Chapitre 6 : en pays Drotite

Quand Minos s’éveilla ce matin-là, il étouffait. Un lourd manteau de chaleur extrême s’était abattu sur Drisaelia depuis une quinzaine de jours, et même la nuit n’apportait pas de fraîcheur. Il se leva, vêtu de son seul pagne, et gagna la deuxième chambre de la maison, d’où des ronflements sonores s’échappaient.
Il se sentait d’excellente humeur à l’idée qu’ils reprenaient la mer aujourd’hui, et son plaisir s’accrut encore quand, empoignant le bord de la paillasse du dormeur à deux mains, il la souleva brusquement de toutes ses forces, envoyant bouler à terre le dormeur qui, réveillé en sursaut, émit un couinement de surprise et de peur.
– Prépare nous donc à manger, vieux machin, pendant que je vais voir où en sont les autres.
Ignorant dès lors Parnos, qui se mit à marmonner quelques paroles indistinctes en se frottant les yeux, Minos attrapa un cor et sortit de la maison, après en avoir déverrouillé la lourde porte de bois qui donnait sur la place du village. Son village, pensa-t-il avec orgueil. Privilège du chef, sa maison avait été la première à être érigée, deux autres étaient achevée, et une dernière presque terminée, toutes bâties sur le même modèle : pierres taillées jointes à la chaux, surmontées de toits de chaume.
La première avait été réservée à Minos, qui avait voulu refuser, arguant que Telmas aurait du être prioritaire car époux et père d’une ribambelle de têtes blondes, mais personne n’avait rien voulu entendre : il était le chef et s’installait le premier, point. Il avait donc pris ses quartiers, avec Parnos comme de juste. Telmas et les siens étaient dans la deuxième, et la dernière en date était occupée par Tertté et Idabola, cette dernière étant déjà enceinte. Cette nouvelle ne changea rien pour Vilinder, qui continua à les ignorer. Tous les autres – Carolas excepté, qui s’était installé chez Telmas – se contentaient de dormir dans des tentes, l’époque le permettant, en attendant leur tour.
Minos sourit en regardant vers l’est : le calme et la tranquillité régnaient sur le village, tandis que les premières lueurs de l’aube apparaissaient à peine. Il était le premier debout et tout le monde dormait encore du sommeil du juste. Il porta le cor à ses lèvres et, très content de lui, y souffla plusieurs fois les notes qui, selon le code qu’il avait mis au point avec ses hommes, indiquaient un danger immédiat à tous les membres de son groupe.
Le branle-bas de combat ne se fit pas attendre. Tous les hommes sortirent des tentes, plus ou moins vite, sommairement vêtus et armés, et à peine réveillés. Minos éclata de rire en voyant leur mine, et leur lança d’un ton joyeux :
– Allez, bougez-vous un peu, les gars, on part ce matin !
Il fit demi-tour en sifflotant gaiement et rentra chez lui prendre une copieuse collation, suivi par les marmonnements et les yeux assassins de ses hommes.
A partir de ce moment, il ne leur fallut que deux heures pour être prêts à embarquer. La Flèche des Mers était chargée depuis la veille en nourriture, sous la forme de poisson salé embarqué dans des tonneaux. En plus de son éperon à l’avant et de son nouveau pont, le navire avait été équipé d’une nouvelle voile en lin : elle était carrée et bicolore, bleue et verte. Exactement les couleurs de fond des Armes de la Maison à laquelle appartenait Minos, ce qui n’avait pas manqué d’inquiéter Parnos, qui s’en était ouvert à son jeune maître. Celui-ci n’en avait eu cure, lui répliquant que d’une part tout le monde aujourd’hui se fichait bien de sa Maison, et que d’autre part, les coïncidences existant, personne ne ferait le rapprochement entre un pirate et une noble Maison du royaume de Lul.
Avec Telmas à la barre, la Flèche fut menée d’une main sûre plein nord, en direction du Delnas, le pays des mages, jusqu’à atteindre les Estrians, ces vents réguliers qui soufflaient sans arrêt sous ces latitudes, d’ouest en est. Le navire prit d’emblée une vitesse importante. Les deux semaines suivantes furent calmes : les quelques autres embarcations repérées au loin ne s’intéressèrent pas aux pirates, et ceux-ci étant en exploration et non pas en expédition de pillage, ils ne dévièrent pas de leur cap.
Les deux nouveaux venus à bord, Saug et Kraeg, vécurent ce baptême de l’eau d’une manière bien différente. Le jeune Saug ne tenait pas en place, empli d’excitation et goûtant à un sentiment de liberté qu’il n’avait jamais autant ressenti qu’à ce moment, en pleine mer ; il n’arrêtait pas de faire des allées et venues, et avait de son propre chef décidé de devenir vigie, grimpant comme un singe en haut du mât, y restant trente secondes avant de redescendre, avant de recommencer son manège quelques minutes plus tard. A l’inverse, le géant Kraeg était souvent en proie au mal de mer.
