Épisode 8

 

 

    Oui, ça faisait longtemps. Oui, il s’en est passé plein de trucs depuis la dernière fois, mais qui n’ont rien à voir avec le Barbatruc, comme la belle tuile qui nous est tombée sur la tronche (genre même météorite tueuse de la taille de l’Australie) et qui m’a dégoûtée de pas mal de choses pendant un certain temps, dont l’écriture tellement j’étais ailleurs.

    Rassurez-vous, y’a pas de bobos, le problème est urbanistique, et tel n’est pas le sujet, donc changeons-en sur-le-champ.

 

    Que devient Barbatruc ? Combien de temps reste-t-il encore avant que ce Goa’uld pointe les naseaux du nez de son museau ? Va-t-il naître avec quatre jambes, ce qui lui permettra de battre tous les records d’athlétisme aux Jeux Olympiques (oui, je suis à la pointe de l’actualité) ? L’orage va-t-il éclater aujourd’hui, et vais-je enfin réussir à dresser un tableau généalogique de la famille noble de mon patelin, éteinte depuis trois cent cinquante ans ?

    Je crois qu’en fait, parmi toutes ces questions ô combien angoissantes, je vais juste me pencher sur la première. Et la réponse est simple : il est dans sa bulle. Littéralement.

 

    Il noue quand même des interactions avec le reste de l’univers, tentant de communiquer comme le garçon qu’il est : à coups de pied et coups de mains. C’est une technique ancestrale de mecs, qui a toujours marché.

    À moins que, mais ça c’est une théorie plus personnelle (même si néanmoins logique), il ne soit en train de rêver à sa future carrière de footballeur du plus haut niveau qui n’ait jamais existé, genre dans ses rêves il dribble toute l’équipe adverse (chaque joueur trois fois), dont Messi, dont Ronaldo (le faux, le Portuguais), dont les autres, avant de ne marquer que des buts d’anthologie qui feraient pleurer Pelé tellement comparativement, il aurait l’impression d’avoir joué toute sa carrière avec les pieds scellés dans des parpaings.

 

    Plus prosaïquement, peut-être qu’il a déjà la politesse innée de son père et qu’il frappe à la porte avant d’entrer. Vu qu’il n’a toujours pas de réponse, il attend, du coup.

    Parce que oui, au fait, il peut désormais pointer le bout de son cordon ombilical quand il veut, le Barbatruc. Le dernier toubib vu à l’hôpital (qui nous a pris à l’heure et dont la visite n’a pas excédé cinq minutes, ce qui prouve bien à quel point il n’y a pas besoin d’aller à Lourdes pour assister à des miracles) l’a confirmé : il est formé, il est prêt, maintenant c’est quand il veut.

    Madame comme moi-même sommes d’accord sur un point : s’il est aussi pressé que son père pour faire les trucs, on n’est pas prêts de le voir, c’te feignant.

 

    À la question essentielle que tout un chacun se pose, oui, merci, le futur père se porte bien. Hein ? Je me suis trompé ? À bah oui, c’est vrai, tout le monde s’en fout et ne demande que des nouvelles de la mère. Rassurez-vous, madame va aussi bien que Sigourney Weaver avant que… euh non, mauvais exemple. On va dire qu’elle traîne son boulet, littéralement, et que pour la perf aux JO, il va falloir attendre encore un peu.

    Elle embête le Barbatruc en essayant de deviner avec ses doigts quelle est la position prise par lui, et au bout de cinq minutes de ce régime, il réplique en donnant des coups. Et elle s’en plaint alors que c’est elle qui a commencé. Ces gosses, je vous jure…  

    Il y a une autre explication aux coups, maintenant que j’y pense : si ça se trouve, il communique déjà, en morse. Pas de bol, gamin, je ne connais pas le morse, que ce soit la grosse bestiole ridicule ou le langage codé.

    Moi je dis que pour la communication, rien ne vaut de bons vieux hurlements, mais ça, je pense que Barbatruc aussi va très vite le comprendre dès après la naissance…

 

    Sinon, madame m’a parlé d’un truc délirant. Elle m’a dit qu’à la naissance, il va m’être proposé de couper le cordon ombilical. J’ai cru à une blague mais non, elle était sérieuse.

    Nan mais sans déconner, couper le cordon ???? Je suis censé mettre une écharpe tricolore, couper le cordon en prononçant un discours genre « Je déclare ce bébé inauguré », pendant que les flashes des appareils photos crépitent à qui mieux mieux ? Non mais au secours, quoi ! D’où sort cette tradition débile ? Couper le cordon… et puis quoi encore ? Je ne suis pas charcutier-traiteur, aux dernières nouvelles !

    Madame m’a expliqué qu’en fait, cette tradition à deux balles a été mise sur pied pour permettre au père de participer à l’accouchement. Youpie super tralala.  Nan mais si vous voulez que je participe, donnez-moi une serpillière, je passerai un coup dans la salle d’accouchement et là, j’aurais l’impression d’être un minimum utile, au moins…

    Je les attends de pied ferme, à l’hosto, quand ils vont me poser cette question à la con…

 

 

    Ceci était l’avant-dernier épisode des « Chronique d’un futur père ». Pour le dernier, je pense que la course jusqu’à l’hôpital, histoire d’arriver à l’heure pour la naissance, sera à l’honneur. Mais bon, même si on n’est pas à l’heure à l’hôpital pour la naissance, au pire on le sera au bord de la route, dans un champ à vaches. Arf ! Arf ! Arf ! Mdr ! À moins que pas, en fait…