Épilogue

Dès que Sulok l’eut à nouveau déclaré apte au service, Harlington put procéder au mariage de T’Savhek et Silkar. Cérémonie très étrange à ses yeux.

L’équipage et les scientifiques humains de l’avant-poste étaient prêts pour faire une fête du tonnerre, et ils avaient failli applaudir ou lancer des vivats quand Harlington avait prononcé le rituel « Vous êtes désormais mari et femme ». Mais les époux s’étaient contentés d’un simple hochement de tête à l’attention de Harlington. Silkar avait ensuite levé la main, index et majeur collés et pointés vers le haut : T’Savhek avait posé dessus les mêmes doigts. Ainsi unis, ils s’étaient dirigés vers le buffet dressé pour l’occasion et avaient recueilli les félicitations modérées de leurs compatriotes.
Les non-Vulcains présents ne surent pas trop comment réagir, leurs sourires et félicitations ne récoltant que hochements de tête guindés de la part des nouveaux mariés.

Harlington sourit intérieurement : voilà une ambiance qui n’aurait pas déparé à une cérémonie funèbre menée dans la dignité la plus stricte. Il se demanda si, une fois que l’équipage aurait profité de l’alcool – illicite, mais personne n’eut le mauvais goût d’en faire la remarque, y compris parmi les Vulcains – servi au buffet pour l’occasion, il ne se trouverait pas un membre d’équipage un peu gris pour taper dans l’épaule du marié pour le congratuler. Si cette perspective l’amusait, il l’avait tout de même anticipée et demandé à Lupescu de veiller à ce les membres de l’équipage gardent une conduite appropriée.

Pour Harlington, la petite fête fut réussie. Son équipage sut se tenir, dans une ambiance conviviale. Vulcains et non-Vulcains avaient fini par se mêler indifféremment et les conversations avaient fusé, sur des sujets variés : comparaisons entre coutumes humaines et vulcaines, politique de Starfleet, dernières avancées technologiques et perspectives à venir. Harlington saisit même au vol un débat sur la migration des oiseaux merleaxis de Vinorus VII. Même Garcia semblait avoir réussi à s’intégrer.
Quand la fatigue le gagna, mélange d’un léger abus de cocktails et d’une condition physique encore précaire, il félicita une dernière fois les époux et se retira.

Au détour d’une coursive, il trouva Kimiko Heitashi adossée juste à côté de la porte de ses quartiers, le regard dans le vague.

– Tout va bien, aspirant ? demanda-t-il avec un vague sourire.
Il ne lui avait pas échappé que Heitashi n’avait pas été la dernière à lever le coude, à tel point qu’il avait dû demander à Lupescu de la rappeler discrètement à l’ordre.
– Je… je crois qu’il vaut mieux que j’évite de bouger pour l’instant, commandant. Ça… tourne.
Il se demanda s’il devait la rabrouer et décida de n’en rien faire. Les circonstances étaient exceptionnelles, il pouvait bien passer l’éponge.
Elle colla ses yeux noirs dans les siens et il se sentit électrisé. Quand elle se jeta dans ses bras et l’embrassa fougueusement, il répondit instinctivement à son étreinte.
C’est à tâtons qu’elle ouvrit la porte de ses quartiers et qu’ils y disparurent sans se séparer, accrochés l’un à l’autre comme à une bouée de sauvetage.

Dès lors, une nouvelle vie commença sur le Baltimore. Jusqu’à ce que deux semaines plus tard, Dorin Lupescu voit une licorne apparaître devant ses yeux dans une coursive du vaisseau…