Comme je l’ai dit, je compte pondre un plan le plus précis possible, du moins selon mes critères. Comme jusque-là mes plans n’étaient que des synopsis donnant un fil conducteur, il n’est pas rare que par le passé j’ai été contraint de les modifier, en m’apercevant lors de l’écriture en elle-même que le synopsis ne pouvait être suivi pour des raisons de cohérence ou de logique. Par exemple, vous créez une personnage, affinez sa personnalité et le lancez à l’assaut de la trame que vous avez prévu pour lui. Or à certains moments, vous vous rendez compte que la personnalité de votre création ne peut pas suivre votre synopsis, car cela irait à l’encontre de sa personnalité, justement. Or un perso qui s’écarte sans raison de sa personnalité, dans ses actes ou ses pensées, perd toute crédibilité.

Ainsi, le synopsis de ma première scène de ce roman est le suivant :
Généralités sur le royaume en général, et sur la vie de prince de Lernivinaur. Le prince se la coule douce : il apprend à diriger le pays avec des précepteurs, mais apprend aussi les joies de la vie, les femmes, etc.
Il est une époque où un tel synopsis m’aurait suffit pour me lancer, mais aujourd’hui j’essaie d’être plus carré afin de savoir précisément où je vais.

Donc le plan plus précis de cette scène 1 donne ceci :
Double narration entre la scène qui se déroule et des pensées-descriptions :
- Le présent : il est dans une salle d’étude avec un précepteur, qu’il n’écoute que d’une oreille.
- Ses pensées vagabondent autour de sa vie jusque-là : il est fils unique, orphelin de mère. + Présentation sommaire du royaume (âge, comment il a été construit), de la lignée, avec traits de caractères et traits physiques.
- Le présent : retour à la leçon, où le précepteur le rappelle à l’ordre gentiment. Lernivinaur ne l’aime pas, il est trop courtisan à ses yeux, ne cherche qu’à lui plaire et c’est tout. Un hypocrite.
- Descriptif des pensées : Lernivinaur est plutôt mou et sa vie le jour l’ennuie profondément. Il rêve de conquérir des terres, d’être un héros d’antan. Mais malheureusement pour lui, les temps héroïques sont passés, il n’est qu’un héritier de ces âges, juste destiné à perpétuer une tradition et un pouvoir. Il n’est qu’un rouage administratif, même si en haut de la chaîne.
- Les pensées évoluent : il mène une double vie : le jour, il apprend avec ses précepteurs à diriger le pays, rôle qu’il sera amené à tenir à la mort de son père. La nuit, il profite de sa jeunesse avec son ami intime, le capitan (=comte) Nerot. Il se demande quand la leçon (à définir : le protocole lié à l’accueil d’un membre d’une autre famille royale lors d’un bal officiel ? ou un truc aussi trivial et inintéressant) va enfin cesser quand…
- Le présent : le précepteur, voyant à quel point son élève est réticent à l’écoute aujourd’hui, décide de clore son cours de manière abrupte. Il affirme qu’il va en référer au roi, mais Lernivinaur ne l’écoute déjà plus. Il sait que derrière la porte de la grande bibliothèque du palais, son ami Nerot l’attend afin qu’ils aillent profiter des plaisirs offerts par la ville.

On peut constater qu’à ce stade, l’apparence des protagonistes n’est pas encore défini, de même que le décor. Pire encore, même si la scène est plus précisément décrite que lors du synopsis, je ne sais pas encore si elle est viable. Pour le savoir, il va falloir que je me mette dans la peau de mes personnages en leur faisant jouer la scène dans ma tête, jusqu’à ce que je sois assez satisfait de leur prestation pour qu’écrire la scène ne soit qu’une formalité, une partition sans fausse note.

D’une manière plus générale, le plan avance dans une direction telle que deux parties semblent se dessiner dans le roman : la première traite de l’entrée dans l’âge adulte du prince Lernivinaur, narre comment il va avoir un fils illégitime, Lacteng, puis une fille légitime, Bilipossa, et le voir monter sur le trône. C’est ce qu’on pourrait appeler la genèse de la partition du royaume. La seconde partie, elle, commence à la mort du roi Lernivinaur et s’attarde sur la lutte entre Lacteng et Bilipossa pour prendre le pouvoir, lutte qui débouchera sur la partition de Narvilone.

Pour l’instant, le synopsis avance bien, le plan se met tranquillement en place (un peu trop vu les délais, d’ailleurs), et l’impression que j’en retire est que l’histoire est centrée sur le pouvoir politique et les rapports de force au sein du royaume, les complots et intrigues de palais. Normal pour une chute de royaume, me direz-vous, mais le concept me séduit tout en ne me séduisant pas. Je m’explique…

Le point satisfaisant est que les intrigues que j’ai commencé à mettre en place sont assez tortueuses pour me plaire, pour que je les trouve intéressantes. Le point négatif, en revanche, c’est que j’ai peur de ne pas réussir à me captiver moi-même avec une telle histoire, peur que ça prenne une tournure rébarbative malgré des idées que je trouve sympas. Bref, dès que mes intrigues tortueuses seront réellement mises au point, il me faudra reprendre mon bâton de pèlerin pour trouver d’autres aspects attrayants, bref amener une diversité bienvenue à l’intrigue principale de l’histoire (et à mon plaisir d’écrire cette histoire, qui est tout de même LA donnée essentielle). Quand bien même ce roman ne serait jamais jugé digne d’être publié ni ne plairait à quiconque, il faut qu’il me plaise à moi. Voilà la seule chose importante, la seule qui compte.