Chapitre 18 : Le sauvetage

T’Savhek avertit Silkar qu’elle avait terminé de mettre en place les grandes lignes du programme. Elle lui donna ses dernières instructions afin qu’il l’optimise et le rende opérationnel à grande échelle.
Pour sa part, en attendant qu’il en ait fini, elle s’attela à ouvrir un passage à travers les systèmes de sécurité du vaisseau. Ce programme violerait vingt-neuf protocoles de Starfleet, selon les calculs, elle devait donc créer autant de brèches pour pouvoir l’appliquer. La problématique était triple : faire en sorte que les systèmes de sécurité accepte de faire tourner le programme. Relier ce dernier au réseau de synthétiseurs du bord pour qu’ils reproduisent les ondes nécessaires à la protection du Baltimore. Enfin, installer une dérivation entre les synthétiseurs et le noyau du réacteur du vaisseau. La puissance de ce dernier était indispensable pour soutenir l’activité des synthétiseurs, dont les caractéristiques de base ne suffiraient pas à produire autant d’ondes simultanément.

T’Savhek et Silkar travaillèrent de la même manière que pour le programme proprement dit : elle se contenta d’ouvrir les brèches, désactivant les protocoles de sécurité qui entendaient lui mettre des bâtons dans les roues. À chaque fois, c’était comme lancer une corde au-dessus d’un précipice en l’accrochant de l’autre côté. À charge pour Silkar de transformer ce mince passage en pont.
Elle était si concentrée sur sa tâche colossale qu’elle en oublia le temps qui s’écoulait, inexorable, jusqu’à s’en rappeler. Glacée, elle constata que son fiancé et elle travaillaient sur les consoles informatiques depuis plus d’une heure. Elle estima rapidement qu’il ne leur en faudrait pas le double pour terminer.
Les deux Vulcains terminèrent cinquante-deux minutes plus tard. T’Savhek n’avait pas le temps de vérifier la viabilité de leurs modifications, aussi enclencha-t-elle sans attendre leur programme.
Les lumières vacillèrent un instant et des alarmes se déclenchèrent sur plusieurs consoles de sécurité. Le programme engendrait manifestement des dommages collatéraux non prévus sur certains circuits et systèmes du Baltimore. T’Savhek pianota furieusement sur sa console pour redistribuer la puissance du vaisseau. Quand ses manœuvres ne suffisaient pas, elle désactivait carrément les éléments compromis ou en danger. Heureusement, aucun système vital ne semblait touché. Quand la dernière alarme se tut, elle attendit quelques secondes, au cas où de nouveaux problèmes surgiraient.
La situation semblant stabilisée, ne lui restait plus qu’un ultime test à mener. Elle récupéra l’unité de téléportation, composa les coordonnées de la cellule soffrée et lança la procédure de téléportation. Rien ne se passa.
– Du bon travail, T’Savhek, constata Silkar. L’analyse poussée de la dérivation que nous avons mise en place sera très riche en enseignements.
– Certes, Silkar. Mais nous verrons cela plus tard. Courez à l’armurerie sur le pont B et ramenez-moi une mallette de phaseurs. Le code de la porte est « SJIFK56KIPM896DGFT3 ».
– Retenu, fit Silkar avant de quitter la salle des machines.
Elle coupa leur système parasite, attendit quelques secondes et le remit en route. Nulle nouvelle alarme. Leur bricolage avait l’air de vouloir tenir.
Elle rejoignit Silkar et s’empara de la mallette :
– Je retourne chercher nos hommes. À mon signal, vous coupez notre programme.
Sans attendre de réponse, elle courut jusqu’à la salle de téléportation et s’installa sur l’unique plot de la pièce.
– Maintenant, Silkar.

