Couverture du livre de Julien Gracq, « La littérature à l'estomac ». C’est ce sentiment, et lui seul, qui transforme le lecteur en prosélyte fanatique, n’ayant de cesse (et c’est peut-être le sentiment le plus désintéressé qui soit) qu’il n’ai fait partager à la ronde son émoi singulier ; nous connaissons tous ces livres qui nous brûlent les mains et qu’on sème comme par enchantement - nous les avons rachetés une demi-douzaine de fois, toujours contents de ne point les voir revenir. Cinquante lecteurs de ce genre, sans cesse vibrionnant à la ronde, sont autant de porteurs de virus filtrants qui suffisent à contaminer un vaste public : il n’y faut que quelques dizaines d’années, parfois un peu plus, souvent beaucoup moins : la gloire de Mallarmé, comme on sait, n’a pas eu d’autre véhicule - cinquante lecteurs qui se seraient fait tuer pour lui.

Julien Gracq, La littérature à l’estomac, éditions José Corti.

(Aujourd’hui dimanche 23 décembre 2007, au moment de mettre en ligne cette citation, j’apprends la mort de Julien Gracq.)