Épisode 2

 

 

    Et à quatre mois, on en est où ?

 

    Ben, on fait aller, on va dire. Un gosse, c’est un peu balancer un parpaing dans un lac toujours super calme. Ça fait des super vagues et des remous un certain temps, avant de finir par se calmer. Enfin se calmer, avec le nôtre, c’est vite dit.

    Disons qu’il y a toujours les parpaings, mais que ce sont des mini-parpaings. Ou alors on s’y fait, à ses conneries. Ou les deux. Bref. Mon fils est très mignon, celui de madame est très chiant, c’est un adage que j’aime bien.

 

    L’évolution du stremon, ça a donné quoi ? Il n’a pas été long à attraper des trucs et des machins dès qu’il a pu, notamment le bavoir ou la serviette quand il prend son bib. Oui, c’est fait exprès car dès qu’il l’enlève, il peut baver son lait sur ses fringues ou sur ses parents, et faut croire que c’est super méga drôle tellement c’est récurrent chez lui. Gosse de merde.

    Il a également vite compris que être à poil, c’est trop génial (et en plus ça rime). Lors de ce moment béni à ses yeux où sa couche est changée, il a toujours la banane. Toujours. Je me demande si on ne se prépare pas un futur exhibitionniste, à ce rythme-là.

    C’est également à ce moment qu’il montre que soit il est stupide, soit il est sournois. Le principe, le concept de la couche, c’est qu’il crée de nouveaux écosystèmes dedans et qu’ensuite, on le change pour qu’il puisse recommencer. Oui, nous autres parents sommes de redoutables tueurs d’écosystèmes en devenir.  Là où il est stupide ou sournois, c’est qu’il lui arrive d’attendre d’être à poil, justement, pour pisser partout, dans le genre « Mouhahahahaha ! Superpénis est dans la place ! L’attaque de la Pissette ! ». Heureusement, pour le moment, il a le bon goût de n’utiliser cette technique qu’au détriment de sa mère. Je compatis, hein, faut pas croire, mais d’un autre côté, je dois bien avouer que ça me convient.

 

    Son plus gros problème, c’est quand même le sommeil. Parce que les choses soient claires : le sommeil c’est pour les faibles. Et pour les parents sur les rotules, à force. Barbatruc commence à faire ses nuits, ce qui est bien sur le principe. De 18h à 5h environ, ce qui est moins bien pour son père qui se retrouve obligé de se lever à cette heure-là, et le temps de mener à bien le triple combo bib-rôt-changement de couche, il n’y a plus le temps de se recoucher. De toute manière, si je le fais, il va décider de chouiner, en ayant pris bien soin d’attendre que j’ai éteint la lumière et que je me sois recouché. Chouiner alors que je suis toujours debout, au-dessus de sa tronche, ce ne serait pas sport, faut croire. Un sale petit sournois, je vous dis…

    Donc la nuit, on va dire que ça peut aller. Par contre, en journée… il a bien compris que le jour, c’est le moment de faire plein de trucs, tellement qu’il faut rester réveillé, tout le temps. Et là on en vient à mon « le sommeil c’est pour les faibles ».

 

    Il dort, OK. Il se réveille, il fait ses trucs cinq minutes puis chouine parce qu’il est fatigué. Mais comme il lutte, il passe autant de temps à s’endormir – avec le soutien logistique d’un parent à l’apparence angélique et patiente, mais qui hurle à l’intérieur – qu’à dormir, parfois moins. Genre tu passes une demi-heure à le calmer, et ta récompense est de le voir dormir. Un quart d’heure. Youpi tralala.

    Une collègue de taf, voyant les photos, m’a dit :

    – Oooooh, il est mignon. Ils grandissent trop vite…

    Ce à quoi j’ai répondu aussi sec :

    – Ah non, pas assez vite, justement !

 

    Sinon, Bouboule a plus que doublé son poids de départ – 6,5kg, le Porcinet –, et va bientôt rattraper maître Yoda au niveau de la taille – 61cm contre 66 –. Au niveau de la Force, en revanche, je ne sais pas : y’a que dans les films qu’on peut procéder à des analyses du taux de midi-chloriens, pas dans notre réalité à nous qu’on a.

 

    Que dire d’autre ? Il lui arrive de regarder fixement un truc anodin et de rester comme ça un long moment. À mon avis, il est plutôt plongé dans ses pensées, genre il bosse sur le modèle qui va unifier la physique quantique à l’astrophysique. Dommage, morveux, tu ne sais ni parler ni écrire, et avec ton côté Dory, tu ne nous feras jamais profiter de ton intelligence supérieure de bébé. Car oui, elle ne sera bientôt plus qu’un souvenir, quand tu seras perverti au contact de nos sociétés modernes déshumanisantes, mouhahahaha !

 

    Donc oui, c’est un boulet. Oui, il est chiant. Mais là encore, ce petit con a trouvé une parade infaillible pour se faire pardonner : la banane. Pas le fruit, hein, mais le sourire. Parce que quand monsieur est de bon poil, tout le monde a droit à des sourires. Il doit avoir hérité du caractère heureux de son père. À moins que son père, qui écrit ses lignes, soit un gros mytho, ce qui est également susceptible d’entrer dans le champ des possibilités.

    Et puis il est beau, le Bouboule. On est obligé de lui faire des bisous quand on l’a dans les bras. Rappelons à ce sujet, et moi je dis qu’on ne le rappellera jamais assez, qu’il paraît qu’il me ressemble.

 

    En plus d’être un futur physicien de génie genre Einstein en mieux et en plus sexy, môssieur Barbatruc se pique également d’être un athlète. Il pousse tellement sur ses jambes que je le soupçonne de s’entraîner d’ores et déjà à faire le pont. Et dans sa poussette déjà un poil trop petite en longueur pour lui, ses pieds se retrouvent très souvent au-dessus de la barre du fond. Il doit déjà s’imaginer à la finale des JO de gymnastique, aux barres parallèles ou aux agrès.

 

    On notera aussi qu’il a déjà ses préférences au niveau des gens qui l’entourent. On lui ferait faire un quizz entre son père, sa mère et ses grandes sœurs, il serait très vite unanime avec lui-même : son préféré, vu tous les sourires qu’il lui fait et les innombrables gazouillis dont il l’abreuve, c’est… son frère jumeau dans le miroir. Je crois que ce gosse est un égocentrique à tendances narcissiques. À moins que ce ne soit un narcissique à tendances égocentriques. Ben quoi ? Y’a peut-être une nuance entre ces deux concepts voisins ?

 

    Comme mot de la fin, je signalerais que « bébé », « boulet » et « bouboule » sont des mots qui commencent tous par la même lettre. Coïncidence ? Je ne crois pas. À un tel point, moi je dis que ça s’apparente nettement plus à un complot…