Frédéric Simon-Le Hyaric

Blog d'écriture

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dimanche, mai 16 2010

Chapitre 14 : Confrontations

Après l’atterrissage du Baltimore, T’Savhek et Harlington se téléportèrent dans le monde souterrain des Soffrés, à des coordonnées que Jingkler leur avait indiquées.
Pris en charge par des gardes soffrés, ils furent séparés. Harlington fut amené dans une vaste caverne aux murs couverts d’immenses tapisseries. Un long banc surélevé et peint en blanc occupait un pan de mur face à lui. Deux silhouettes y étaient assises : Jingkler et Sender, les respectivement Maître de la Loi et Grand Prêtre des Soffrés.
D’un signe du premier nommé, les gardes se retirèrent. Harlington était seul avec les deux dirigeants locaux. Il s’appliqua à rester impassible tandis qu’il étudiait la situation : une simple volée de marches le séparait des deux autochtones. Peut-être pouvait-il se ruer sur eux et en maîtriser un pour le prendre en otage ?
Il abandonna vite l’idée. Il ne connaissait rien de la force physique des Soffrés mais avait tout à fait conscience de ses propres limites en combat rapproché et en réflexes. Son entraînement quotidien avec le lieutenant Lupescu, chef de la sécurité du Baltimore et expert en combat à mains nues, lui avait démontré plus qu’il ne l’aurait souhaité ses lacunes en la matière.

