« Pourtant tout va bien, me dira-t-on. Cette production en masse est certainement la preuve que la « bédé » est encore un média de masse. Plus que jamais de belles traductions, plus que jamais de splendides rééditions et plus que jamais l’émergence de jeunes dessinateurs/dessinatrices à la virtuosité évidente. C’est merveilleux, tout va bien, on en pleure de joie.

Mais ce bonheur au rose bonbon parfait est aussi le signe que derrière l’éditeur il n’y a plus d’éditeurs, qu’il n’y a plus ces primo lecteurs, ces curieux, ces maïeuticiens d’auteurs et de livres originaux. Car toute cette belle production qui peut faire illusion reste principalement de l’ordre du « clé en main » et de la minimalisation maximale de tout risque. On traduit les livres qui ont marché ailleurs ou qui incarnent une forme à succès (les mangas). On fait des intégrales pour officiellement rendre disponibles un patrimoine mais surtout en se souvenant du succès passé de séries qu’il serait bon de faire fructifier pendant qu’on a encore les droits, et qu’il sera plus facile de gérer sous cette forme plutôt que sous celle de l’album.Enfin, on édite de jeunes auteurs surtout s’ils ont le style « dont on parle », « qui ressemble à » ou parce que leur blogue est visité.

Chez ces éditeurs, l’éditeur est un directeur de collection au sens basique, un cochon truffier de la tendance, où la forme prime sur le fond, quitte à faire rentrer ce dernier au chausse-pieds dans la sacro-sainte collection maison. »

La bande dessinée sans éditeurs