Le briefing improvisé entre Harlington, Lupescu, O’Connor et T’Savhek resta dans la mémoire des humains. A vrai dire, seules les deux femmes prirent la parole.

Harlington se contenta d’admirer son nouvel officier en second, en proie à une tendresse certaine, qu’il prit bien soin de cacher derrière un masque d’impassibilité. Comme depuis le premier jour où il l’avait rencontrée, il était sous le charme. L’ovale de son visage était parfait, ses courbes aussi, de son point de vue. Il soupira intérieurement. Mais pourquoi diable avait-il insisté pour qu’elle le rejoigne, alors que le simple fait de la voir était une torture ? Il était son supérieur hiérarchique. Il était humain, et elle Vulcaine.
Deux raisons évidentes pour qu’il ne se passe jamais rien entre eux. D’ailleurs, Harlington avait toujours pris bien soin de ne pas dévoiler ce que T’Savhek lui inspirait. En plus des raisons sus-citées, il refusait d’espérer qu’elle puisse s’intéresser à lui.
Lui sortait de nulle part, et n’avait dû qu’à des circonstances exceptionnelles de se retrouver sous-lieutenant, avec un commandement.
Mais elle…elle appartenait à l’oligarchie familiale dirigeant Vulcain, et on trouvait dans sa famille de grandes figures politiques, et quelques hauts gradés de Starfleet. Elle avait fini seconde de sa promotion, s’était déjà distinguée à plusieurs reprises dans le domaine scientifique, au sein duquel elle semblait promise à un grand avenir.
Certes, Harlington savait qu’elle était très compétente, pointilleuse et perfectionniste professionnellement parlant, comme la majorité des Vulcains. Mais force était de reconnaître que ce n’était pas la raison principale pour laquelle il lui avait demandé d’être mutée à bord du Baltimore.

Il avait presque eu honte en lui présentant cette requête, car il n’avait pas osé imaginer qu’elle accepte de se retrouver à un poste ressemblant fort à une voie de garage.
Elle s’était contentée de hausser un sourcil, et avait affichée sur son bloc de données les informations concernant l’USS Baltimore NCC-1152. Elle avait rapidement parcouru le dossier, avant de déclarer froidement :
– Trente jours pour remettre en état et décoller ? Impossible.
– On parie ? avait-il rétorqué avec un sourire carnassier.
Cette simple réplique de Harlington avait suffit pour la convaincre d’accepter. Ce n’était pas la première fois qu’il usait de cette expression, qui était l’une de ses favorites, et T’Savhek avait déjà pu constater sur l’USS Eagle qu’à chaque fois que Harlington y avait eu recours dans des circonstances où toutes les chances semblaient être contre lui, il avait contre toute attente, contre toute logique, réussit à se dépêtrer de situations a priori impossibles.
– Banco, avait-elle répondu d’un ton impassible, démenti par une lueur d’amusement dans les yeux.
Cet humain avait le don de la surprendre, car son impulsivité habituelle, au-delà de la compréhension logique de la Vulcaine qu’elle était, avait plus d’une fois fait ses preuves.

Harlington revint au présent et essaya de suivre la joute verbale de ses deux officiers ingénieurs. Mary O’Connor semblait décidée à se faire l’avocate du diable, et avançait avec véhémence tous les arguments possibles et imaginables selon lesquels il leur serait impossible de décoller dans les temps.
Harlington nota avec satisfaction que son nouvel officier en second avait réponse à tout, bien que certaines des réponses laissaient son interlocutrice dubitative.
Pour sa part, la discussion dépassant largement ses connaissances techniques, il se contenta d’avoir l’air attentif.
A un moment, il croisa le regard de Lupescu. Le chef de la sécurité était aussi prudemment muet que lui. Il décocha un sourire amusé à son commandant, qui le lui rendit discrètement.

Ce qui ressortit de ce briefing fut que T’Savhek avait pensé à tout. Elle approuva quelques idées de O’Connor, mais apporta des modifications à la majorité des autres réfections proposées. En deux circonstances, les améliorations proposées par T’Savhek amenèrent des contre-propositions de O’Connor, qui furent acceptées par la Vulcaine.

Vers la fin de la réunion, Mary O’Connor exprima son plus grand malaise face aux propositions de sa supérieure :
– Lieutenant, votre plan de réfection est parfait, mais je crois qu’il ne prend pas en compte la réalité de notre situation. Nous n’avons que vingt-six jours pour remettre le navire en état, et même vingt-cinq puisque nous sommes de repos aujourd’hui. Même si l’équipage était complet et que tout le monde soit affecté aux réparations et mises aux normes, il nous faudrait au moins trois mois pour terminer !
– Quatre vingt-sept jours, selon mes calculs, rectifia T’Savhek.
– Ça en fait tout de même soixante-deux de trop.
– Certes, mais notre commandant nous a demandé de fournir un planning de réparation complet. Je présume qu’il a effectivement pensé à ce décalage, je me trompe ? demanda la Vulcaine en se tournant vers Harry.
– Vous ne vous trompez pas, lieutenant T’Savhek, répondit Harlington. Je veux que les réparations et les améliorations soient le plus complètes possibles. J’estime qu’il serait trop dangereux de se contenter de faire des rafistolages, qui seraient faits dans les temps mais comporteraient des risques pour notre sécurité future. Donc faisons les choses bien, et ne vous inquiétez pas de la course contre la montre dans laquelle nous sommes engagés. J’ai quelques surprises en réserve pour y pallier.
Le briefing prit fin peu après, et les deux femmes ingénieurs filèrent peaufiner leurs plans de réfection. Lupescu et Harlington s’attardèrent.
– Je n’ai pas tout comprrris, mais elles ont l’airrr de savoirrr ce qu’elles font, reconnut Lupescu.
– Indubitablement, oui.
– En tout cas, quelles femmes ! rajouta l’officier de sécurité avec admiration.
– Je ne vous le fais pas dire non plus, enseigne !