Trois semaines après leur départ de Drisaelia, les terres du supposé pays Drotite fut enfin en vue, selon les calculs que fit Telmas pour déterminer leur position. Les Estrians les avaient conduit au large du grand détroit de Carmonelyonn, qui séparait les terres du Delnas de celles du Xulgus, et dont le goulet menait aux ports Vilizel. Le pays Drotite était lui censé se trouver au sud du Xulgus, coincé entre ce pays et celui d’Isennas, les deux pays alliés qui avaient déclaré la guerre au reste du monde, et dont la puissance conjuguée était telle que tous les royaumes ployaient sous leurs coups de boutoir, sans réussir à reprendre l’initiative d’aucune manière.
Après avoir pris une copieuse collation, ils s’approchèrent de la côte à l’aube, après s’être partagé l’équipement qu’ils allaient emmener à terre : cors, outres d’eau, briquets à amadou et fruits séchés. Naturellement, chacun emportait une arme, même Saug, à qui une dague avait été remise. Kraeg fut mis à contribution pour porter, en plus de sa besace, un petit tonneau – pesant tout de même une bonne trentaine de kilos – contenant du poisson salé.
La terre qu’ils avaient sous les yeux était tapissée d’une jungle épaisse, qui laissait place à un bourbier marécageux faisant office de rivage, et ils y remarquèrent avec inquiétude quelques crocodiles. Ils arrimèrent la Flèche sous un arbre immense ressemblant à un saule pleureur, et qui poussait à l’extrême limite de la terre ferme, ce qui avait l’avantage de leur éviter de patauger dans le cloaque boueux.
Ils firent leurs premiers pas dans le pays Drotite sous la direction de Carolas, qui s’estimait capable de trouver une éventuelle piste. Les premiers moments furent difficiles : la chaleur était moite et étouffante, tout l’équipage fut littéralement assailli par des hordes d’insectes, et la forêt vierge dans laquelle ils évoluaient était très touffue, les obligeant à se frayer laborieusement un chemin à grands coups d’épées et de dagues.
Un peu plus tard, ils furent chargés par une grosse bête poilue et courte sur pattes : elle fonça aveuglément et traversa le groupe en un éclair, en grognant bruyamment. Les pirates se jetèrent hors de sa route comme ils purent. Telmas fut égratigné par les petites cornes qui saillaient de part et d’autre du groin de la bête, qui écrasa ensuite le pied de Parnos, sans dommage important. Le pauvre général de l’armée de Drisaelia était d’humeur très maussade : il détestait les rongeurs, or des bruits continuels les évoquant s’échappaient de partout autour d’eux, émis par des créatures qu’ils ne parvenaient pas à distinguer. Les autres animaux qu’ils virent furent des grosses araignées velues, qui provoquèrent des violents picotements dans la nuque de Vilinder. Le jeune marin se cacha alors derrière Kraeg, légèrement tremblant, au bord de la panique. Il serra les dents afin qu’elles ne s’entrechoquent pas, agrippa tant son épée que les jointures de sa main devinrent blanches, et ne cessa plus d’être aux aguets, très fébrile. Il se mit rapidement à attaquer la moindre branche qu’il lui semblait voir bouger, et faillit même donner un coup d’épée à Minos par accident. Une paire de gifles sonores plus tard, donnée par Minos, Vilinder reprit un peu ses esprits et parvint apparemment à dominer sa terreur.
Au bout de trois heures de cette marche harassante, ils étaient tous exténués. Mais les soupirs de soulagement qu’ils s’apprêtaient à laisser échapper ne vinrent jamais, car dans le même temps, C’est à ce moment qu’ils entendirent des feulements rauques, venant de quelque part devant eux.
– Qu’est-ce que c’est que ça, encore ? fit Minos, plus que las, et qui se demandait dans quelle galère ils s’étaient embarqués.
– Peut-être un chat, fit Parnos en souriant, fier de sa blague.
Une nouvelle paire de gifles de la part de Minos lui passa l’envie de faire de l’humour.
– Ce serait plutôt un léopard, ou quelque chose comme ça, dit Carolas d’un air sombre. Certains chefs de clans Aiger en ont à leur Cour, dans le grand nord.
– Qu’est-ce qu’on s’amuse, chez les Aiger, bougonna Minos. Allons voir ces bestiaux de plus près. Soyez sur vos gardes.