– Ce n’est que moi, fit T’Savhek en apparaissant au milieu des prisonniers.
Elle fut soulagé de voir que rien n’avait changé en bas. Nulle mauvaise surprise, pas de Soffrés bardés d’armes pour l’accueillir. Ils n’avaient pas encore dû se rendre compte de la disparition de certains des membres de Starfleet.
– Pas un bruit. Nous semblons avoir réussi. Lupescu, distribuez les phaseurs au cas où nous serions interrompus par les Soffrés le temps de remonter tout le monde. O’Connor, je vous confie l’unité de téléportation. Les coordonnées du Baltimore sont pré-rentrées, vous aurez juste à appuyer ici. Remontez deux personnes à la fois en commençant par les scientifiques de l’avant-poste. Equipe de sécurité du Baltimore, en position !
Dorin Lupescu, Gork Nimar, Kimiko Heitashi et Gotram s’alignèrent le long des barreaux, phaseur en mains, prêts à tirer sur tout Soffré qui surgirait par le couloir. T’Savhek prit Jussé à part :
– Merci, Jussé. Sans vous, rien de tout cela n’aurait été possible.
– Que va-t-il se passer, désormais ? demanda le Soffré.
– Je crains que mes hommes et moi-même devions repartir. Nous ne pourrons rien faire de plus seuls, sauf nous faire reprendre.
– Vous allez nous abandonner ? s’insurgea Jussé.
– Au contraire. Nous allons regagner l’espace de la Fédération et revenir avec des renforts. Je refuse de laisser Sender arriver à ses fins.
– Avec des troupes et votre technologie à nos côtés, nulle doute que la Résistance vaincra !
– Je ne pense pas que Starfleet soit d’accord pour un soutien militaire direct. Néanmoins, il existe un autre moyen de vous aider. Sender fait mener des recherches sur ce qui tue les Soffrés à la surface. Si la Fédération parvient à résoudre ce mystère avant lui, tous ses plans de se faire déifier par les vôtres tomberont à l’eau.
– Peut-être, avança Jussé, dubitatif.
– Nous n’avons pas beaucoup de temps, continua T’Savhek en constatant que O’Connor avait déjà réalisé trois aller-retour. Avant de partir, nous allons récupérer les relevés effectués par nos scientifiques de l’avant-poste. Je vais en outre vous prélever un peu de sang et un échantillon épidermique. Avec cela, nous devrions avoir tout ce qu’il nous faut pour aider votre peuple.
– Si ça ne suffit pas, vous aurez agi en vain. Je veux venir avec vous, mieux vaut que vous ayez un cobaye sous la main.
T’Savhek réfléchit quelques secondes, d’accord avec les avantages indéniables de la proposition du Soffré. Malheureusement, comme ils ignoraient ce qui tuait les Soffrés une fois sortis de leurs cavernes, elle dut décliner l’offre de Jussé. Alors qu’il ne restait plus dans la cellule que O’Connor, Lupescu, Jussé et T’Savhek, cette dernière conclut :
– Donnez-moi une fréquence sur laquelle vous joindre. Je vous fais la promesse que nous reviendrons.
– Qu’est-ce qui me dit que votre Fédération ne va pas vous désavouer et nous laisser nous débrouiller seuls ?
– Derrière les nobles sentiments se cachent souvent une réalité bien plus terre à terre. La Fédération va se laisser convaincre de vous aider car votre technologie de téléportation va l’intéresser au plus haut point, c’est certain.
– Je vois, fit Jussé, quelque peu déçu. Je compte sur vous, T’Savhek. Et saluez votre commandant de ma part.
– Ce sera fait, Jussé. Dès que nous serons à bord du Baltimore, nous vous renverrons votre unité de téléportation. Bonne chance à vous.

Dès qu’elle eut regagné le navire, T’Savhek ordonna la remise en route du programme anti-téléportation. Elle fut soulagé d’apprendre qu’il fonctionna à nouveau.
De retour sur la passerelle, elle s’installa dans le fauteuil de commandement avec le sentiment incongru de voler la place. Voir Garcia et Inriek aux postes de pilotage et de navigation lui mit du baume au cœur : la situation semblait bien partie pour se normaliser.
– Cap sur l’avant-poste, monsieur Garcia.
Elle ouvrit un canal de communication sur l’accoudoir de son fauteuil et dit :
– Silkar, préparez-vous à télécharger toutes les données que vous avez recueillies sur Narnaya Prime. Dès que ce sera fait, nous quitterons la planète. Infirmerie, qu’en est-il de l’état du commandant ?
Quand l’infirmier Thif répondit, T’Savhek entendit un concert d’alarmes médicales en fond sonore.
– Ici Thif, répondit l’infirmier, qui avait d’ores et déjà repris sa place aux côtés de Sulok. Ce n’est pas le moment ! Nous vous rappelons dès que possible !
Il coupa brusquement la communication.

Harlington était sans nul doute dans un état critique. T’Savhek sentit une boule se former dans sa poitrine. Elle s’en étonna. Certes, ils n’étaient pas qu’un simple commandant et sa subordonnée l’un pour l’autre, ils se connaissaient maintenant depuis un certain temps, mais tout de même… Elle trouva si étrange d’être troublée à ce point qu’elle refusa d’explorer plus avant ses sentiments.
– Monsieur Garcia, dès que le téléchargement sera effectif, cap sur la base stellaire 23.