dans la speeder-limousine et s’y assit. Le siège s’adapta aussitôt à sa morphologie. Dans ce genre de véhicule luxueux, le confort était l’un des maîtres-mots. Il posa sa mallette sur ses genoux, et fit un signe de tête à l’unique autre passager – en l’occurrence une passagère – installée face à lui.
Sa petite taille et ses grandes oreilles tombantes l’identifiaient au premier regard comme étant une Lannik. De longs cheveux noirs et bouclés cascadaient jusque sur ses épaules. Ses traits fins étaient mangés par de grands yeux noirs débordant de tristesse.
Bien que mariée à un homme aussi riche que puissant, elle n’arborait aucun signe ostentatoire de richesse : une robe trop commune pour être l’œuvre d’un grand couturier, quelques bijoux et un maquillage discrets. Au premier abord, elle ne semblait pas à sa place dans un tel véhicule, comme si elle y était entrée par erreur.
Quand elle prit la parole d’un ton gêné, sa voix cristalline ne résonna guère. On aurait dit qu’élever la voix risquait d’attirer l’attention sur elle.
– Je vous présente mes condoléances pour la perte tragique de votre cousine, monsieur Majoline.
– Je vous en remercie, dame Brennala. Même si à proprement parler, ce serait plutôt à moi de vous présenter les miennes. Après tout, n’étiez-vous pas la meilleure amie d’Évanie ?
– Une bien piètre meilleure amie, répondit la Lannik, les yeux embués de larmes. Je n’étais même pas présente à la cérémonie funéraire. Je ne voulais pas vous mettre dans l’embarras, vous et Nevella.
– Vous auriez dû venir, cela ne nous aurait posé aucun problème. Vous la connaissiez bien mieux que moi. Mes activités font que je n’ai jamais eu l’occasion de fréquenter régulièrement mes cousines.
– Ma présence aurait été déplacée. Évanie a été tuée par un membre de gang… et vous connaissez la vie que je mène : me montrer aurait été par trop inconvenant.
– C’est en effet ce que vous expliquiez dans le message que vous nous avez fait parvenir. Mais je vous trouve dure envers vous-même : il n’y a aucun rapport, ni de près ni de loin, entre le meurtrier et vous.
– Peu importe. Il aurait tout aussi bien pu être sous les ordres de mon mari.
– D’une, il ne l’était pas. Deux, vous n’avez jamais été impliquée dans ses activités. Vous n’avez donc pas à culpabiliser.
– Je suis néanmoins très affectée par ce qui s’est produit. Ça a été un choc terrible. Rien ne pourra jamais être comme avant.
– Oui, je l’ai bien compris suite à la correspondance électronique que nous avons entretenue depuis. Vous êtes toujours résolue à mettre vos projets à exécution ?
– Je ne changerai pas d’avis. J’aime mon mari mais la mort d’Évanie m’a ouvert les yeux. Je ne veux pas continuer à partager la vie d’un dirigeant de gang, et je refuse que mes enfants grandissent dans un tel environnement.
– Vous m’avez pourtant expliqué que vos enfants et vous ne vivez pas dans le cercle du gang.
– J’ai été lâche, monsieur Majoline. Nous évoluons dans un cocon doré : des appartements luxueux, des domestiques stylés, des précepteurs éminents à domicile pour l’éducation des enfants, des gardes du corps pour assurer notre sécurité. On peut se sentir protégés en menant une telle vie, mais aujourd’hui elle m’étouffe. Pire encore, je l’exècre en songeant que tout mon confort est basé sur le racket, les meurtres, les escroqueries et que sais-je encore ! Je refuse de me voiler la face une seconde de plus. Je veux pouvoir marcher la tête haute et m’investir auprès des autres. Il est plus que temps que je donne, après avoir tant reçu.
– Oui, et je vous ai répondu que mon aide vous serait acquise. Chacun devrait être maître de son destin.
– Êtes-vous sûr de vouloir m’aider, monsieur Majoline ? Vous m’avez assuré que oui, mais j’ai peur pour votre vie. Si quelque chose devait vous arriver, ce serait de ma faute. Je ne sais pas si je le supporterai.
– N’ayez aucune crainte, dame Brennala. Je n’ai pas peur de votre mari.
– Mais il est très dangereux. C’est un Vigo du Soleil Noir, l’organisation criminelle la plus puissante de la galaxie !
– Peu m’importe, répliqua Kerdan. Il ne fait pas bon se frotter au Vigo Ryudug, mais la réciproque est également vraie : dans certains milieux, nul n’ignore qu’il ne faut pas trop chatouiller Kerdan Majoline. Et Ryudug le sait, il appartient à ces « certains milieux ».
Elle ne se l’expliquait pas, mais dame Brennala avait envie de faire confiance à Kerdan, malgré son apparence terne, d’une banalité affligeante.

De l’extérieur de la speeder-limousine, une voix grave et profonde retentit :
– Kerdan Majoline, je t’ordonne de sortir de là et de me suivre. Tu vas répondre de tes actes devant le Conseil Jedi.
Tchoo-Nachril.
À la peur qui s’afficha sur le visage de Brennala, Kerdan répondit par un haussement d’épaules.
– Demandez à vos gardes du corps de ne rien faire d’inconsidéré. Ils ne sont pas de taille à lutter contre un Jedi et il est hors de question de risquer des dommages collatéraux. Je reviens de suite, le temps de m’occuper de ce gêneur.
Kerdan posa sa mallette à côté de lui et sortit du véhicule.