Carolas reprit la tête et s’avança prudemment, tous les sens en éveil. Les autres suivirent, le plus silencieusement possible, eux aussi sur leurs gardes. Ils ne tardèrent pas à déboucher sur une petite clairière, où ils virent trois fauves à une vingtaine de mètres de là, de grandes panthères noires aux muscles puissants et à la mâchoire impressionnante. Des prédateurs dans toute leur splendeur. Ils tournaient autour d’une forme sombre, recroquevillée à terre. Les pirates continuèrent à s’approcher lentement et purent mieux voir la scène : la forme était un petit être à l’apparence vaguement humaine. Il tenait une misérable dague dans sa main ensanglantée et l’agitaient devant les fauves, sans qu’ils en soient impressionnés outre mesure. L’une de ses jambes portait les traces d’une blessure terrible : la chair était déchiquetée sur une bonne trentaine de centimètres au niveau de la cuisse, recouverte de sang.
Minos n’avait rien d’un héros : défendre la veuve et l’orphelin n’avait jamais été sa tasse de thé delnasien. Néanmoins, si cet homme était un indigène, le sauver pouvait leur éviter de continuer d’avancer au hasard. Un allié dans ces terres inhospitalières leur permettrait peut-être d’obtenir des renseignements sur le peuple de Kraeg. Ayant pris sa décision, il se tourna vers ses compagnons et leur lâcha un laconique :
– On sauve le gars, et on se fait les bestiaux.
Pour éviter d’entendre d’éventuelles objections, il dégaina sur-le-champ ses deux épées et marcha vers les fauves en beuglant, espérant les effrayer, bientôt suivi par ses hommes.
Les panthères se tournèrent brusquement vers les intrus, avant de bondir soudainement vers eux en feulant, comme répondant à un signal. Minos et ses hommes s’arrêtèrent net : leur stratégie tombait déjà à l’eau. les fauves n’avaient visiblement pas l’intention de troquer leur rôle de prédateurs contre celui de proies.
Minos eut le temps de se morigéner intérieurement : voilà pourquoi il ne voulait jamais se mêler de ce qui ne le regardait pas. En fin de compte, ça ne rapportait que des ennuis.
Il jura et se tint prêt à frapper. Le fauve de tête reconnut-il en lui le chef de la horde adverse ? Quoi qu’il en soit, ce fut vers lui qu’il se dirigea, bondissant avec une grâce, une vitesse et une facilité qui fit serrer les dents à Minos. Il fut sur lui en un éclair et tenta de lui sauter à la gorge. S’appuyant sur ses réflexes, Minos tendit brusquement ses deux lames vers la bête furieuse, qui vint s’empaler dessus. Dès qu’il sentit ses épées mordre la chair de la panthère, il les lâcha et se jeta de côté. Il effectua une roulade, pendant laquelle il saisit la longue dague attachée à son tibia, et se releva, paré à toute éventualité. Il vit la bête se tordre de douleur à ses pieds, feulant sa rage de toutes ses forces. Ayant constaté que la panthère agonisait, le chef des pirates se tourna vers ses compagnons.
Il poussa un grand soupir de soulagement : les deux autres bêtes étaient à terre, et tous ses hommes debout. Le bras gauche de Parnos était en sang, mais cela semblait être la seule blessure récoltée par l’équipage.
En effet, pendant son combat, Kraeg avait empoigné à deux mains son lourd bâton cerclé de fer. Quand l’une des deux panthères avait bondi sur lui, il avait fouetté l’air de son bâton en direction du crâne du fauve : dans un craquement sinistre, la tête de la panthère avait presque fait un tour sur elle-même et la bête s’était écroulée à ses pieds, morte. Parnos avait été le troisième à être attaqué : au bond du fauve, il avait roulé sur le côté tout en essayant de porter un coup. Il n’avait réussi qu’à l’égratigner et avait récolté en retour un coup de griffes sur sa tenue de cuir qui, bien que lacérée sous le choc, lui évita une blessure sérieuse. Le deuxième assaut fut le dernier : en un éclair, la panthère s’était retournée, bien campée sur ses puissantes pattes arrière, puis lui avait sauté dessus. Mais Parnos avait déjà tendu son bras en arrière pour avoir de l’élan, avant de frapper la gueule de la bête avec sa hache, de toutes ses forces. La panthère mourut sur le coup, le crâne fracassé, et s’abattit sur Parnos, qui n’avait pas eu le temps de se mettre hors de portée. Il s’en sortit bien, avec seulement une estafilade au bras et le souffle coupé.
Rassuré sur l’état de santé de ses hommes, Minos se rapprocha du petit autochtone, suivi par Vilinder. Ce dernier portait une sacoche dans laquelle il avait entassé du matériel de premiers soins avant leur départ de Drisaelia. Avant sa mort, c’était le capitaine Valieri qui faisait office de « guérisseur » pour l’équipage, et Vilinder, bon marin mais piètre combattant, avait décidé de lui-même de reprendre le flambeau, autant en hommage à son oncle défunt que pour prouver son utilité à ses compagnons et à son nouveau chef. Il avait passé pas mal de temps avec les guérisseurs pendant leur dernière longue escale afin d’en apprendre plus sur leur art.
