Chapitre VIII : Derniers préparatifs…

Quand la porte de l’appartement s’ouvrit dans son dos, Kerdan ne se retourna pas. Il se contenta de lancer :
– Alors, chère cousine ? Tu as passé une bonne journée ?
– C’était plutôt routinier, Kerdan, répondit Nevella. Par contre, on parle beaucoup de la disparition subite des gangs. Les gens ne comprennent pas ce qui se passe et certains voudraient espérer que cette situation perdure, bien qu’ils restent prudents de peur d’être déçus. Tu es derrière tout cela, n’est-ce pas ?
– En effet.
– Je ne sais pas comment tu t’y es pris mais quoi qu’il en soit, bravo.
– Rien n’est joué, rétorqua Kerdan. C’est bien beau que moi présent, les gangs reculent, mais tel n’est pas mon but. S’ils reviennent une fois que je serai parti, tout ce que j’aurais accompli jusque-là n’aura servi à rien. La dernière étape de mon plan consiste à pérenniser cette paix retrouvée.
– N’empêche, je suis sidérée de voir les progrès accomplis en si peu de temps. C’est vraiment incroyable.
– Bah. J’ai accès à à peu près toutes les sources de Renseignements de la galaxie et je m’appuie sur un solide réseau d’alliés ou d’assistants dans beaucoup de domaines différents. N’oublie pas que mon travail consiste à faire des synthèses, ourdir des plans, apporter des solutions à toutes sortes de problèmes, et que j’ai des années d’expérience derrière moi.
– C’est vrai. Mais d’habitude, tu agis sur une échelle bien plus grande, non ?
– La taille importe peu, comme se plaît à le répéter un gnome de mes connaissances… Et à ce propos, il faut que je fasse vite. Les Jedi sont à mes trousses. J’espère arriver à mes fins dans ce quartier avant qu’ils ne me mettent la main dessus. Car une fois qu’ils m’auront retrouvé, je risque de ne plus pouvoir venir avant un bon bout de temps…

Le hall d’entrée était vide. Pas un meuble. Aucune trace de vie. Tchoo-Nachril comprit qu’il avait été abusé. Il se livra à une fouille méticuleuse de l’appartement, au terme de laquelle il ne découvrit qu’une seule chose. Un enregistrement holographique, posé au milieu de la pièce principale. Il activa l’objet et un Kerdan Majoline grandeur nature fit son apparition et prit la parole.

Bien le bonjour… Tchoo-Nachril, si je ne m’abuse. Permettez-moi de vous adresser mes félicitations pour votre réussite récente aux épreuves, qui a conduit le Conseil Jedi à vous conférer le titre de Chevalier.
Si vous avez trouvé cet enregistrement, c’est que vous êtes digne de la confiance que vos supérieurs ont placée en vous. Faire le tri entre les multiples fausses pistes que j’ai disséminées partout sur la planète n’est pas une mince affaire, aussi pouvez-vous être fier de vous.
Malheureusement, je crains que vous ne sachiez pas à qui vous avez à faire. Je présume que vous avez été mis au courant, mais derrière chaque plan que je dresse s’en cachent toujours plusieurs autres.
Je ne doute pas que vous finirez par me trouver, mais sachez que vous ne disposez plus que d’une journée pour réussir. Car j’aurais alors achevé la tâche que je me suis fixée et votre mission n’aura plus lieu d’être.
Quoi qu’il en soit, je vous souhaite bon courage pour vos recherches. Parvenir à me retrouver dans le laps de temps qui vous est imparti sera très difficile mais pas impossible. Gardez confiance en vous et exploitez au mieux vos capacités.

Au plaisir de vous rencontrer…

Tchoo-Nachril mit quelques minutes à remettre de l’ordre dans ses idées et ses émotions. Une fois sa sérénité toute jediesque retrouvée, il analysa ce qu’il venait de ressentir et parvint à mettre un nom dessus : humiliation. Un concept qu’il connaissait intellectuellement parlant, mais qu’il n’avait jamais expérimenté à ce point avant ce jour.
Il avait été fier de lui quand il avait écarté les pistes une à une, s’était cru plus malin que sa proie. Sa défaite n’en était que plus cuisante. Son adversaire l’avait manipulé et mené exactement où il le voulait. Il avait fait preuve d’orgueil et de suffisance, lui qui s’était cru au-dessus de tels sentiments. Il n’avait rien vu venir, alors que depuis sa plus tendre enfance, ses formateurs l’avaient mis en garde contre ce genre d’état d’esprit insidieux, qui s’emparait de vous sans même que vous vous en rendiez compte. S’il s’était jusque-là toujours considéré comme imperméable à ce type d’attitude, il comprit qu’il s’était fourvoyé. Il venait d’être remis à sa place, de recevoir une leçon d’humilité dont il n’avait même pas eu conscience d’avoir besoin.
Voilà pourquoi des Jedi se perdaient parfois en route, comprit-il. En se leurrant sur eux-mêmes, en perdant le recul nécessaire à l’analyse de leurs propres actions. Il avait toujours éprouvé un certain mépris envers les Jedi dévoyés dont il avait étudié l’histoire. Désormais, il avait conscience que le Mal était bien plus puissant qu’il ne l’avait pensé jusque-là. Il se promit qu’en rentrant au Temple, il aurait une longue conversation à ce sujet avec son ancien maître, Yoda.

Tchoo-Nachril contacta les analystes du Temple Jedi qui l’avaient aidé à remonter la piste de Kerdan Majoline. Il était important qu’ils comprennent comment ils avaient été bernés afin qu’une telle situation ne se reproduise plus. Puis il décida de se passer de leur aide pour la suite de leur enquête.

Après coup, il s’en voulait d’avoir mené son enquête en s’appuyant sur des méthodes traditionnelles. Il était un Jedi. Il avait la Force. Rien d’autre ne devrait lui suffire.

Il quitta l’appartement et s’ouvrit à l’univers, tous ses sens tournés vers la recherche d’une personne. Il mit un pied devant l’autre, à l’écoute de son instinct.

Alors que Kerdan enfilait son costume désuet, prêt à sortir pour s’acquitter d’un rendez-vous, une alarme de son communicateur se fit entendre. Le message holographique qu’il avait laissé à l’attention de Tchoo-Nachril venait d’être activé.
L’étau se resserre…

Une fois en bas de la rue, sa sempiternelle mallette à la main, il n’eut pas longtemps avant de voir arriver un speeder-limousine. Le véhicule s’arrêta devant lui, et huit gardes du corps en sortirent.
– Majoline ? fit l’un d’eux en se plantant face à Kerdan, l’air menaçant.
– Lui-même.
– Montez, répondit l’autre en montrant la limousine. Elle vous attend.