Le plan commence à déraper, donc. Pourquoi ? Parce que je suis en train de créer le personnage du comploteur, le Capitan Nerot. J’ai commencé à esquisser son historie personnelle et elle s’avère très riche, ainsi que sa personnalité.

J’ai toujours aimé des personnages. Je pars d’un simple concept, une vague esquisse, et au fil de réflexions qui me semblent logiques, le personnage prend de l’épaisseur, de la consistance, je commence à m’attacher à lui. Et à partir du moment où je commence à m’attacher à un personnage que je crée, je sais que ça va être un régal de le mettre en scène.

Une fois les bases de sa personnalité mises en place, j’ai envie de le faire vivre. Ma situation de départ était qu’il serait le comploteur, du coup je me penche sur son passé et son environnement, avec de déterminer comment il est en arrivé à ce rôle. C’est à ce stade de développement du background que Nerot a pris vie, et qu’il tend à devenir un personnage plus important que je ne l’aurais pensé de prime abord. À tel point qu’il est en train d’éclipser le rôle de Lernivinaur, le prince par qui tout est arrivé, l’homme (victime) à l’origine de la partition de Narvilone.

Entre ce duo de prince Lernivinaur/homme public et de Capitan Nerot/homme de l’ombre, le second s’avère pour le moment bien plus intéressant à traiter que le premier. Ce qui pourrait bien m’amener à changer radicalement l’esquisse du plan initialement prévu. Ce plan me titillait au sens où il me semblait bancal, entre une Partie 1 dédiée aux événements conduisant à la naissance de Lacteng (fils illégitime du roi) et Bilipossa (fille légitime), et une partie 2 où les deux enfants, devenus adultes, se déchirent pour prendre le pouvoir jusqu’à entraîner la chute du royaume. Bancal au sens où les héros ne sont plus les mêmes entre les deux parties, ce qui peut aboutir à une certaine… dissonance, dirons-nous. Un concept de changement de personnages principaux qui semble bizarre à mes propres yeux, une intuition que ça ne colle pas. À partir du moment où je sens intuitivement que mon plan ne va pas coller, ma conclusion est qu’il est bancal et va devoir évoluer.

Je me retrouve donc à poser tranquillement mon plan détaillé, qui me fait aller dans des directions imprévues originellement, et c’est toute l’histoire qui devrait en subir de profondes transformations. Toute la première partie du roman, qui narre les événements qui conduiront à la chute de Narvilone trente ans plus tard (dans la seconde partie), tend à devenir un roman à part entière, probablement le volume 1 d’une duologie. Et avec un changement de perspective, dans lequel le héros principal ne serait plus le prince Lernivinaur mais le Capitan Nerot.

Mais tout peut encore changer : le prince me semble terne, si bien qu’il est probable que d’une manière ou d’une autre, je veux développer sa personnalité, rien que pour équilibrer l’importance entre les deux héros. Sans compter qu’il me faut encore créer la soeur de Nerot, qui sera la mère de Lacteng, l’enfant illégitime qu’elle aura avec le prince. Je vois donc deux évolutions possibles dans le plan : soit je m’achemine vers un roman où ces trois personnages auront une importance égale, soit je reste sur Nerot comme héros principal, avec sa soeur et le prince qui gravitent autour de lui.

J’aime beaucoup ce processus de création de plan : c’est comme si, une fois les personnages définis, ils prenaient leur envol, indépendamment de l’auteur (ce qui est tout de même un comble !). Je joue à Dieu en créant des vies de papier mais mes créations tentent déjà d’échapper à mon autorité…