Le petit autochtone, sérieusement blessé à la jambe, ne devait pas mesurer plus d’un mètre cinquante. Grimaçant de douleur, il avait des yeux fiévreux sous des cheveux noirs en bataille, et une peau aussi grise qu’un nuage d’orage. A l’approche des deux pirates, il se mit à parler, ou plutôt à émettre des sons, surtout composés de sifflements. Minos s’arrêta, interdit. Il prononça quelques mots en langue Seitranne puis, face au manque de réaction de l’autochtone, en langue Aiger. Il n’eut pas plus de succès.
C’est pas vrai, se dit-il. On le sauve pour avoir un guide et savoir où on a mis les pieds, et on ne va même pas réussir à communiquer avec lui ! Qu’est-ce que c’est que ce pays de merde ?
Les terres de Dilats étaient occupées par deux peuples principaux : les Aiger au nord et les Seitrans au sud, avec chacun son langage. Avec l’émergence des royaumes, huit siècles auparavant, des particularismes locaux avaient vu le jour, donnant naissance à de nouvelles langues, toutes dérivées des deux langues originelles. Ces dernières étaient tout de même restées dans l’usage, sous les vocables de « ancien Aiger » et « ancien Seitran », et permettaient de se faire comprendre : partout où vous alliez, la barrière des langues n’existait donc pas. C’était du moins ce que Minos, comme les autres, avait toujours cru…jusqu’à ce jour. Le petit être ne semblait ni Aiger ni Seitran, et cet imbécile ne semblait jamais avoir entendu parler du tronc commun des langues traditionnelles.
Carolas parla à l’être dans sa langue Aiger secrète, en vain, ce qu’avait déjà deviné Minos, connaissant la langue et ayant déjà constaté qu’elle ne ressemblait en aucune manière aux sons émis par le blessé, mélange de sifflements et de pépiements.
L’autochtone regarda Vilinder avec méfiance pendant que celui-ci cherchait dans sa besace de quoi nettoyer ses plaies. Le jeune pirate épongea le plus doucement possible le sang s’écoulant de la blessure, puis voulut y mettre un onguent à usage désinfectant. Mais le blessé lui arracha brusquement le pot de terre des mains, huma son contenu et secoua la tête en faisant une grimace éloquente. Il rendit le pot à Vilinder puis désigna du doigt un coin de la clairière. Il prononça des paroles inintelligibles mais sur un ton exprimant clairement sa frustration. Il attrapa quelques brins d’herbe dans sa main, regarda les pirates en secouant la tête et lâcha les brins. Il attrapa une petite fleur bleue et recommença son manège. Il désigna ensuite à nouveau le fond de la clairière.
– Hum, fit Vilinder, il doit y avoir une plante capable de le guérir dans le coin là-bas.
– C’est génial, râla Minos. On s’est tapé des semaines de voyage pour venir cueillir des fleurs !
Il ordonna tout de même à son équipage d’amener des échantillons de la flore au petit être gris, qui trouva son bonheur au bout de dix minutes de recherches. La plante qu’il voulait était une petite fleur blanche. Il en mâcha plusieurs, longuement puis, quand elles furent réduites à l’état de pâte, il les apposa sur la plaie béante de sa jambe. Vilinder l’imita et la blessure fut bientôt entièrement recouverte de la pâte blanche. Il farfouilla ensuite dans les plis de sa tunique et en sortit un bout de tissu plié, duquel il extirpa une pointe métallique extrêmement fine dotée d’un chas, ainsi qu’un fil qui ressemblait à du nylon. Vilinder détourna les yeux, le cœur au bord des lèvres, quand le blessé se mit à recoudre la plaie sans trembler, mais les dents serrées et le visage cramoisi.
Pendant ce temps, Garolddé et Telmas taillèrent quelques branches afin de fabriquer une civière rudimentaire, pour transporter le blessé. Mais là encore, il secoua la tête avec conviction, puis fit semblant de vouloir se mettre debout.
– Il commence sérieusement à me taper sur les nerfs, cet abruti primitif ! rugit Minos. Il nous prend pour ses larbins, ou quoi ?
– Du calme, Wintrop, tempéra Garolddé. Je n’en ai pas pour longtemps à lui bricoler des béquilles.
– Je vais lui faire une attelle, renchérit Vilinder.
– Et moi lui ôter la tête de ses épaules si vous ne vous grouillez pas !
Il tourna les talons et marcha résolument vers Parnos, qui soupira : Minos allait encore passer ses nerfs sur lui, pour changer. Mais il s’aperçut avec étonnement que son jeune maître voulait juste s’enquérir de la gravité de sa blessure au bras. Parnos le rassura en lui montrant la longue mais peu profonde estafilade qu’il avait récolté. Vilinder et Garolddé ne tardèrent pas à finir leurs préparatifs.
– Nous sommes prêts, Wintrop, lança Vilinder.
