Vérifiez votre santé mentale
26 février 2010
Le Philosophical Health Check Analysis est l’un des nombreux tests proposés par The Philosophers’ Magazine Online. Il permet de mesurer la cohérence de vos croyances, c’est-à-dire la compatibilité de vos croyances entre elles à partir d’un jeu de questions (en laissant de côté la véracité ou la fausseté de ces croyances).
À ce petit jeu, j’obtiens un quotient d’incompatibilité de 20%. Petit tour des questions et des réponses.
Où se situe le moi ?
Je crois que :
- des dommages cérébraux sévères peuvent causer l’altération de la conscience et la perte de l’identité d’une personne
et je crois que
- Après son décès, une personne continue d’exister sous une forme non-physique
On voit bien le problème : d’un côté je crois que la conscience est liée, d’une façon ou d’une autre, à l’activité cérébrale ; de l’autre, je crois que cette même conscience est, en quelque sorte, indépendante d’un corps (elle n’est pas causée par une activité cérébrale).
(pour ce jeu, je ne fais aucune distinction entre les termes de conscience, moi, âme, esprit).
Comment jugeons-nous de l’art ?
Je crois que
- les jugements esthétiques sont affaires de goûts
et je crois que
- Michel-Ange est l’un des plus grands artistes de l’histoire
Là encore si les jugements esthétiques sont affaire de goûts, alors rien ne m’empêche de dire qu’Étienne de Crécy est l’un des plus grands artistes de l’histoire. Cette affirmation semble pourtant largement exagérée.
Sur la question des jugements esthétiques voir par exemple ce billet sur Philotropes (en passant : Wake Up Philotropes!).
Qu’est-ce qui devrait être légal ?
Je crois que
- le gouvernement ne doit pas permettre la vente de médicaments qui n’ont pas été testé pour leur efficacité et leur sûreté
et je crois que
- les médecines alternatives ont autant de valeur que la médecine contemporaine
Là, j’ai sans doute répondu trop vite, en pensant d’un côté à ce qui est devenu le scandale des vaccins contre la grippe A et, de l’autre côté, à l’effet placebo.
Commentaires
J’en suis à 33% :)
L’incohérence est cohérente si l’on se définit humien : mon moi est comme une petite république où il y a nombre de désaccords. Mon identité est chimérique.
Beaucoup de questions reposent sur des conflits des devoirs. Et renferment aussi des présupposés que l’on valide quelle que soit la réponse Par exemple, comme contradiction, j’ai eu :
You agreed that:
It is always wrong to take another person’s life
And also that:
The second world war was a just war
Dans une perspective, pour dire vite, utilitariste, j’ai le sentiment que ça se tient.
En fait, une contradiction pour quelqu’un pourrait être une contradiction pour un autre. S’il y avait eu une série de questions (évidemment présentée plus subtilement) du type : “pensez-vous que le capitalisme enrichisse les riches ?” et “pensez-vous que le capitalisme enrichisse les pauvres ?”, selon que le questionnaire ait été fait par Adam Smith ou Karl Marx, il y aurait pu avoir cohérence ou pas.
Mais très intéressant quand même !
Je pense également que c’est tenable au sens où ces croyances peuvent se justifier dans un cadre théorique et qu’elles ne sont pas à strictement parler des contradictions. L’exercice est amusant, il permet de mettre en lumière certains de nos présupposés. La prochaine fois, j’essaierai le test Fais ta divinité, conçu spécialement par des Ingénieurs Métaphysiciens :)
Gnouros : l’incohérence est cohérente si l’on se définit - homme ! Seul croire est vivable, lui seul permet de multiples contradictions, rend possible toute juxtaposition de contraires, et tolère même en son sein les plus grands paradoxes - sans trop de dommages. Savoir et vivre sont en comparaison inconciliables, à moins de converger, précisément, vers quelque croire puissant. Le scepticisme est ainsi une méconnaissance ontologique des hommes, voire un mépris à leur encontre : ceux-ci ne demandent qu’à vivre, non pas sans savoir, mais à condition qu’aucun savoir ne les empêche de croire. C’est une imposture que d’avoir fait du connaître et du vouloir savoir à tout prix – leur essence. C’est là pourtant l’essence de notre civilisation.
Bien sûr, ça n’est là qu’une proposition (écrite ailleurs, posée ici pour l’occasion). Peut-être montre-t-elle l’insuffisance d’un pareil test pour décider de notre “santé mentale” et sa “suffisance” logique moralement parlant.
Oh ! Mais Philotropes ne dormait pas ! Voyez le résultat de ces quelques semaines de silence : Bad News for Kant and Aesthetic Realism 2.
@varna, sur la notion de cohérence de nos croyances morales, je vous renvoie à l’article de Florian Cova, Une philosophie morale analytique ?, publié sur Le Philosophe dans la Cité :
@Mikolka : j’ai vu réapparaître Philotropes sur mon radar - à ma grande satisfaction !
Mickaël,
Le savoir, en effet, travaille sur le conscient / avec du conscient, que ce soit des croyances, des certitudes, des postulats ou des faits (et des méthodes).
La moralité d’un homme s’accommode, quant à elle, de quelques obscurités : elle n’est pas tout à fait libre, bien des mals forcent la porte de sa bonne conscience. La tentation … ;-)
Enfin, le simple fait d’être, si peu justiciable devant l’Eternel (rires), s’accomode carrément de qualités qui font horreur - aux deux autres ! (contradictions, mensonges, paradoxes, inconscience, mauvaise conscience — la vie quoi ! Tu ne CROIS pas ? ;-))
Merci pour le lien.
Bonjour,
J’ai souvent du mal à comprendre les discussions philosophiques et les tests aussi d’ailleurs.
Je ne dois d’ailleurs pas avoir une bonne santé mentale.
Pour moi, la première question de ce test nie qu’il puisse exister une position agnostique.
Pour la deuxième question: je peux penser que les jugements esthétiques sont affaire de goût et personnellement penser que Michel-Ange est l’un des plus grand artistes de l’histoire.
Enfin pour la troisième question, le versant de l’efficacité m’importe et importe peu. La sûreté de la médecine allopathique comme des médecines alternatives doit être vérifiée avant qu’elles ne soient autorisée.
Il n’existe donc pas d’incompatibilité sur ces trois questions, si ce n’est une présentation dialectique là où règne des dialogiques.