chapitre XV

Tel’Ay Mi-Nag s’empara du sabrolaser de Dark Glaro. Avec celui qu’avait porté Séis, sa collection s’agrandissait. Ne lui manquait que le plus important symbole des héritiers de Dark Bane : le propre sabrolaser de Dark Omberius.
Alors et alors seulement, la vengeance de Maal Gami, la rédemption de Tel’Ay Mi-Nag seraient accomplies.

– Tu vas bien ? demanda-t-il à Anaria qui se relevait en grognant.
– Parfaitement, grommela-t-elle.
Une explosion retentit et la pièce fut secouée d’un tremblement violent. Tous deux se retrouvèrent à terre.
– Qu’est-ce que…
– Il faut fuir, Tel’Ay ! Ce sont sûrement les forces de la République qui sont passées à l’assaut !
– Sss… il serait dommage de se faire tuer par nos alliés de circonstance, en effet, énonça-t-il en se remettant sur ses pieds.
Il se dirigea vers la porte mais, après avoir jeté un coup d’œil à sa compagne, s’arrêta et lui dit :
– Je t’en prie, passe devant.
Ce qu’elle fit en ricanant.

Elle fila comme l’éclair, n’hésitant jamais quand ils arrivaient à des embranchements. Tel’Ay avait du mal à suivre le rythme que les longues jambes de la Wookiee imposaient. Les secousses à bord se multipliaient, signe que les forces républicaines mettaient le paquet pour détruire le vaisseau-amiral ennemi.
Quand Tel’Ay entendit une explosion derrière lui, et qu’il en sentit le souffle brûlant dans son dos, il comprit que le temps risquait fort de leur faire défaut.
– Plus vite, Anaria, plus vite ! beugla-t-il.
Elle s’arrêta au contraire brusquement, au sortir d’un coude. Le Skelor la rejoignit et fronça les sourcils face au spectacle de désolation qui leur faisait face : les parois étaient déchiquetées, des câbles pendaient du plafond disjoint, et des bouts de métal en fusion parsemaient la coursive, trop déformée pour être empruntée.
Ils échangèrent un regard indécis. Tel’Ay se tint coi. Le temps des sarcasmes ou des reproches était révolu. Seule Anaria pouvait leur trouver une issue, et tous deux le savaient.
Anaria réfléchissait furieusement, et finit par faire demi-tour au pas de course, après avoir fait signe à Tel’Ay de la suivre.

Une fois de plus, Tel’Ay était confronté à ses limites. En cet instant précis, il n’avait pas le contrôle direct de sa survie, et devait s’en remettre à sa compagne. Il se jura solennellement que ce serait la dernière fois. Il était un seigneur Sith. À ce titre, il ne devait compter que sur ses propres aptitudes.

Pour Tel’Ay, les coursives se ressemblaient toutes, mais Anaria parvint bientôt à retrouver un chemin vers le hangar principal du vaisseau.
Une explosion déforma soudainement le sol sous leurs pieds. Une partie des panneaux métalliques qui le composaient s’affaissa, entraînant Anaria dans la déchirure béante qui s’était formée. Le Skelor ne put réagir à temps pour la sauver.




***

La fumée se dissipait lentement autour de ce qui avait été la porte de la passerelle. Il n’en subsistait rien. Gok’Ar, l’officier de sécurité qui assistait Tel’Ay, caché derrière une console sur la passerelle, lâcha Ver’Liu, qu’il avait entrelacé pour lui offrir un rempart de protection dès la première explosion contre la porte. Il sortit son blaster de son étui et releva prudemment la tête.
Deux formes apparurent progressivement devant ses yeux : le jeune ami humain de Tel’Ay, Marton Karr, penché sur un petit être verdâtre vêtu d’une toge de Jedi.

Marton Karr avait rejeté la voie des Jedi, mais des sentiments contradictoires l’agitaient à la vue du Maître Yoda, inerte à ses côtés. Il avait du mal à croire qu’un tel être, véritable légende vivante, puisse mourir.
Marton était épuisé et son corps tremblait comme une feuille agitée par le vent. Étrangement, alors que l’Ordre Jedi l’avait rejeté, il avait envie de voir Yoda survivre. Sa perte serait par trop immense pour la galaxie, même s’ils n’appartenaient plus au même camp.
Mais que pouvait-il faire pour aider le Maître ? Il n’avait pas de compétences de guérison, et son niveau de perception de la Force avait toujours été considéré comme étant marginal par l’Ordre.
Il apposa ses mains sur Yoda, et se connecta à la Force. Effort épuisant, après tout ce qu’il avait enduré récemment, mais il se força à le maintenir. Et maintenant ? Imiter le geste des guérisseurs était une chose, mais posséder leur savoir en était une autre.