Ils se regroupèrent tous et Minos constata que le petit homme se débrouillait très bien avec ses béquilles. A croire que ce n’était pas la première fois qu’il en utilisait.
– Bon, on va suivre ce petit bonhomme et voir où il nous amène. Avec un peu de chance, on tombera sur quelqu’un qui sait vraiment parler, fit Minos.
Parlant avec les mains, il demanda à l’autochtone vers quelle direction ils devaient aller. Celui-ci n’hésita pas une seconde et replongea vers la jungle, l’équipage sur les talons. Ils marchèrent deux heures de plus, à nouveau assaillis par les moustiques, trempés de sueur, et subirent deux fois des averses, sous forme de trombes d’eau qui ne durèrent à chaque fois que quelques minutes, mais qui suffirent amplement à les tremper intégralement en quelques secondes. Personne n’émit de plainte : le moral en berne, ils avançaient lentement et lourdement, chaque pas plus difficile à faire que le précédent.
Enfin, et alors que Minos allait décréter une halte jusqu’au lendemain, l’autochtone finit par s’arrêter en haut d’une crête et fit signe aux pirates de rester en arrière, ou cachés. Intrigué, Minos s’approcha et fut soufflé par la vue qui s’offrait à lui.
A une cinquantaine de mètres devant eux, en contrebas, la jungle prenait brusquement fin, avant de laisser place à un no man’s land caillouteux qui menait à une crevasse. Celle-ci, large d’une vingtaine de mètres et dépourvue de toute végétation sur ses bords, coupait la jungle en deux, telle une profonde et gigantesque cicatrice. De la position qu’ils occupaient, ils pouvaient repérer toute personne sortant de la jungle, de ce côté du ravin comme de l’autre, à des dizaines de mètres alentours. Tout comme eux pouvaient être repérés s’ils quittaient la végétation luxuriante qui les cachait.
L’autochtone tapota l’épaule de Minos et lui montra quelque chose que le jeune pirate n’avait pas encore remarqué : un pont de lianes et de planches de bois, qui enjambait le précipice. Baissant la tête vers le petit être, Minos haussa un sourcil, l’air de dire « c’est une plaisanterie ? », mais l’autre hocha la tête avec solennité.
– Je hais cet endroit. Quel est l’imbécile qui a décidé de nous amener ici ? marmonna le chef pirate entre ses dents.
–Bon, les gars, on va traverser, annonça-t-il à ses hommes, qui s’étaient regroupés derrière lui. Et je fends le crâne du premier qui me dit qu’il a le vertige. Ça commence à bien faire, cette histoire. On vient ici chercher des géants, qui sont censés être des Drotites, et on tombe sur une espèce de nabot gris à qui tu ne fais même pas peur, Kraeg. Je ne voudrais pas être pessimiste, gros tas de graisse, mais j’ai bien l’impression que ce type n’a jamais rencontré personne de ta stature avant aujourd’hui. Ce qui voudrait dire que ton peuple n’est pas d’ici.
Kraeg approuva en hochant la tête. Il était parvenu aux mêmes conclusions que son chef mais aucune déception ne se lisait sur son visage, aussi impassible qu’à l’accoutumée.
– Si nous n’avons plus rien à faire ici, pourquoi continuer à avancer ? demanda Carolas d’une voix lasse. Autant rentrer et trouver quelques navires marchands à piller sur la route du retour.
Minos fit taire d’un ton sec les murmures d’approbation qui suivirent les paroles de l’Aiger.
– Hors de question, du moins pas maintenant. Je ne partirais pas sans avoir vu quelque chose qui vaut le coup d’œil. On va aller où nous emmène Nabot Gris, en espérant que ce soit un endroit accueillant et qu’on y rencontre du monde, parlant Aiger ou Seitran de préférence. Avec un peu de chance, on aura au moins le droit à une récompense pour l’avoir sauvé.
Mal à l’aise de s’avancer à découvert, ils quittèrent le couvert de la jungle, à la suite du petit être. Leur guide paraissant assez serein, Minos ne s’inquiéta pas particulièrement d’une éventuelle attaque.
Ils firent halte devant le pont d’apparence fragile. L’autochtone sembla prendre conscience qu’il lui serait impossible de le franchir : les planches qui le composaient étaient trop mal assemblées pour qu’il puisse s’y engager avec ses béquilles. Il se tourna vers les pirates et se lança dans un long discours, bien sûr incompréhensible.
– Il ne pourra jamais passer, constata Parnos.
– Mouais, fit Minos, il va falloir le porter. Kraeg, charge-t’en. – Le poids du petit gars ajouté à celui de Kraeg risquent d’avoir raison de la solidité du pont, fit remarquer Garolddé.
– On tente quand même le coup, décida Minos. Attrape-le, Kraeg, et fais comme si tu allais t’engager sur le pont. Je pense que s’il a des doutes sur la conception de ce truc, il nous le fera savoir.
