Comment prendre son plaisir « comme il faut » ? À quel type principe se référer pour modérer, limiter, régler cette activité ? Quel type de validité reconnaître à ces principes, qui puisse justifier qu'on ait à s'y plier ? Ou, en d'autres termes, quel est le mode d'assujettissement qui est impliqué dans cette problématisation morale de la conduite sexuelle ?

La réflexion morale sur les aphrodisia tend beaucoup moins à établir un code systématique qui fixerait la forme canonique des actes sexuels, tracerait la frontière des interdits et distribuerait les pratiques de part et d'autre d'une ligne de partage qu'à élaborer les conditions et les modalités d'un « usage » : le style de ce que les Grecs appelaient la chrēsis aphrodisiōn, l'usage des plaisirs. L'expression courante chrēsis aphrodisiōn se rapporte, d'une façon générale, à l'activité sexuelle (...). Mais le terme se rapporte aussi à la manière dont un individu mène son activité sexuelle, sa façon de se conduire dans cet ordre de choses, le régime qu'il se permet ou s'impose, les conditions dans lesquelles il effectue les actes sexuels, la part qu'il leur fait dans sa vie.

Foucault, Histoire de la sexualité, volume 2, L'usage des plaisirs.