Changer l'ordre du monde.

Quelle déception, au matin, de constater que le jour se lève, une fois de plus.
Il y a tellement de nuits :
blanche, noire, bleue, rouge, aveugle, chantée ou pleurée, chasse aux escargots ou noyade dans l’océan verbal, jouer avec des pneus, ou l’arrosage automatique, vider les bouteilles ou manger des cailloux, faire des paris russes, caresser des cheveux, boire des girafes, jouer aux cartes avec seulement deux cartes trouvées par terre, s’inventer des histoires folles avec une plume rouge pleine de vomissures, trouvée, égarée, retrouvée, parler avec ma loutre et tomber d’accord. Rire d’un python short à la Raging Bull, ou William S. en guide touristique. Dormir en même temps. Quelquefois, un vrai regard (souvent c’est un chien). Parler seulement pour ne rien dire. Quelques jolies filles (souvent stupides, mais peu importe). Et un dictionnaire de rimes (pour le rap). Une clarinette (pour le silence). Une peau de chagrin pour se souvenir (de tout, et du reste). Finir dans un salon d’hiver, à parler poésie (je ne triche plus, je n’y arrive plus -à l’ironie) avec de vieilles pouffiasses littéromanes. A se geler les miches, pour quelques mots finalement solitaires, à se faire croire que. Ne vous affolez pas, la plupart des nuits sont longues et tranquilles, blanches et tremblantes. Américaines.

Mais, quoi qu’il en soit, au matin, ça finit toujours pareil. Le monde se remet en branle (un enfant pleure dans la rue), avec sa laideur. Et il faudrait être content, en plus. Je crois qu’une certaine peur m’a quittée, un grand vide à la place. Même plus de questions. Et on ne m’a toujours pas vraiment pété la gueule.

“Quand je passe des jours et des jours au milieu de textes où il n’est question que de sérénité, de contemplation et de dépouillement, l’envie me prend de sortir dans la rue et de casser la gueule au premier passant”
E.M. Cioran, Le mauvais démiurge, “Pensées étranglées”, 1969.

Et ils ont complètement rasé les bois de Saint-Ennemont. Les volets sont toujours clos. Mon frère, grand philosophe corse, avait raison quand il me conseillait de faire cramer tout ça. Le bel incendie de ma rage. Admirer cette durée s’évaporer en flammes. Effacer l’ardoise, et gagner la guerre. Je suis trop docile et la seule chose que je sais vraiment détruire, ce sont les chateaux de cartes.

J’ai rêvé que je trouvais la porte. Moon m’attendait derrière, en battant de la queue.

Commentaires

1. Le vendredi 18 janvier 2008, 00:25 par Une furtive de 00h18 (fin d'un/2 monopoly)

"...Des compliments...Et personne n'a encore entrepris de me dire ce qui ne va pas, ce qui fait défaut et que je ne me reprocherai pas moi-même, ne le pouvant, ne le voyant pas..."

Au fil des pages d'un petit calepin noir.

2. Le vendredi 18 janvier 2008, 08:45 par Ignatius.

Tu fais ça déjà tellement bien (te juger sévèrement).

Tu ne le sais peut-être pas, mais c'est la communauté des petits carnets noirs, ici.

Continue, je t'en prie.
Un chapelet de secrets vécus à deux (les seuls vrais), que nous égrenons pour trouver, à chaque station, un nouveau mot, un nouveau monde.
Quand tout s'arrête, la bouche est sèche et plus rien ne sort.
Combien peut-on avoir de vies ?

Ne m'oublie pas.

3. Le dimanche 20 janvier 2008, 13:50 par .Furtive

Non je ne t'oublie pas
Je vais, je viens, parfois en "gérant" les choses, en élaborant tout un plan, parfois tout s'actionne sans que je sache comment ni vers quoi mais incontestablement le "chapelet" existe.
Et peut-être comme nous sommes différents avec les uns, avec les autres, avec l'autre, les différents chapelets formés correspondent au nombre de vies que l'on "traverse". Mais peut-être seulement, parce qu'avec moi il y a -toujours- un peut être quelque part.