Ainsi fut donc fait : l’homme comprit la procédure et n’opposa aucune résistance quand Kraeg le souleva aussi facilement qu’une plume. Il ne semblait pas troublé par le problème éventuel de leur poids conjugué. Ils franchirent le pont sans problème, bientôt suivis par les autres, rassurés. Seul Telmas hésita longuement avant de s’engager. Quand il eut rassemblé son courage, il s’avança, couvert de sueur et les dents serrées, mais s’arrêta après avoir traversé la moitié du pont. Carolas le rejoignit pour le soutenir et l’encourager, et ils finirent par arriver à leur tour de l’autre côté, Carolas soulagé, Telmas blême et tremblant. Minos ne fit aucun commentaire mais donna une petite tape amicale sur l’épaule de Telmas.
La route fut beaucoup plus aisée dans cette partie de la jungle, car ils débouchèrent très vite sur un sentier, sur lequel ils purent avancer rapidement, d’autant qu’il descendait en pente douce vers le fond d’une vallée. Après seulement quelques minutes de marche, l’espace autour d’eux se dégagea, et ils découvrirent la cité.

Elle se composait d’imposantes habitations de forme rectangulaire, avec de grandes fenêtres rondes et d’immenses portes surmontées d’arcs en plein cintre. Au-dessus des plus grosses, d’autres plus modestes avaient été érigées, parfois sur plusieurs étages : elles donnaient l’impression d’avoir empilées les unes sur les autres, un peu n’importe comment. Des échelles de bois les reliaient entre elles. Elles avaient la même couleur que le sol ocre, mais sur les murs de chacune brillaient des pierres vertes disposés en motifs géométriques, surtout composés d’entrelacs de toute beauté.
Des émeraudes ? se demanda Minos, les yeux brillants de convoitise. Le voleur qui sommeillait en lui ne pouvait rester insensible à une telle perspective : s’il y avait tant d’émeraudes chez ces êtres, ils allaient bien trouver un moyen d’en grappiller quelques-unes.
En attendant, il n’était pas question de faire le moindre faux pas, c’est pourquoi lui et ses hommes s’arrêtèrent à la lisière de la cité, laissant l’homme qu’ils avaient sauvé rejoindre les siens, au demeurant forts nombreux. La cité grouillait et fourmillait de ces drôles de petits êtres gris, tous minces, pourvus de pommettes hautes et de petits yeux enfoncés dans leurs orbites. Ils n’avaient ni cheveux ni sourcils. Minos identifia facilement les femmes locales car, alors que les hommes portaient des pantalons et des chemises bouffants, souvent de couleur sombre, elles portaient des robes dans les mêmes tons. Il remarqua ensuite que leurs traits étaient plus doux que ceux des hommes, qui étaient très durs et pointus. Le contraste était saisissant entre la taille des habitations et celles des habitants : les maisons étaient trop grandes pour un tel peuple. A vrai dire, il l’aurait même été pour des humains : toutes les ouvertures mesuraient environ trois mètres de haut. Soit ce peuple avait la folie des grandeurs, estima Minos, soit il occupait une cité bâtie par des occupants précédents. Peut-être avaient-ils tout de même trouvé les origines du peuple de Kraeg ?
Les retrouvailles entre leur guide et son peuple furent sobres : des guerriers, facilement identifiables à leurs arcs passés aux épaules et aux fines épées droites pendant à leurs ceintures, vinrent poser tour à tour leur main sur son épaule, en silence, sans la moindre émotion apparente. Puis ils entourèrent les pirates, sans pour autant prendre d’attitude menaçante. A vrai dire, personne ne semblait effrayé par l’apparition des humains, même si beaucoup s’étaient arrêtés pour les observer. Ils paraissaient curieux, et Minos crut même lire sur le visage de certains d’entre eux de la satisfaction.
– Sacré bande de joyeux drilles, siffla Parnos.
– J’espère qu’ils ne sont pas carnivores, s’interrogea Vilinder à voix haute.
– Si c’est le cas, ils ont de quoi faire un sacré gueuleton, grimaça Garolddé.
– Ce n’est pas un problème : on leur laissera Kraeg, ils auront à manger pour une semaine entière, dit perfidement Minos. Parn, les trucs verts qui brillent sur leurs murs, c’est bien ce que je crois ?
– Je veux bien être pendu à Endaïlé si ce ne sont pas des émeraudes, Wintrop.
– C’est ce qu’il me semblait. Finalement, je sens que cette balade va me plaire.
– Sauf s’ils décident de nous traiter en ennemis, dit Carolas en désignant les petits autochtones armés qui s’avancèrent pour les encercler.
