Voyage nocturne à Samarie.

Quelque chose m’est revenu : vendredi soir, pendant notre virée épique, nous avons rencontré une sage femme. Elle s’appelait presque comme moi et exactement comme ma mère, et appartenait à ce genre d’énergumènes improbables, alcooliques mondains, que l’on croise quelquefois pendant quelques heures (et j’ai dû jouer ce rôle aussi, autrefois, je suppose).
N. l’a tout de suite considérée comme un ange (pendant que je me répétais que l’enfer est pavé de bonnes intentions), à la fois fébrile et serein, et cela nous a entraînées un certain nombre d’heures plus tard.

Ce qui m’est revenu, ce n’est pas ce personnage, que je n’avais pas oublié. C’est ce qu’elle m’a dit, dans ce parking souterrain où mon désarroi provisoire cherchait à se manifester. Elle m’a dit

« toi, tu aimes quelqu’un qui ne t’aime pas».


Quelle simplicité dans la formule ! Je sais bien qu’à peu près toutes les larmes ont ce sens, et qu’il ne fallait pas être devin pour comprendre, ou seulement pour tomber juste. Mais ces quelques mots m’ont coupé le souffle (qui était déjà court) et ramenée au silence.

Il y a, certaines nuits, un vent de vérité qui souffle dans les rues. Un vent qui lève les voiles, et qui déshabille les âmes.