Plus j’avance, plus je suis convaincu que le plan de l’histoire est mauvais. J’en reviens toujours à ce que j’ai dit depuis le début : avec plus de temps, j’aurais pondu un vrai plan détaillé, en béton, que je n’aurais ensuite eu qu’à “suivre bêtement” lors de la phase d’écriture. Or je n’ai pas eu le temps de le préparer comme je le voulais et je me retrouve à faire ce que je voulais éviter : n’avoir qu’un simple fil conducteur (des lieux et des événements majeurs) et un grand flou pour les détails et l’avancée logique des scènes.

Du coup, je me retrouve à naviguer à vue, à écrire au feeling alors que c’est ce que je voulais éviter. Et au fur et à mesure que les éléments se mettent en place, avancée de la trame, conception des personnages secondaires indispensables au développement de l’histoire, etc, le rapport au plan se fait de plus en plus lointain. J’improvise chaque scène après l’autre.

Comme je suis aux antipodes de ce que je voulais faire et que je n’étais même plus certain de me raccrocher aux grandes lignes du plan, j’ai été jusqu’à me poser la question de l’abandon de cette histoire, le temps de retravailler sérieusement le plan avant de reprendre. Mais comme je voulais coûte que coûte finir, m’en tenir à ma ligne de conduite d’avancer tous les jours l’histoire en suivant un rythme régulier, j’ai continué, même si l’enthousiasme n’était d’ores et déjà plus au rendez-vous.
Qui plus est, je me suis quelque peu donné les moyens d’être “obligé” de rédiger mon histoire jusqu’à son terme en faisant mes notes de blog sur l’avancée du projet. Si j’arrêtais aujourd’hui alors que j’ai prétendu que j’irai au bout, c’est mon ego qui en prendrait un coup : donc pour une fois qu’il peut m’être utile d’une manière constructive, celui-là, je n’ai pas l’intention de le laisser tomber.

Bref et quoi qu’il en soit, c’est alors que la lumière est apparue, pas plus tard que ce matin ! Le déclic sorti d’on ne sait où, le petit truc qui transforme une activité qui commençait sérieusement à virer à la corvée… en plaisir !
Alors que j’enchaînais les scènes de réflexion du héros et la présentation de nouveaux personnages, je savais que je perdais de vue le but (ou la fin) de l’histoire, et que je devrais gérer les conséquences de l’apparition de ces nouveaux protagonistes, mon optique a brusquement changé. Ma manière de penser a évolué et je me retrouve, à nouveau et enfin, sur un chemin connu.

Je me laisse porter par mon histoire. Comme je suis mauvais (encore aujourd’hui avec la Partition de Narvilone) pour pondre des plans précis, j’ai l’habitude d’écrire au feeling, de me laisser porter par elle, donc. Or c’est un sentiment que je n’avais pas encore éprouvé sur ce livre : j’étais plutôt dans une optique de tenir mon rythme vaille que vaille, manière de procéder inhabituelle pour moi et qui ne me satisfaisait guère.
Désormais, j’ai franchi le cap, je retombe dans mes schémas classiques d’écriture, ce qui rend l’avancée bien plus aisée et me fais surtout retrouver le plaisir d’écrire. Ce changement d’état d’esprit s’est fait naturellement, instinctivement, après que j’ai écris ce matin. Quand j’ai arrêté, j’ai fait un peu de rangement, de toilette, préparé le déjeuner, etc, bref les activités les plus terre à terre qui soient, sauf qu’à un moment… je me suis rendu compte que j’étais en train de continuer à créer l’histoire dans ma tête, reprenant mentalement là où je m’étais arrêté sur le papier. Après réflexion, cette manière de faire a toujours été mon moteur pour avancer une histoire : je sais alors qu’elle vit avec moi et qu’elle va continuer à se développer.

Ce matin, je me suis donc réellement approprié mon histoire. Ce qui change tout. Je me demande où elle va me conduire, et j’ai hâte de le savoir. Car oui, je ne sais pas ce que va donner l’histoire et je ne le saurai qu’au fur et à mesure que je l’écrirai. Et je trouve cela plutôt enthousiasmant !