Leur guide revint, clopinant toujours sur ses béquilles, et leur fit signe de le suivre. Ils se dirigèrent vers le plus grand ensemble de maisons superposées, et dont l’entrée était surveillée par une dizaine de gardes. Ils ne firent pas un geste pour les empêcher d’entrer. Ils suivirent un long couloir, où il faisait agréablement bon : il ne devait pas y faire plus de vingt degrés, soit la moitié de la température extérieure. Sur les murs couraient des fresques, là aussi d’émeraudes, encore plus magnifiques que celles de l’extérieur. Au bout du couloir, ils entrèrent dans une vaste salle, dont le plafond culminait à plus d’une dizaine de mètres au-dessus de leurs têtes. En plus des multiples fenêtres rondes qui perçaient les murs, de nombreuses torches accrochées aux murs apportaient de la lumière, et des braseros posés sur le sol achevaient d’éclairer l’endroit de manière convenable.
Les pirates furent ébahis par ce qu’ils virent. Les entrelacs et les frises couraient du sol au plafond inclus, et les pierres qui les formaient étaient de toutes les couleurs, même si le vert des émeraudes prédominait. Ils eurent un aperçu de toutes les pierres précieuses existant à la surface de Dilats : grenats et rubis écarlates, diamants transparents, opales aux couleurs de l’arc-en-ciel, saphirs bleus, topazes de différentes couleurs, et d’autres encore qu’aucun membre du groupe ne put identifier sur le coup.
Le sol était recouvert de tapis aux motifs complexes. Contre le mur qui leur faisait face, ils virent une estrade de gros blocs de pierre lisse translucide, sur laquelle trônait un vaste de siège taillé dans la même matière. Son dossier était surmonté d’une statue finement travaillée, représentant une panthère. Ce trône royal semblait conçu pour accueillir un homme de la stature de Kraeg. Mais en attendant, c’était un autochtone qui y siégeait fièrement. Si l’homme voulait impressionner, l’effet était raté : on aurait dit un enfant assis sur le siège d’un adulte. Sa mince silhouette était voûtée mais son port était altier. Ses yeux, perçants et inquisiteurs, luisaient de vivacité et d’intelligence. Sa peau était flétrie et comme décolorée par endroits, et parsemé de petites taches noires. Autour de son estrade, Minos compta entre vingt-cinq et trente gardes.
Leur guide fit signe aux humains d’avancer, et lui-même ne s’arrêta qu’au pied de l’estrade. Il leva alors les yeux vers le vieil être qui lui faisait face et sans préambule ni salut se lança dans un long discours dans sa langue sifflée et pépiée. Le vieil être ne bougea pas d’un cil et n’émit pas le moindre son pendant tout le temps que le blessé parla, et Minos en vint à douter qu’il soit vivant.
Pourtant, il prit la parole, d’une voix profonde et rocailleuse qui contrastait fortement avec son apparence si fragile. Et les pirates n’étaient pas au bout de leurs surprises : l’homme s’exprimait en ancien Seitran, avec certes un fort accent, mais de manière parfaitement compréhensible.
– Je vous souhaite la bienvenue sur mes terres, voyageurs lointains. Je suis JyaSang Pow. Recevez mes remerciements pour avoir sauvé la vie du plus jeune de mes fils, LozaTing Etral.
– Grand merci pour cet accueil, seigneur, fit solennellement Minos, se remettant rapidement de sa surprise et s’inclinant profondément. Mon nom est Wintrop, et c’est un grand honneur pour mes compagnons et moi-même de vous rencontrer.
Ses compagnons en restèrent bouche bée : leur chef, si souvent acariâtre et à l’humeur explosive, ne les avait pas habitué à faire montre d’une telle civilité, qui n’aurait pas déparée à la Cour d’un roi. Seul Parnos esquissa un sourire discret.
– Il y avait longtemps que nous n’avions pas reçu la visite de Seitrans et d’Aiger. Oui, fort longtemps. De quelles contrées lointaines êtes-vous originaires, étrangers ?
– Je viens de Lul, tout comme Parn et Garolddé, répondit Minos en désignant son serviteur qui s’inclina à son tour.
– Nous sommes Telmas et Carolas, natifs du Brodenas, dirent les Aiger.
– Je suis Vilinder, né dans les vastes plaines centrales du Verond.
– On m’appelle Kraeg ; je viens du Madron, mais je ne connais pas mes origines.
Saug n’osa pas parler et se fit tout petit, caché derrière l’une des jambes de Kraeg.
– Je suis enchanté de faire votre connaissance. Nous allons festoyer pour fêter votre arrivée.
Il siffla quelques mots à ses hommes, et une agitation s’ensuivit. En quelques instants, de longues tables basses de bois brun furent disposées en carré, et des coussins furent placés tout autour. Deux gardes rejoignirent leur chef et l’aidèrent à s’extirper du trône monumental. Il s’appuya sur eux tandis qu’ils l’escortaient jusqu’aux tables. Il s’assit péniblement sur un coussin et fit signe à ses invités de se placer à sa gauche. Une vingtaine d’autochtones entrèrent à leur tour et s’assirent à leur tour, à droite et en face du vieux chef. Tandis que des serviteurs apparaissaient avec des plateaux contenant des mets variés, viandes, poissons, fruits, légumes, et d’autres que les humains ne parvinrent pas à identifier, ainsi que des carafes transparentes remplies de liquides de diverses couleurs, Minos reprit la parole.