Pourtant, il sentit bientôt un changement chez le Maître. Bien qu’il semblât inanimé, la Force était encore présente en lui, et une certaine connexion s’établit entre eux. La Force de Yoda semblait savoir que faire de celle de Marton, et le jeune humain sentit sa puissance être comme absorbée par le petit être vert.
Il retira ses mains, troublé. Lui-même était épuisé et blessé. Se pouvait-il qu’il courre le risque de mourir en transférant des forces vitales à Yoda ?
Il décida que l’existence d’un Maître Yoda était plus importante que celle d’un Marton Karr et, déterminé, reposa ses mains sur le Jedi. Le processus de transfert d’énergie se remit en route, et Marton dut mobiliser sa volonté pour rester en position, alors que ses instincts primaires lui criaient qu’il était en train de se faire voler son énergie, de se faire vampiriser. Pouvait-il en mourir ? Ou Yoda saurait-il s’arrêter à temps… Si le Maître avait été éveillé, Marton aurait su que oui, mais là… c’était comme si le corps de Yoda avait pris le relais de son esprit inconscient. Un corps en quête de survie, livré à lui-même, était-il lié aux contraintes morales de son utilisateur ?


***

Quand Tel’Ay arriva au bord du vide, il s’attendit à ne voir qu’un trou béant. Quelle ne fut pas sa surprise en constatant qu’Anaria avait survécu. Elle était empalée sur l’un des nombreux pitons métalliques et saillants qui émergeaient de la paroi verticale déformée, dix mètres plus bas. Une nouvelle explosion manqua de le faire la rejoindre, mais il put s’agripper au dernier moment.
Anaria ouvrit les yeux, vit le Skelor et lui enjoignit de fuir.
– Pas sans toi, répondit-il imperturbable.
Derrière cet altruisme apparent se cachait surtout le fait que Tel’Ay était persuadé de n’avoir aucune chance de s’en sortir sans elle.
Anaria avait été empalée sous l’épaule, à ce que vit Tel’Ay. Il alluma son sabrolaser, prêt à sauter pour la rejoindre et à se servir de sa lame pour s’accrocher à une paroi, avant de se reprendre. Qu’était-il donc en train de faire ? Il était un Maître Sith, et n’avait nul besoin de s’en remettre à son agilité et à son sabrolaser.
Il remit son arme à sa ceinture, et se concentra, les yeux fermés. Il ne fut plus qu’un avec le corps d’Anaria, avec le piton qui le retenait prisonnière, avec l’air qui circulait entre eux.
Anaria émit un hoquet de surprise quand son corps échappa à son contrôle, soulevé vers le haut, lentement. C’était comme si un filet invisible la soutenait, presque tendrement. Elle serra les dents pour ne pas hurler, au fur et à mesure que son corps s’élevait et que le piton métallique raclait les bords de sa blessure. Mais elle fut bientôt libérée, et continua à s’élever, jusqu’à la position de Tel’Ay. Celui-ci n’ouvrit les yeux que quand sa compagne se retrouva debout à ses côtés.
– Bon, on y va ? lança-t-il, impatient de fuir et désireux de couper court à toute forme de remerciement.
Elle acquiesça de la tête, et totalement indifférente à sa blessure, prit son élan et sauta par-dessus le vide, le Sith sur les talons.


***

Marton Karr avait l’impression d’avoir été vidé de toutes ses forces quand il fut comme relâché. Il s’affaissa aux côtés de Yoda qui, lui, se redressa en tremblant. Ver’Liu et sa suite les entouraient, indécis quant à la conduite à tenir.
– Fuir nous devons, affirma Yoda d’une voix incertaine. Peu de temps résistera le vaisseau.
Il fit signe à Gok’Ar d’emporter Marton et ils se mirent à courir à travers les coursives, à un rythme que Ver’Liu jugea trop lent. Mais il ne se sentait pas le cœur à rabrouer le Maître Jedi. Celui-ci avait fait tout son possible pour lui venir en aide, et Ver’Liu avait pleinement conscience que les tragiques événements n’étaient dus qu’à sa soif de vengeance. Il s’était perdu en chemin sur la route qui menait au trône, et il avait lui-même balayé ses convictions de dirigeant altruiste, dans un moment d’égarement et d’égoïsme…
Yoda tentait de s’orienter, mais ses forces l’abandonnaient à nouveau. Sans Marton, il serait mort à l’heure qu’il était. Mais le Maître était doté d’une volonté de transparacier, et refusait que les efforts de l’ancien Padawan aient été accomplis en vain. Il était fermement décidé à les sauver tous.
Les explosions qui retentissaient de plus en plus souvent, toujours plus proches, ainsi que les alarmes qui beuglaient, semblaient le narguer, comme si elles lui affirmaient qu’il ne réussirait pas. Il n’en avait cure. Il connaissait parfaitement ce type de croiseur et savait où se trouvaient les hangars à vaisseaux.


