III

 

 

    Je sors du poste de contrôle douanier deux heures plus tard, m’indique mon chrono. Je marche lentement… très lentement… droit comme un « i ». Note à moi-même : se faire des contacts, même s’ils sont bidons, afin de monter un dossier sur la corruption endémique des douaniers de l’astroport. Tout le monde a ses cadavres dans les placards, nul doute qu’eux aussi en ont. S’ils n’en ont pas, mon imagination fera le reste.

    Une petite synthèse de ma part derrière et hop, je leur pondrai un bel article en première page, à ces sales types !

 

    Je n’arrive pourtant pas à sourire en songeant à ce futur doux projet. Cela ne me suffit pas. Voyons voir… Ah oui, je sais ! Lors de mon séjour ici, je passerai quelques coups de fil anonymes aux Services Secrets Impériaux sur Planèteville – la glorieuse capitale de l’Empire – en me faisant pour un citoyen respectable – ce que je suis, au demeurant – qui est tombé par hasard sur des activités suspectes, pour ne pas dire rebelles.

    Et dès que je rentre, moi aussi j’alerte les SSI  sur les Résistants que j’aurais croisés ici, en même temps que je sortirai un article qui fera l’effet d’une bombe !

    À partir de là, nul doute que cette planète recevra la visite d’un ou deux croiseurs de guerre impériaux, qu’une garnison impériale s’installera et qu’une bonne vieille chasse aux sorcières sera lancée. Na ! Ça leur fera les pieds, à ces non-humains inhumains !

    Moi, mesquin ? Pas le moins du monde. C’est simplement que je me bats avec mes propres armes.

 

    Une fois dans le hall de l’astroport, je me dirige vers les files d’attente pour les taxi-speeders. Une longue demi-heure plus tard arrive quasiment mon tour. La personne devant moi, un autochtone tout poilu – je me demande même si je ne devrais pas monter un salon de coiffure dans le coin – demande à être conduit au centre-ville.

    – Ça fera vingt-cinq crédits, monsieur, lui répond le chauffeur.

    Et ils s’en vont, et vient enfin mon tour avec le taxi-speeder suivant.

    Mes vingt-cinq crédits déjà prêts à la main, j’annonce au chauffeur que je vais au centre-ville. Il me scrute froidement et rétorque :

    – Cinquante crédits.

 

    Planèteville me manque.

 

    Je m’installe à l’arrière du taxi-speeder et subis des séries d’éternuements. Allons bon ! Allergie aux poils ? Quand ma peau commence à me gratter, je me demande s’il n’y a pas de poux dans l’habitacle.

    Je sors mon Ipadphone afin de noter un sujet de reportage intéressant : « Le racket des chauffeurs de taxi sur la planète P-Oilad’e ». Je commence à rédiger le témoignage aussi anonyme que fictif qui va agrémenter mon futur article, mais le chauffeur se met alors à conduire d’une manière si brusque et nerveuse que j’ai l’impression d’être revenu dans le vieux transport spatial.

    Si jamais il le fait exprès, qu’il continue comme ça et je vais vomir dans son taxi. Ce serait tellement bien fait pour lui que j’en viens même à espérer un déraillement de mon estomac.

    Je vois qu’il m’observe dans son rétroviseur. Ce maraud le fait donc exprès pour m’empêcher d’écrire ! Qu’à cela ne tienne, sale animal, j’ai la parade ! J’active la fonction « dictaphone » de mon pad et me met à poser les grandes lignes de mon article… celui sur les douaniers, par contre, pas celui sur les taxis. Ce serait dommage de tomber du speeder. Un accident est si vite arrivé, surtout quand je vois le regard de tueur qu’il me lance maintenant.

    Ah ! Parfait, il s’est calmé ! Fini les cabrioles, il semble enfin se décider à conduire convenablement. Je continue à parler à mon pad, mais voilà que le chauffeur appuie sur un bouton et met la radio en route. À fond le son, avec une musique qu’on dirait non pas sortie d’instruments mais de personnes qu’on égorge.

 

    Je hais cette planète, et encore plus ses autochtones…