Aujourd’hui où l’on ne peut plus sans susciter l’hilarité traiter les étudiants de privilégiés, pour jeter l’opprobre sur les nouveaux contestataires, apparaît dans les cercles républicains des quinquagénaires hargneux l’accusation suprême d’individualiste néolibéral ou de coupable indulgence envers le nouveau Satan de la mondialisation, ou encore d’alliance objective avec le très réactionnaire Hayek. Contestez-vous le présupposé jamais démontré que l’Etat de la République incarne l’intérêt général, le bien commun, plaidez-vous pour restreindre son périmètre, vous voilà complice de l’offensive généralisée contre l’État Providence, contre la qualité des équipements collectifs. Vous défendez la liberté de circulation des hommes, et donc le caractère injustifiable des législations nationales qui entravent l’immigration, vous voilà l’allié des marchands d’hommes et de la surexploitation. Vous défendez l’idée d’un revenu garanti ou de citoyenneté, vous voilà mis dans le même sac que les liquidateurs d’usine, les délocalisateurs, et les économistes libéraux qui proposent une allocation universelle. Vous avez beau expliquer qu’un revenu garanti pour tout individu équivalant au SMIC ou au trois-quarts du Smic, ce n’est pas la même chose que les 1800 formation par mois pour solde de tout compte proposé par Yoland Bresson, ou que 2/5e de Smic pour une famille, vous êtes estampillé par nos modernes inquisiteurs de libéral ou de crypto-libéral. Défendez-vous les médicaments génériques à bas prix, produits par les laboratoires qu’ils soient privés ou publics, vous voilà pour le démantèlement de la recherche publique et nationale.

Yann Moulier Boutang, Marché, marcher