***

Tel’Ay fut soulagé qu’Anaria se montrât capable de les guider jusqu’au hangar, mais ce qu’il vit à travers le bouclier de rétention d’air le fit frissonner. Les renforts républicains étaient arrivés, mais plutôt que de fuir, les forces d’Omberius se consacraient exclusivement à une seule cible : le Malashli, vaisseau-amiral de Ver’Liu. Elles semblaient se moquer de leur propre survie et n’avoir qu’un seul but : débarrasser la galaxie de l’encombrante présence du souverain proclamé des Skelor.

Il empoigna son comlink et composa fébrilement la fréquence de Tchoo-Nachril.
– Yoda ?
– Occupé, je suis. Soyez bref !
– Où êtes-vous ?
– Toujours à bord du Malashli. Avec Ver’Liu, sa suite et votre élève.
– La flotte d’Omberius vous a pris pour cible prioritaire. Fuyez le plus vite possible !
– Nous y efforcer, nous tâchons.
– Je suis à bord du vaisseau-amiral ennemi. Anaria et moi allons prendre un vaisseau pour vous récupérer. Où êtes-vous exactement ?
– Vers le pont 14 nous nous dirigeons. Le hangar 5 s’y trouve.
Tel’Ay observa attentivement le Malashli et s’efforça de compter les ponts qu’il distinguait. Quand son calcul fut fait, il se tourna incrédule vers Anaria. Elle secoua négativement la tête, étant parvenue à la même conclusion que lui : le hangar 5 du Malashli avait été détruit. Yoda et les autres ne trouveraient que destruction et vide spatial au bout de leur route.
– Le hangar en question n’existe plus ! cria Tel’Ay. Réglez votre comlink comme une balise, nous arrivons !



Yoda s’arrêta net, et ceux qui le suivaient manquèrent de le percuter. Il fit appel à toute sa force défaillante et lança ses perceptions de Jedi au-delà de son environnement visuel.
Le Sith avait raison. Ils allaient déboucher sur une porte anti-explosion, scellée car derrière, au contraire du hangar 5 qu’il avait cru pouvoir y trouver, ne subsistait que le vide spatial. Jamais ils n’auraient le temps d’arriver à un autre hangar, il le sentait…


***

Anaria aurait voulu voler une navette minuscule, qui leur aurait permis de s’infiltrer dans les coursives du Malashli pour récupérer leurs alliés. Malheureusement, il n’y en avait pas dans le hangar. Son deuxième choix se serait porté sur une frégate nantie d’un bras de dépressurisation avec sas intégré au bout, mais là encore, ses espoirs furent déçus.
Ils volèrent donc une navette intermédiaire, trop grosse pour s’infiltrer à bord du croiseur, et pas assez imposante pour disposer d’un sas.

Ils s’envolèrent sans tarder, soucieux de fuir les lieux, et se lancèrent droit sur le Malashli, secoué par les explosions des nombreux impacts ennemis qui le lacéraient inlassablement. Tel’Ay programma les senseurs pour suivre le comlink de Yoda. Ainsi, ils pourraient rejoindre son groupe. Ce qui ne résolvait le problème de sa récupération.
Patience, chaque chose en son temps, s’obligea-t-il à penser, alors qu’une partie de son être avait envie de hurler sa frustration.


***

Yoda s’arrêta net devant la porte anti-explosion. Derrière elle, le vide spatial était avide de les agripper de ses griffes mortelles.
– Et maintenant ? demanda Ver’Liu sur un ton funeste.
Yoda réfléchissait furieusement. Quand il releva la tête, une étincelle d’espoir et de détermination illuminait ses yeux.
– Suivez-moi, fit-il en rebroussant chemin.