– Vous voilà désormais devenu un assassin, étranger, fit Sender. Vous êtes fier de vous ?
– Comment ça, un assassin ?
– Vous avez amené un Soffré à la surface, signant ainsi son arrêt de mort. Saint Larka créa Soffré et il dit : « La surface sera sacrée, nul autre qu’un dieu ne sera digne de la fouler». Et il offrit les profondeurs au peuple de Soffré, qu’il avait créé.
– Vous ne pouvez quand même pas croire que c’est par la volonté de votre dieu qu’Emgpé est mort ? Il y a forcément une explication rationnelle !
– Nous sommes le peuple élu de Saint Larka. Obéir à ses commandements nous maintient en vie car il veille sur nous. Et il punit de mort les hérétiques qui osent douter de sa parole divine.
– Mes hommes et moi avons survécu à la surface, or… comment avez-vous dit ? La surface sera sacrée, nul autre qu’un dieu ne sera digne de la fouler ? Cela ne devrait-il pas faire de nous des dieux ?
– Silence, maudit ! hurla Jingkler. Seuls les Grands Prêtres ont les capacités reconnues pour interpréter les paroles de Saint Larka ! Es-tu un Grand Prêtre, chien d’étranger ?
Harlington fut surpris de la véhémence du ton, et Sender aussi au vu du regard qu’il coula vers son collègue.
– Paix, Jingkler, fit le Grand Prêtre. Je respecte les lois de Saint Larka à la lettre, étranger. Je précise ses pensées si besoin est, avec l’humilité qui doit être mienne face à la grandeur de mon dieu. Il est perfection, je suis imperfection, même si l’on me considère comme son relais sur Soffré. Et je dois avouer que ton argument ne manque pas de pertinence. Je le tourne et le retourne dans ma tête depuis que les premiers étrangers sont arrivés.
Jingkler se leva brusquement.
– Tu plaisantes, j’espère ? À moins que tu ne sois en train de devenir un hérétique à ton tour ?
– Rassieds-toi, Jingkler. Toutes les hypothèses doivent être étudiées avec lucidité. Certaines peuvent s’accorder avec nos enseignements divins. D’autres, non. Il est de mon devoir de Grand Prêtre de décider si la Loi doit évoluer.
Jingkler fusilla longuement du regard le visage calme de Sender, mais il finit par se rasseoir quand Harlington reprit la parole.
– Auriez-vous changé d’avis ? Envisagez-vous de nous rendre la liberté ?
– Cela fait partie des possibilités, je me dois de l’admettre après y avoir mûrement réfléchi.
– C’est une bonne chose, avança prudemment Harlington.
– Je ne pense pas, non, rétorqua Jingkler en se levant à nouveau. Soffré n’a connu qu’un seul dieu… et je serai le deuxième !
Il sortit un phaseur de la Fédération de sous sa toge et tira à bout portant sur Sender, qui s’effondra dans un grognement de douleur. Harlington n’eut pas le temps de réagir et se contenta de recueillir Sender dans ses bras quand celui-ci chut au bas des marches.
Le Grand Prêtre était immobile. Une tache noirâtre ornait le milieu de son front, à l’endroit où Jingkler avait tiré. Harlington était décomposé. Au moment où l’un des deux dirigeants des Soffrés s’avérait être un allié potentiel, voilà qu’il se faisait abattre !
– Pourquoi ? demanda Harlington d’une voix blanche à Jingkler. Et pourquoi parlez-vous de devenir un dieu ?
– Je vais devenir un dieu car je ne crois pas à la religion ! Ma famille est en charge de la Maîtrise de la Loi depuis des décennies et à ce titre, elle contrôle beaucoup de choses. Mon bisaïeul a décidé un jour que la religion était obsolète. Vous avez cité la bonne phrase, étranger : La surface sera sacrée, nul autre qu’un dieu ne sera digne de la fouler. Vous comprenez ce que cela veut dire ? Le jour où un Soffré pourra mettre le pied à la surface et y survivre, il sera devenu l’égal d’un dieu et pourra régner sur son peuple ! Voilà le but que ma famille poursuit depuis plusieurs générations !
– Je n’y comprends rien, avoua Harlington.
– C’est pourtant simple, imbécile ! Il y a quelque chose dans l’atmosphère qui est mortel pour les Soffrés. Nous ne sommes en sécurité que sous terre. Mais depuis maintenant soixante ans, ma famille fait travailler dans le grand secret des scientifiques de haut vol en vue de percer le mystère qui nous tue en surface. Le jour où ce danger mortel sera écarté, je marcherai à la surface et mon peuple me considérera comme un dieu !
– Mais comment l’air de la planète peut-il vous tuer ?
–Le corps des Soffrés réagit violemment face aux radiations cantarènes, véhiculées par les vents solaires et qui frappent Soffré. Ces émissions étant stoppées par la surface de la planète, nous pouvons vivre sous terre. C’est depuis qu’elle sait qu’il existe des êtres sur d’autres planètes que ma famille a décidé de rejeter nos croyances. Nous aussi voulons explorer les étoiles !
– Je peux comprendre ça. Mais pourquoi avoir tué votre ami ? Et pourquoi avoir œuvré en secret ? Songez que si vous rendiez publiques vos recherches, vous seriez un héros ! Vous seriez le Soffré qui a offert l‘immortalité à son peuple !
– Mais je compte bien l’être, sourit Jingkler. Il faudra juste que mes chers compatriotes en payent le prix. Et je sais déjà qu’il sera cher… très cher !
– Quelle que soit la planète ou l’espèce, les ordures sont toujours les mêmes, bougonna Harlington. Qu’allez-vous faire de moi ? – Sender a été tué par une de vos armes. Je vais donc vous accuser de l’avoir assassiné… après vous avoir tué à votre tour, bien sûr. Vous avez juste eu le droit à l’explication du condamné à mort.
– Jingkler, vous n’êtes qu’une pourriture qui ne mérite ni son rang ni même de vivre ! Mais heureusement, votre vie touche à sa fin !
– Que voulez-vous dire ? demanda Jingkler en resserrant son emprise sur le phaseur.
– Vous vouliez apporter un nouveau mode de vie à vos compatriotes, tout en les dirigeant en tyran ? J’ai une mauvaise nouvelle pour vous : avant de revenir, j’ai activé l’autodestruction de mon vaisseau. Quand il explosera, il emportera avec lui la voûte de votre monde souterrain. Et tous les Soffrés mourront.
– Mensonges !
– Vous serez le dieu des morts, le Soffré qui a creusé la tombe de tout son peuple !
Jingkler écumait désormais de rage, et il leva le phaseur vers Harlington.
– Silence, vermine !
– Tuez-moi et vous condamnez votre peuple, reprit Harlington, imperturbable en surface mais très agité en son for intérieur. Vu l’état de fébrilité de Jingkler, Harlington se demanda s’il n’avait pas poussé le bouchon un peu loin. Le Soffré avait-il une maîtrise de soi suffisante pour ne pas craquer… ni tirer ?
La réponse était non. Harlington s’en rendit compte quand Jingkler lui tira dessus avec le phaseur. En pleine poitrine. À moins de cinq mètres. Nul ne pouvait espérer y survivre. Le corps de Harlington fut projeté en arrière. Le lieutenant de Starfleet eut l’impression d’avoir été écrasé par une navette. Et ce fut le néant…

