Chapitre 3 : Les premiers jours

Les trois jours suivants furent épuisants pour l’équipage réduit. Harlington était partout, donnant des consignes, demandant des éclaircissements techniques, et surtout jaugeant ses hommes sous la pression qu’il avait en partie imposée. Car s’il prenait un malin plaisir à les faire s’activer dans l’urgence, il n’était pas le seul responsable de cette frénésie. A vrai dire, il en était même une victime, comme son équipage.

Les circonstances dramatiques survenues à bord de l’USS Eagle, lors de sa précédente affectation, avaient eu des conséquences contrastées. Les premières, très importantes pour Harry, avait été l’obtention de son grade de sous-lieutenant, ainsi que son premier commandement. Une autre, dont il ne pouvait pas être tenu responsable, avait été de révéler l’incompétence de l’officier en second de l’Eagle, Peter Sanders. L’enquête qui avait été menée suite au fiasco de la mission avait vu Sanders être saqué et dégradé.
Là où les choses se compliquaient, c’était que ledit officier était le neveu de l’amiral Graham Sanders qui, malgré son intervention auprès de la commission d’enquête, n’avait pu éviter son triste sort à son neveu.

Quand Harry avait reçu la convocation de l’amiral Sanders, il avait craint le pire. Il avait eu raison…et tort à la fois. Durant leur entrevue, l’amiral n’avait cessé de le scruter sous toutes les coutures, comme à le recherche d’une faille. Mais dans le même temps, il s’était contenté de lui apprendre d’une voix glaciale sa nomination à la tête de l’USS Baltimore, corvette de classe Pluton, avec ordre de la remettre en état sous trente jours.
Harry avait remercié l’amiral d’un ton neutre, et s’était jeté sur son bloc de données dès qu’il avait quitté le bureau de l’amiral. là, il avait pu se rendre compte que son premier commandement risquait fort d’être le dernier, et était resté immobile, tétanisé, en se rendant compte qu’il serait impossible de remettre l’USS Baltimore en état dans le laps de temps imparti. Le navire ne valait guère mieux qu’une épave, sans parler de son équipage, réduit à peau de chagrin. Le cadeau empoisonné par excellence : telle était la vengeance de l’amiral Sanders, qui avait décidé que Harlington était coupable de la déchéance de son neveu.



Harry était sorti de sa torpeur vingt minutes plus tard et, sourire de prédateur aux lèvres, s’était mis en quête d’un moyen de transport pour rallier sa nouvelle affectation. Il relèverait l’impossible pari !

Pour les membres de l’équipage, les trois premiers jours de remise en état furent contrastés, passée la surprise initiale. Au départ, ils furent très excités d’apprendre que leur carrière allait décoller, en même temps que le navire. Leur enthousiasme et leur célérité furent impressionnants, jusqu’à ce qu’ils se rendent compte du travail titanesque qu’ils avaient à effectuer.
A partir de là, ils continuèrent les réparations, mais Harry sentit très vite que le cœur n’y était pas. Voilà qui était parfait pour lui, car il allait pouvoir montrer à ses hommes qu’il était plein de ressources et de surprises. Peu avant minuit, ce troisième jour, il prirent place autour d’une table dans le mess, pour leur briefing quotidien. Ils écoutèrent le sombre rapport de l’enseigne Mary O’Connor. Selon ce qu’elle avait dit à son commandant en aparté, il faudrait sept mois de travail, au même rythme que ces trois derniers jours, pour espérer avoir une corvette opérationnelle.
Tandis qu’elle parlait, Harlington observa les réactions de Lupescu, Garcia et Mitchell. Ils étaient las et n’écoutaient que d’une oreille. Ce que Harry comprenait et trouvait dommage tout à la fois. Ils manquaient de persévérance.
Un grand silence s’installa, suite à la fin du rapport de l’ingénieur, que Harry laissa se prolonger un certain temps. Ses hommes se regardèrent du coin de l’œil, puis finirent par se tourner vers lui. Dès qu’il avait toute leur attention, il prit la parole, posément.
– Enseigne O’Connor, répétez à nos camarades ce que vous m’avez dit cet après-midi, concernant le temps total que prendront les réparations.
Un peu interloquée, elle finit par obtempérer. Quand les membres de l’équipage comprirent que leur mission avait échoué avant même d’avoir commencé, ils restèrent plongés dans un silence fataliste.
Harry dit :
– Bien, nous sommes actuellement cinq membres d’équipage. Je vous rappelle que sur ce type de corvette, il y a un commandant, quatre ingénieurs, quatre pilotes et navigateurs, un médecin, un infirmier, quatre officiers scientifique, quatre officiers de sécurité et deux de logistique, soit vingt et une personnes. En outre, selon les missions, trois postes supplémentaires peuvent être occupés. Soit un équipage total se montant à vingt-quatre personnes.
J’ai étudié les dossiers de centaines de recrues potentielles et ma liste de choix finaux est partie au siège de Starfleet ce matin aux aurores. J’ai reçu la réponse suivante : dix-huit officiers manquants arrivent demain. Seule ma recrue pour le poste de médecin de bord semble poser problème, sans que j’en ai su plus.
Je vous octroie donc un jour de repos demain, que vous pourrez mettre à profit en accueillant vos nouveaux camarades. Profitez-en également pour faire venir vos bagages, s’il vous en manque, ou voir des amis ou des proches. Je vous rappelle que nous décollons dans vingt-sept jours !