Plus vite, plus vite, pensait Tel’Ay, comme pour encourager Anaria à accélérer. Il ne dit rien à haute voix. La Wookiee savait ce qu’elle avait à faire.
Ils évoluaient avec trop lentement à son goût, mais il devait reconnaître que la tactique d’Anaria était très habile. Installée aux commandes et méprisant la blessure qu’elle avait reçue, elle rapprochait petit à petit leur navette du Malashli en prenant garde de se cacher derrière des débris, pour ne pas former de cible évidente.

– Mi-Nag ? demanda une voix rocailleuse dans le comlink du Skelor.
– Oui, Yoda ?
– Sur le pont 14, là où se trouvait le hangar 5, une porte anti-explosion vous trouverez. La faire exploser vous devez, et nous sortirons.
– Bien reçu.
Mille questions se bousculaient dans la tête de Tel’Ay, mais ce n’était pas le moment. Ils avaient si peu de temps…

Vint le moment où Anaria ne tarderait pas à devoir conduire la navette à découvert. Tel’Ay ouvrit un canal vers le vaisseau républicain le plus proche :
– Équipe de secours en route vers Ver’Liu et Yoda. Demandons couverture de tirs contre les navires s’en prenant au Malashli. Urgent !
Au bout de quelques interminables secondes, la réponse fusa :
– Reçu, navette de secours. Tirs de soutien en cours.

Et de ce fait, les vaisseaux républicains lancèrent un feu nourri vers les croiseurs zabraks qui s’en prenaient au vaisseau-amiral de Ver’Liu. Par chance ou par l’action de la Force, la navette de Tel’Ay et Anaria put se retrouver au point de rendez-vous, face à la porte pressurisée, qu’Anaria distinguait à travers les débris du hangar.
– Je tire ? demanda-t-elle.
– Yoda ? fit Tel’Ay à travers le comlink.
– En position, nous sommes. Agir, vous pouvez, répondit aussitôt le Maître Jedi.

Anaria ne se le fit pas dire deux fois, et lança une bordée de tirs de canons-laser sur la porte anti-explosions. Celle-ci explosa instantanément, et des débris furent éjectés, ainsi qu’un mince filet d’air, vite absorbé par le vide de l’espace.

Anxieux, Tel’Ay scruta la scène, et surtout l’ouverture qu’ils avaient dégagée. Mais rien n’en sortit plus.
– Yoda ? Vous êtes où ? demanda-t-il dans le comlink.
Nul ne lui répondit.

Il fit appel à la Force et s’aperçut avec surprise qu’il sentait des signes de vie parmi les débris. Il se pencha sur les senseurs et parvint à procéder à un agrandissement. Il vit une combinaison spatiale. Puis une autre, puis encore une autre…
A la quatrième, il laissa tomber et ordonna à Anaria de se rapprocher. Il vérifia que la navette possédait des rayons tracteurs et, rassuré, alla en prendre les commandes au poste d’artilleur.
Il y avait huit personnes en combinaison à la dérive. Il se focalisa vers une éventuelle présence humaine, et fut soulagé de trouver Marton, même si celui-ci semblait évanoui, ou pire. Anaria ouvrit la soute de leur vaisseau, et Tel’Ay put y acheminer son apprenti. Il en fit de même pour les six autres personnes, toutes Skelor d’après ses perceptions.
Il hésita longuement devant la dernière silhouette qui dérivait paresseusement dans le vide spatial. Maître Yoda. L’être qui avait failli le tuer plus d’un an auparavant, mais qui l’avait épargné. Un Jedi, donc par essence un ennemi. Il serait tellement simple de le laisser dériver, jusqu’à ce que ses réserves d’air soient épuisées…


***

Anaria ignorait si leurs ennemis avaient compris qu’ils se livraient à une mission de sauvetage, mais qu’il en soit, le feu s’intensifia dans leur direction. Dans l’intercom, elle cria à Tel’Ay de se dépêcher de terminer.
Il lui répondit qu’elle pouvait les sortir de là, ce qu’elle fit aussitôt, les mettant sur une trajectoire qui allait leur faire contourner la silhouette massive du croiseur républicain, derrière lequel ils seraient à l’abri.

Dans la soute, Tel’Ay avait rétabli les systèmes de survie. Immobile, il contemplait le visage de Yoda, derrière son scaphandre spatial. Le Maître Jedi gisait à même le sol, comme les autres. Comme il aurait été facile de le supprimer à ce moment ! Tel’Ay en avait parfaitement conscience, mais quelque chose le retenait. Même s’il n’aurait pas su dire quoi. Où plutôt si. Une part de sa réticence à se débarrasser définitivement de son ennemi venait de la Force elle-même, mais également de sa propre éthique, de ses propres sentiments.