samedi, mai 8 2010

Chapitre 13 : chantage

Dès qu’ils furent à bord, Harlington et T’Savhek se précipitèrent sur la passerelle et gagnèrent respectivement les postes de pilotage et de navigation. La Vulcaine lança la procédure de démarrage, ensemble de tâches d’autant plus complexe qu’elle devait l’assumer seule, les compétences de Harlington en la matière étant rudimentaires. Lui se chargeait des sous-programmes, qu’il exécutait dès que sa subordonnée lui en donnait l’ordre.
Il fut impressionné de voir à quel point T’Savhek pouvait être performante dans un rôle qui n’avait pourtant rien à voir avec sa spécialité d’ingénieur. Il l’admira pour ses compétences et se sentit honteux de sa propre médiocrité : il était le commandant, aurait dû montrer l’exemple, savoir tout faire mieux que ses subordonnés. Mais à côté d’elle, Harlington se sentait dans la peau d’un singe à peine savant.
Il rangea dans un coin de sa mémoire qu’il lui faudrait suivre un cursus dans les différentes spécialités. Jouer au presse-bouton pour T’Savhek l’aurait moins dérangé s’il avait compris la logique des tâches qu’il accomplissait. Connaître les procédures pointues qui régissaient le système informatique du navire lui aurait permis d’anticiper les ordres de la Vulcaine et leur aurait fait gagner des secondes peut-être précieuses.
Il abandonna vite l’auto-flagellation et cessa d’admirer les mains de T’Savhek courir avec une grande célérité sur les panneaux de contrôle, car il avait besoin de toute sa concentration pour ne pas la retarder. Il leur faudrait de longues minutes pour arriver au bout de la procédure.

Le ronronnement discret des moteurs du Baltimore se fit entendre. T’Savhek mit les boucliers à pleine puissance en espérant que cela suffirait à déjouer toute tentative de téléportation à partir de la surface. Harlington fit décoller brusquement la corvette et accéléra.
Il ne put s’empêcher de sourire. Ils avaient réussi ! Même si la technologie de téléportation soffrée parvenait à percer la protection du bouclier et le ramenait à la surface, T’Savhek pourrait se débrouiller seule, protégée par l’unité de téléportation portative volée par les rebelles soffrés. Dans le pire des cas, un message pourrait être envoyé à Starfleet pour demander du renfort. Ils avaient gagné !

La console de communication bipa et Harlington s’en étonna. De l’aide, déjà ? Mais quand le visage revêche d’un Soffré apparut sur l’écran géant de la passerelle, les illusions de Harlington s’envolèrent. Il reconnut l’intégriste qui l’avait interrogé et qui lui avait promis la mort pour sacrilège.
– Je vous ordonne de faire demi-tour, hérétiques, énonça Jingkler, le Gardien de la Loi.
– Je ne crois pas que vous soyez en mesure de nous imposer quoi que ce soit, rétorqua froidement Harlington.
– Et moi je crois que si, répondit Jingkler.
Le Soffré disparut de l’écran, au profit de la vue d’une vaste caverne. Une dizaine de Soffrés étaient alignés, lances à la main. Pointées sur un groupe d’une vingtaine de personnes vêtues d’uniformes de Starfleet.
Le cœur de Harlington se serra : Lupescu, Sulok, Heitachi et les autres. Tout son équipage… ainsi que huit uniformes bleus, indiquant l’appartenance à la branche scientifique de Starfleet : les hommes de l’avant-poste.
– Je répète, reprit le Soffré. Faites demi-tour ou nous exécutons vos séides. Envoyez un message subspatial à vos supérieurs et nous les exécutons également. Enclenchez vos armes et le résultat sera le même.
Harlington s’efforça de rester impassible malgré la rage qui bouillonnait en lui. N’y avait-il donc aucune alternative ? Devait-il sacrifier son équipage ? Il s’y refusait mais ne voyait pas d’autre solution. Pas d’autre ? Une échappatoire lui vint en tête. Il repoussa l’idée, dont les conséquences le rebutaient. La mettre en place pourrait signifier la fin de sa carrière.
Rien ne lui vint en tête, et il s’en voulut de mettre en balance sa carrière et la vie des personnes placées sous son autorité. Il n’y avait pas à hésiter une seconde.
– Très bien, nous revenons. Harlington, terminé, annonça-t-il en coupant la communication et en faisant courir ses doigts sur la console de pilotage.
Harlington jeta un coup d’œil à T’Savhek. Il l’imaginait abattue mais comme à l’accoutumée, son impassibilité ne laissait rien transparaître de ses pensées.
– Prête pour le round suivant, T’Savhek ? demanda Harlington dans un sourire forcé.
– Le… round suivant, monsieur ? fit-elle en levant un sourcil interrogatif. Nous ne pouvons plus amener les Soffrés à la surface de leur monde en tirant sur la voûte de leur monde, comme nous l’escomptions. À moins que vous n’ayez décidé de sacrifier le personnel de Starfleet.
– Pas si nous pouvons l’éviter. Par contre, nous possédons les codes d’autodestruction du Baltimore. Si nous les enclenchons avec un compte à rebours et menaçons de faire sauter le navire après qu’il aura atterri, nous avons une chance de faire flancher les Soffrés.
T’Savhek soupesa les paroles de son commandant. Détruire sciemment son propre navire pourrait bien sonner le glas de la carrière de Harlington, et peut-être de la sienne si elle prenait part à cet acte extrême. L’intrépidité des Terriens la surprendrait toujours. Prêts à tout pour gagner, ils lui faisaient parfois peur. Avec eux, il s’en fallait parfois de peu que la fin justifie les moyens. Si les Soffrés ne cédaient pas, tout le personnel de Starfleet mourrait. Et le Baltimore disparaîtrait. Tout allait se jouer sur un pari potentiellement mortel.
– À vos ordres, commandant.

