Notes sur l'introduction de La volonté de savoir de Michel Foucault, premier tome de Histoire de la sexualité (réponse faite à une question posée sur fr.sci.philo).

Dans l'introduction intitulée « Nous autres, victoriens », Foucault part d'un constat, celui d'une répression de la sexualité : à une certaine franchise des pratiques sexuelles au XVIIème siècle succède un rapide crépuscule au XIXème

jusqu'aux nuits monotones de la bourgeoisie victorienne. La sexualité est alors soigneusement renfermée. Elle emménage. La famille conjugale la confisque. Et l'absorbe toute entière dans le sérieux de la fonction de reproduire. Autour du sexe, on se tait. Le couple, légitime et créateur, fait la loi. Il s'impose comme modèle, fait valoir la norme, détient la vérité, garde le droit de parler en se réservant le principe du secret. Dans l'espace social, comme au c½ur de chaque maison, un seul lieu de sexualité reconnu, mais utilitaire et fécond : la chambre des parents.

Foucault, La volonté de savoir, 10

La seconde partie du livre — comme son titre l'indique — est consacrée à l'analyse de ce constat, cette « hypothèse répressive ». Cette répression à l'époque puritaine prend trois formes :

  • l'interdiction (la condamnation à disparaître),
  • l'inexistence,
  • le mutisme (l'injonction au silence).

Mais elle est toutefois forcée de faire de la place aux sexualités illégitimes (c'est-à-dire en dehors de la chambre des parents) :

La maison close et la maison de santé seront ces lieux de tolérance : la prostituée, le client et le souteneur, le psychiatre et son hystérique semblent avoir subrepticement fait passer le plaisir qui ne se dit pas dans l'odre des choses qui se comptent ; les mots, les gestes, autorisés alors en sourdine, s'y échangent au prix fort. Là seulement le sexe sauvage aurait droit à des formes de réel, mais bien insularisées, et à des types de discours clandestins, circonscrits, codés.

Foucault, La volonté de savoir, 10

Selon Foucault, on pose cette hypothèse de la répression de la sexualité pour deux motifs. Le premier est un motif économique, il est lié à l'apparition du capitalisme :

Si le sexe est réprimé avec tant de rigueur, c'est qu'il incompatible avec une mise au travail générale et intensive ; à l'époque où on exploite systématiquement la force de travail, pouvait-on tolérer qu'elle aille s'égailler dans les plaisirs, sauf dans ceux, réduits au minimum, qui lui permettent de se reproduire ?

Foucault, La volonté de savoir, 12

Le second est politique, il est lié à la transgression :

Si le sexe est réprimé, c'est-à-dire voué à la prohibition, à l'inexistence et au mutisme, le seul fait d'en parler, et de parler de sa répression, a comme une allure de transgression délibérée.

Foucault, La volonté de savoir, 13

Contre une telle hypothèse, Foucault va soulever trois doutes (page 18) :

  • la répression de la sexualité est-elle une évidence historique ?
  • la mécanique du pouvoir est-elle bien pour l'essentiel de l'ordre de la répression ?
  • le discours critique qui s'adresse à la répression vient-il croiser pour lui barrer la route un mécanisme de pouvoir qui avait fonctionné jusque-là sans contestation ou bien ne fait-il pas partie du même réseau historique que ce qu'il dénonce en l'appelant « répression » ?

Et c'est à partir de ces doutes qu'il va examiner les rapports entre pouvoir, savoir et sexualité :

Le point important sera de savoir sous quelles formes, à travers quels canaux, en se glissant le long de quels discours le pouvoir parvient jusqu'aux conduites les plus ténues et les plus individuelles, quels chemins lui permettent d'atteindre les formes rares ou à peine perceptible du désir, comment il pénètre et contrôle le plaisir quotidien.

Foucault, La volonté de savoir, 20

La suite au prochain numéro.