Était-il donc un faible, incapable de faire perdurer les enseignements de Maal Taniet ?


***

La flotte droïde au service de Dark Omberius finit par comprendre qu’elle ne parviendrait pas à ses fins, et abandonna l’orbite de Velinia III, avant de fuir dans l’hyperespace.

Marton Karr et Yoda furent placés en cuve génératrice, et en sortirent comme neuf moins d’une semaine plus tard.
Durant ce laps de temps, Ver’Liu So-Ren comme Tel’Ay Mi-Nag s’étaient isolés. Le premier était au chevet de Sionarel, toujours plongée dans un profond coma.
Intérieurement, il remettait en cause toutes ses décisions récentes, dans une longue introspection. Il n’existait pas de chemin idéal à suivre pour reprendre son trône, sans que des effusions de sang de ses partisans soient versées. Maintenant qu’il avait à nouveau ouvert les yeux sur la précarité de sa cause et les responsabilités qui en découlaient envers son peuple, il hésitait quant à la marche à suivre. Il voulait remonter sur son trône, pour le bien de son peuple, mais n’était pas décidé à sacrifier celui-ci.

À son réveil, Yoda annonça qu’il rentrait au Temple Jedi de Coruscant. Avant cela, il se présenta un soir aux quartiers de Tel’Ay Mi-Nag sur Velinia III.
À peine surpris, le Skelor le fit entrer. Les appartements de Tel’Ay étaient spartiates, seules quelques bougies lançaient des ombres fantomatiques sur les murs dépouillés. Tous deux s’installèrent dans des fauteuils qui avaient connu des jours meilleurs.
– Que puis-je pour vous, Maître Yoda ? demanda Tel’Ay.
– Vous voir je souhaitais, afin de vous remercier de m’avoir sauver la vie.
– Vous avez épargné la mienne il y a un an, voilà qui rétablit la balance.
– Je crains que pas si simples les choses ne soient, mais ceci un autre problème est. D’autres préoccupations j’ai en tête.
– Comme ?
– L’artefact Sith que vous arborez.
– Le Gant de… que savez-vous à son sujet ?
– C’est un objet Sith, amené sur Coruscant lors des guerres de Naga Sadow, il y a environ quatre mille cinq cent ans. C’était alors un simple Gant de Pouvoir, comme il en existait tant chez les Sith. Mais son porteur, Avesh Vèntorqis, y a déversé tout le Mal qui existait en lui, quand de camp il a décidé de changer, et d’intégrer celui des Jedi.
– Je… l’ignorais totalement, Maître. Mais comment le Gant s’est-il retrouvé entre les mains de… enfin, je veux dire, quand a-t-il été perdu par l’Ordre Jedi ?
– Un certain nombre d’artefacts Sith antiques l’Ordre Jedi possède, et même de nos jours, certains Maîtres triés sur le volet continuent de les étudier. Il y a un peu plus de six cents ans, l’un de ces Maîtres, Even Peltuis, certaines expériences sur le Gant de Vèntorqis a conduit, avec l’aval du Conseil Jedi. Mais la guerre contre la Confrérie Sith est survenue entre-temps, et Even Peltuis déclaré disparu a été. Certains érudits de l’Ordre, à travers des témoignages contemporains, des recoupements et des méditations très poussées dans la Force, pensent que Even Peltuis est devenu Maal Taniet, le premier Maître de votre lignée Sith.
Tel’Ay Mi-Nag était abasourdi, mais n’en laissa rien paraître. Alors comme ça, la Confrérie dont il était le dernier Maître était issue d’une mouvance à la fois Sith et Jedi ? Voilà qui était fascinant. L’histoire de la Confrérie affirmait que Maal Taniet était le nom du créateur de la Confrérie, pas un pseudonyme. Et il s’était toujours revendiqué comme un Sith, ce qui expliquait que la Confrérie se soit cachée des Jedi pendant ces derniers siècles… Si le créateur de la Confrérie avait été de surcroît un Jedi, cette entrée dans la clandestinité était d’autant plus compréhensible.
– Et… qu’est devenu ce Avesh Vèntorqis ?
– Jamais un véritable Jedi il n’a pu devenir, sans pour autant basculer à nouveau vers le Côté Obscur de la Force. D’après les analyses des érudits de l’Ordre, à jamais un Clair-Obscur il est resté.
– Un Clair-Obscur ?
Yoda hésita avant de poursuivre :
– Certains êtres ne sont pas faits pour être des Jedi, ni des Sith. Ils oscillent entre ces deux pôles. Clairs-Obscurs l’Ordre Jedi appelle ces êtres. Avesh Vèntorqis est resté vivre au sein de l’Ordre jusqu’à sa mort, mais jamais la paix de l’esprit il n’y a trouvé. Quoi qu’il en soit, du Gant de Vèntorqis vous devez vous méfier. À l’origine simple Gant de Pouvoir, il a été investi de pouvoirs maléfiques. Possible est-il qu’il veille à ce que qui quiconque l’utilise ne bascule pas du Côté Lumineux de la Force. Possible est-il que seul son pouvoir fasse que votre Confrérie ait survécu à travers les siècles, plus que par la volonté des Maîtres de votre lignée.
– Les Tanietiens seraient donc manipulés par le Gant ?
– Peut-être. Et en avoir conscience pourrait vous aider dans vos choix futurs.
– Pour rejeter l’utilisation du Gant et devenir un Jedi, par exemple ? demanda Tel’Ay sur un ton agressif.
– Non. Pour que vous ayez l’objectivité de suivre votre propre voie, sans être dépendant d’un artefact qui, quoique vous en pensiez, influe sur vos capacités et votre libre-arbitre.