– Puis-je m’enquérir, monseigneur, de ce qui nous vaut tant d’honneur ?
Le vieux chef éluda la question et en posa une à son tour.
– Pourquoi pensez-vous être venus en ce pays, étrangers ?
– Nous faisons de l’exploration, et cherchons à déterminer les origines de Kraeg, que voilà. Des rumeurs faisaient état de géants vivants dans une contrée nommé pays Drotite, et d’autres rumeurs nous ont laissé entendre que ce pays se trouve ici même.
– Vous avez raison sur les deux points, jeune Seitran. Vous êtes en effet dans le pays Drotite, et il a été autrefois peuplé par des géants, dont le plus grand chef était connu par les miens sous le nom de TelEpe Ter. Mais lui et son peuple ont quitté ces terres il y a des centaines d’années déjà, et je serais bien en peine de vous indiquer où ils se trouvent aujourd’hui. Il n’y a plus que nous désormais ici, le peuple Uzaï.
Minos surprit dans le regard de Kraeg une lueur de mélancolie et de déception, mais le géant ne dit rien.
– Où avez-vous appris à parler l’ancien Seitran ? reprit-il.
– Ici même, jeune homme, auprès d’une colonie seitranne qui avait trouvé refuge à nos côtés il y a quelques décennies.
– Des Seitrans, ici ? Vraiment ?
– Oui. Ils fuyaient une guerre civile et ont vécu plus de vingt ans avec nous.
– Et où sont-ils allés ensuite ?
– Ils sont rentrés chez eux, quand des émissaires de leur royaume d’origine sont venus les chercher.
– Cela se serait-il passé il y a trente-huit ans ? s’enquit Parnos.
– En effet, mon ami.
– Incroyable ! Alors c’est ici que Nielda et sa suite ont trouvé refuge, jusqu’à ce que les Enkars viennent chercher Tarlammé pour le mettre sur le trône de Lul ?
– C’est exact. Je vois que vous connaissez l’histoire de votre pays.
Parnos résuma brièvement cette histoire à ses compagnons. Le roi Narvvé de Lul était monté sur le trône en 724, âgé de vingt-cinq ans. Il était considéré, avant même son accession au trône, comme un homme cruel et incompétent. Certains affirmaient même qu’il avait des tendances paranoïaques. Il avait une sœur, la princesse Nielda, qui était au contraire aussi appréciée qu’on se méfiait de son frère, à tel point qu’une partie de la noblesse du pays l’auraient bien vu occuper le trône. Consciente des problèmes que cela pouvait amener sur le pays, Nielda avait choisi un exil sans retour, avec des fidèles. Elle partit pour une direction qui fut tenue secrète. Narvvé put alors régner sans partage, mais il le fit également sans éclat ni honneur. Lul périclita et prit le chemin du déclin. Quand il mourut, en 747, il n’avait pas d’enfant pour lui succéder, et tous les représentants de la noblesse comptant des ancêtres issus de la famille royale firent valoir leurs droits au trône. Mais leurs prétentions passaient après celles de Nielda ou de ses éventuels descendants, aussi les Enkars, corps d’élite de l’armée du pays et garde royale, reçurent pour mission d’en avoir le cœur net. Leur quête dura quatre ans, et ils revinrent avec le fils de Nielda, Tarlammé, dont la mère était morte. Il fit un roi acceptable pour le pays, et quand il mourut à son tour, une douzaine d’années auparavant, son fils Darssé devint roi, et l’était toujours à ce jour.
– En venant ici, ajouta JyaSang Pow, les Enkars ont sauvé mon peuple d’un danger mortel, face auquel nous aurions disparu sans leur aide. C’était des guerriers exceptionnels, des Seitrans, des Aiger et d’autres êtres que je n’avais jamais rencontré jusque-là. Tout comme vous aujourd’hui. A mes yeux, cela ne peut pas être une coïncidence.
– Que voulez-vous dire par là ? s’enquit Minos.
– Les Enkars pensaient être venus pour retrouver leur reine, mais je fus alors persuadé que c’était nos dieux qui les avaient envoyé jusqu’à nous. Alors que nous n’avions plus aucun espoir de survivre, ils nous ont sauvé. Aujourd’hui, mon peuple est à nouveau menacé d’extinction. Mes nombreuses prières à nos dieux tutélaires ont été entendues, puisque vous voilà. Je vous l’ai dit, cela ne peut pas être une coïncidence. Vous croyiez être ici pour en apprendre plus sur les géants, mais moi j’affirme que vous êtes là pour sauver le peuple Uzaï d’une destruction certaine.