Seqeral et Delental prirent Jemril à part pour tenir un conseil de guerre.
L’ancien forgeron de Venel dit :
– Je suis ravi que tu aies changé d’avis, Jemril. Avec toi à notre tête, nous allons pouvoir rallier tous les partisans dispersés d’Osterren et marcher sur Tilmand. Nous allons ramener la paix sur notre pays !
– Pas question, rétorqua Jemril.
– Tu veux dire que tu ne nous as fait venir que pour sauver ta peau ? demanda Seqeral d’un ton sec.
– Parle-moi sur un autre ton, vieux débris.
Le vieux débris en question se crispa sur sa selle : le général qu’il était, guerrier de toute une vie, n’aurait pas eu le moindre mal à briser la nuque de Jemril s’il l’avait voulu.
– Seronn, Vhondé, venez nous rejoindre ! cria Jemril.
– Mais… tu l’as dit toi-même, cette fille est princesse du Lacteng, c’est une ennemie mortelle ! s’étonna Delental.
– Elle ne l’est plus, elle a été répudiée par son père. C’est ce qui fait qu’elle peut nous servir aujourd’hui, en tant qu’alliée.
Dès que ses deux amis les eurent rejoints, il reprit :
– Aucun de nos agissements ne sera caché à mes compagnons, est-ce clair ? Delental ? Seqeral ?
Les deux généraux acquiescèrent du bout des lèvres, renfrognés.
– Bien, nous allons pouvoir avancer. Mener une guerre ne m’intéresse pas, d’autant que je n’ai pas les compétences stratégiques et tactiques qu’il faut pour aller avec.
– Je ne suis pas d’accord, intervint Seqeral. Comme d’habitude, tu caches ton jeu, Jemril.
– Je crois surtout que tu me surestimes, Seqeral. Et puis je déteste la politique…
– Qu’est-ce que tu comptes faire, alors ? demanda Delental.
– Je veux que vous envoiyez des éclaireurs dans tous les villages des micro-royaumes. Je veux que tous les partisans d’Osterren partis en exil se regroupent autour de nous. L’heure du retour de la Légion Mauve a sonné !
– Je ne comprends pas, fit Seqeral. Tu veux que notre armée se remette en ordre de bataille mais tu ne veux pas marcher sur notre capitale. Si tu as l’intention de m’adouber – ou Delental – en tant que Général en Chef pour succéder à Osterren, sache que ça marcherait pas : nous ne sommes ni l’un ni l’autre assez connus, assez charismatiques pour être aveuglément suivis par notre peuple. Toi seul peux remplir ce rôle aujourd’hui, Jemril !
– Faux, tu oublies le plus important. Dis-leur ce qu’il en est d’Osterren, Seronn.
Tous se tournèrent vers le Lactengais. Assis en tailleur dans l’herbe, il était occupé à composer un bouquet de petites fleurs en sifflotant doucement.
– Seronn, fils d’imbécile ! Debout, viens ici tout de sutie ! fulmina Jemril.
– J’arrive, mon ami. Veuillez me pardonner, je suis comme Jemril : je ne m’intéresse guère à la politique, avoua-t-il avec un sourire contrit.
Les yeux de Jemril lancèrent des éclairs et Vhondé réprima un sourire en voyant les têtes offusquées de Delental et Seqeral.
Jemril respira profondément pour se calmer, et dit :
– Répète-leur ce que tu m’as dit à propos d’Osterren.
– Je l’ai rencontré il y a quelques mois. Un homme au demeurant fort sympathique, et qui a vécu des aventures formidables. Il m’a raconté qu’un jour, il a…
– On s’en moque, coupa Jemril. Nous connaissons tous ses exploits, nous y avons assistés. Viens-en au fait, parle-nous de ce qui lui est arrivé !
– Il a été fait prisonnier par un gardien des eaux, dans le lac de Genied. Il n’a eu que le temps de me faire monter à cheval et de le lancer au galop pour me mettre en sécurité. Il a ensuite affronté le gardien… mais tous deux ont disparu dans les profondeurs.
– Qu’est-ce qui nous prouve qu’il est en vie ? Après tout, le gardien aurait tout aussi bien pu se contenter de le noyer, fit remarquer Seqeral.
– Je ne pense pas, reprit Seronn. Juste avant de l’emmener sous l’eau, le gardien lui a dit qu’il avait besoin de lui en tant qu’otage.
– Mais dans quel but ? demanda Delental.
Seronn haussa les épaules, et Jemril reprit la parole.
– Donc voici le plan : direction le lac de Genied pour libérer Osterren. Tous ses partisans doivent s’y rendre. Une fois libéré, il reprend la tête du pays et la paix revient. Des questions ?
– Quel que soit notre nombre, nous serons impuissants à combattre un gardien des eaux, observa Seqeral. Pour cela, nous avons besoin du concours d’un mage.
– Tu en as un sous le coude ? demanda Jemril.
– Non. J’en ai rencontré plusieurs au cours de ma vie, mais j’ai beau me creuser la cervelle, je n’en vois aucun susceptible de nous aider.
– Bon. Pendant que nous allons là-bas, vos hommes qui rassembleront l’armée auront également pour mission de nous dénicher un mage maîtrisant l’élément Eau. Au travail ! Osterren nous attend !