Quand Yoda prit congé de son hôte, un peu plus tard, Tel’Ay se retrouva avec de nombreux sujets de réflexion.


***

Trop vite. Il avait voulu agir trop vite. Ce qui était le comble pour l’héritier d’un Ordre Sith caché depuis quatre cents ans, qui ourdissait des complots dans l’ombre, patiemment, jusqu’à ce qui aurait dû être l’heure de la revanche éclatante sur la République et les Jedi.
Dark Omberius n’avait plus d’apprentis, sa flotte qu’il avait cru invincible avait subi de lourds dommages. Il avait perdu la main dans sa mainmise de la galaxie, et n’était pas certain d’avoir les cartes en main pour faire basculer à nouveau les événements en sa faveur.
Pire, à cause de Tel’Ay Mi-Nag, l’existence de son Ordre était désormais sûrement connue des Jedi, or ce secret avait été sa meilleure garantie de survie.

Dark Omberius devait investir toute sa fortune dans la remise en état et le développement de sa flotte militaire, ne serait-ce que pour défendre ses positions et l’Hégémonie Zabrak proclamée indépendante. Mais même cela risquait de ne pas suffire, car il avait sous-estimé la capacité de la République à mobiliser des troupes armées.

Il avait besoin de temps. Heureusement, avec la campagne électorale pour la Chancellerie Républicaine qui battait son plein, un certain flottement régnait parmi les plus hautes autorités de la République. Ne lui restait plus qu’à espérer que ses machinations politiques visant à imposer un candidat qui lui serait favorable porteraient leurs fruits lors du vote, un mois plus tard.

Il avait chargé les scientifiques ho’din de Moltok de trouver des candidats nantis d’un fort potentiel de Force, mais les progrès s’avéraient pour l’heure inexistants. Ce point était à ses yeux le plus inquiétant : seul un nouvel apprenti garantirait la survie de l’Ordre Sith de Dark Bane. Rien d’autre n’aurait dû compter aux yeux d’Omberius, mais les moments à venir seraient trop critiques pour qu’il s’attelle à cette tâche primordiale.

Ver’Liu So-Ren avait encore survécu, mais il avait désormais perdu en importance aux yeux de Dark Omberius : le gamin avait été un danger à partir du moment où il avait attiré l’attention de la République sur Skelor I, et par extension sur l’avatar publique d’Omberius, Ovelar Nantelek. Maintenant que tous les yeux de la galaxie étaient tournés vers l’Hégémonie Zabrak et ses mondes alliés, la mort du jeune héritier du trône skelorien ne changerait plus grand-chose.

Dark Omberius n’avait donc plus que trois objectifs : limiter la casse politiquement et militairement, en espérant pouvoir se tailler un empire indépendant, même marginal. Reconstruire son Ordre en transmettant son savoir. Et surtout se défaire de son ennemi le plus dangereux, Tel’Ay Mi-Nag. Le cauchemar dans lequel il voyait le Skelor, armé d’un sabrolaser à lame pourpre entourée d’éclairs bleuâtres, venait de temps à autres se rappeler à son souvenir.

Dark Omberius n’avait pas peur de la mort. Mais elle ne devait pas survenir avant qu’il ait pu assurer la pérennité de son Ordre.