Chapitre 12 : Punition divine

Harlington fut ravi quand ils se matérialisèrent dans la minuscule salle de téléportation de l’USS Baltimore. Sa joie dura deux secondes, le temps qu’Emgpé ne s’écroule face contre terre, de la bave à la commissure des lèvres.
– T’Savhek, qu’est-ce qui se passe ?
– Je n’en sais rien, commandant, répliqua la Vulcaine en se penchant sur le Soffré. Il est en train de mourir.
Harlington avait du mal à y croire, et pourtant : Empgé avait les yeux révulsés, la langue pendante et son teint rougeâtre virait au bleu à une vitesse alarmante.
– Retour au point de départ, T’Savhek. Aidez-moi à relever Emgpé.
Dès qu’ils furent en place, T’Savhek pianota les commandes fixées à son avant-bras. Ils se retrouvèrent dans la caverne d’où ils étaient partis, face à un Jussé abasourdi.
– Appelez des secours, lança Harlington à l’intention du Soffré, Emgpé va très mal !

Jussé lança quelques mots dans un communicateur. Mais moins d’une minute plus tard, quand plusieurs Soffrés entrèrent avec une civière, ils n’eurent qu’un cadavre à emporter.
– Emmenez le corps dans notre institut médical, ordonna Jussé d’une voix tremblante. Nous devons comprendre ce qui s’est passé.
Dès que ses compatriotes eurent quitté la pièce, Jussé s’adossa à un mur et se laissa glisser jusqu’au sol en position assise, la tête cachée dans les mains. Harlington et T’Savhek attendirent à l’écart.
Jussé finit par lever des yeux hagards et dit d’une voix tremblante :
– Saint Larka créa Soffré, et il dit : « La surface sera sacrée, nul autre qu’un dieu ne sera digne de la fouler. Et il offrit les profondeurs au peuple de Soffré, qu’il avait créé ». « Le sacrilège mérite la mort. » Et si le Grand Prêtre Sender et le Gardien de la Loi Jingkler avaient raison ? Et si Saint Larka exerçait réellement une influence sur les Soffrés, les obligeant à vivre sous terre sous peine de mort ?
– Vous devriez peut-être attendre les conclusions des médecins, avança doucement Harlington, compatissant face à l’air décomposé de Jussé.
Intérieurement, le lieutenant bouillonnait. Ils avaient été si proches de reprendre la main ! Qu’allait-il leur arriver si les résistants retournaient leur veste et se remettaient à croire en leurs dirigeants officiels ? Rien de bon n’en ressortirait pour les membres de Starfleet, et Harlington rageait de se sentir si impuissant. Il lui fallait une idée, n’importe laquelle et vite, afin de distraire Jussé de ses funestes pensées.
– Jussé ! Avant que nous partions, vous n’accordiez plus aucune confiance à votre dieu ni à son clergé, qui dirige votre peuple. Vous ne pouvez pas revenir en arrière si facilement ! Le sacrilège mérite la mort, dites-vous ? Mais dans ce cas, si votre Saint Larka existe, pourquoi seul Emgpé aurait-il été frappé ? Ne croyez-vous pas que T’Savhek et moi-même aurions dû subir le même sort, voire pire puisqu’aux yeux de votre Saint, nous sommes des étrangers à ce monde ?
– