Tristes nouvelles.

Sauvons-nous.

Tu as à nouveau sombré dans ce revers du monde où rien ne pénètre. Quelques chants insensés me parviennent par ta voix étrangère. Habitée de terreurs, elle tâtonne, cherchant sans le dire surtout, la sagesse de cette folie. Psalmodie secrète. La chair d’un espace ténébreux où seul le passé semble vivant (et avec quelle acuité) pour toi. Et toute cette mort autour.

Où es-tu et qui es-tu encore ? Apoplectique, cataleptique, hypnotique, kaléidoscopique, cyclone apocalyptique.
Nous aurons bien lutté, avec toute la violence de notre faiblesse, mais nous ne savons que perdre.

Cette solitude absolue est notre (seule) grâce. Et nous sauvera (de la vie).

Je suis aussi dans ta peine. M’as-tu vraiment appelée (pour que je t’y retrouve ou que je t’en ramène) ? Et à qui t’adressais-tu quand tu me parlais ? Je crache en l’air, tu le sais bien. Sur les obliques, j’en sais déjà assez. Édifiants travers. Moi non plus, moi non plus. Je rentre (au creux) chez moi (je fuis). Triste d’impossibles. Sauvons-nous.

Indifférence

Cette haine est éclose comme un amour ardent
en souffrant, et elle contemple sa fièvre.
Elle exige un visage, une chair, pareille à un amour.

La chair du monde est morte de même que les voix
qui résonnaient, un tremblement s’est emparé des choses ;
la vie est suspendue tout entière à une voix.
Dans une extase amère les jours glissent
sous la triste caresse de la voix qui revient
et rend blême notre visage. Non sans douceur
cette voix résonne au souvenir implacable
et tremblante : une fois, elle a tremblé pour nous.

Mais la chair ne tremble pas. Seul un amour pourrait
l’embraser, et cette haine la cherche.
Toutes les choses, les voix, la chair du monde
ne valent pas la caresse enflammée
de ce corps, de ces yeux. Dans l’extase amère
qui elle-même se détruit, cette haine retrouve
chaque jour un regard, des épaves de mots,
et s’y agrippe, insatiable, pareille à un amour.

Cesare Pavese.