Harlington lança une nouvelle série d’ordres et Garcia, sur la passerelle, s’empressa de les relayer. Le Baltimore se détacha de la frégate, abandonnant l’équipe d’intervention à son sort, et mit résolument le cap sur la deuxième où, selon les déductions de T’Savhek, l’amiral Sanders devait se trouver.
Harlington était sur des charbons ardents. Il aurait pu attendre cinq minutes de plus pour récupérer son équipe, temps nécessaire pour que les interférences se dissipent assez pour que la téléportation soit possible sans danger. Mais c’était courir le risque que les pirates reprennent la main et se débarrassent de l’amiral.
Il fallait surprendre l’ennemi. Il faudrait cinq minutes au Baltimore pour atteindre la position de l’autre frégate. Les pirates devaient penser que comme précédemment, le vaisseau de Starfleet allait s’arrimer. Ils concentreraient sûrement leurs efforts à sécuriser la zone d’arrimage, tandis que l’équipe d’intervention du Baltimore serait déjà à bord par le biais de la téléportation.

O’Connor avait déserté la salle des machines, laissant ses deux aides s’occuper des réparations les plus urgentes tandis qu’elle gérait l’envoi de Harlington et de son équipe sur la frégate. Les données défilant sur la console de téléportation étaient de bon augure. Les débris d’Aldataïr-325 se dispersaient paresseusement, même si des explosions retentissaient de temps à autre, lorsqu’ils coupaient la trajectoire de mines occultées. De manière générale, les interférences pouvant affecter les performances du téléporteur étaient en nette régression, au fur et à mesure que l’ordinateur de bord les intégrait dans ses paramétrages.
Harlington balaya du regard ses hommes. Faire un choix parmi eux avait été difficile, car entre l’équipe restée sur l’autre frégate et un nombre minimum requis pour manœuvrer le Baltimore, les possibilités n’étaient pas légions. En fin de compte, il allait partir à l’abordage avec le dernier membre de la sécurité disponible, l’Andorien Gotram, et Vilmalia N’Wakalin, l’officier de la logistique assistante d’Evander Mitchell, à la peau sombre et aux yeux noisette.
L’officier de sécurité était d’un calme olympien, tandis que N’Wakalin semblait très nerveuse.
– Tout ira bien, lui lança Harlington, parfaitement hypocrite. Réglez vos phaseurs sur « paralysie ». Dès qu’on débarque, on tire sur tout ce qui bouge, otage ou non. Il faut frapper vite et fort. Dès qu’on met la main sur Sanders, on dégage aussi sec. Des questions ? Après un briefing aussi pitoyable, ni Gotram ni N’Wakalin n’osa en poser une.
– Commandant, je suis en mesure de vous téléporter sur leur frégate, annonça O’Connor.
– Parfait, allons-y ! Je passe le premier.
Harlington se plaça sur le plot de téléportation. Dès qu’il serait à bord du navire ennemi, Gotram serait téléporté à son tour, puis N’Wakalin. Il ordonna :
– Énergie.

Ils se matérialisèrent tour à tour dans la salle de téléportation de la frégate, vide, à leur grand soulagement. Harlington sortit son tricordeur et la configuration du vaisseau, obtenue grâce au relevés de T’Savhek sur le vaisseau jumeau, apparut. Il indiqua une direction et ouvrit la marche.
Ils se retrouvèrent nez à nez avec un pirate, sorti brusquement d’une pièce débouchant sur le couloir. Il fut promptement paralysé, et l’équipe investit la pièce dont l’homme était sorti. Elle était vide et servait manifestement de quartier d’habitation. Ils y traînèrent le corps et restèrent dans les lieux, après avoir verrouillé la porte.
Harlington fit signe à Gotram, qui alluma le serveur informatique de la chambre.
– Alors ? demanda le commandant.
– Ça va être du gâteau, monsieur. Vieille frégate, vieux matériel… aisément piratable.
– Alors allez-y, et pressez-vous. Nous devons savoir où se trouve l’amiral !
Intérieurement, Harlington pesta contre les tricordeurs, incapables de différencier les êtres autrement que par leurs espèces…
Malgré son assurance, il fallut plusieurs minutes à l’aspirant Andorien pour contourner les systèmes de sécurité du réseau informatique de la frégate, et accéder aux données plus sensibles.
– Je l’ai ! Il se trouve dans une grande pièce, peut-être un mess, au niveau inférieur à notre position. Ils sont quatre avec lui. Voyez, j’ai isolé une caméra de sécurité.
– Parfait ! En avant !
Ils sortirent des quartiers et reprirent leur progression, plus prudents que jamais. À deux reprises, ils durent en découdre avec des pirates esseulés, qui furent mis hors d’état de nuire avant d’avoir pu donner l’alerte.
Harlington ne l’aurait avoué pour rien au monde, mais il s’attendait au pire. Il trouvait cela trop facile. Ce fut pourtant sans encombre qu’ils arrivèrent en vue de la porte du mess.
– On entre et on arrose, annonça-t-il, avant de faire face à la porte, ses hommes à ses côtés.
La porte chuinta en s’ouvrant.

Comme convenu, ils déclenchèrent un feu nourri, sans même prendre la peine de regarder sur quoi ou qui ils tiraient. Harlington vit des corps tomber, et quand il fut certain qu’aucun ne bougeait, il lança :
– Cessez le feu ! Gotram, verrouillez la porte ! N’Wakalin, soyez vigilante.
L’Andorien s’acquitta de sa tâche avec célérité, tandis que les doigts de N’Wakalin se crispèrent nerveusement sur son phaseur en étudiant les lieux.
Harlington se rapprocha des corps. Quatre pirates… et l’amiral Sanders, ligoté à un siège qui avait basculé avec lui quand il avait été touché. Tous plongés dans l’inconscience. Le commandant sortit son communicateur :
– Harlington au Baltimore, vous me recevez ?
– Fort et clair, monsieur, annonça Garcia, soulagé.
– Nous somme cinq à remonter, monsieur Garcia, fit Harlington avant d’empoigner la tunique de l’amiral.
Quand le rayon du téléporteur eut fait son œuvre et ramené tout le monde au bercail, les pirates inertes se retrouvèrent seuls dans le mess.

Harlington descendit du plot et se précipita sur l’intercom :
– Nous sommes à bord, Garcia ! Cap sur la première frégate, nous devons récupérer l’autre équipe. Dès que ce sera fait, je veux que les phaseurs soient réparés et qu’on détruise les moteurs de distorsion des deux frégates. Nous pourrons alors mettre le cap sur la base stellaire la plus proche, et de là faire revenir un autre vaisseau pour capturer les pirates. Je vous rejoins sur la passerelle dès que j’aurai fait un saut à l’infirmerie pour prendre des nouvelles de Nimar.
Il se tourna vers ses hommes, occupés à libérer l’amiral.
– Comment va-t-il ?
– Mon tricordeur indique qu’il est simplement inconscient, monsieur, sourit Gotram.
Harlington allait lancer un soupir de soulagement quand la voix de Garcia cria dans l’intercom :
– Commandant ! Une corvette vient de sortir de distorsion !
– Harlington jura et sortit de la salle en courant.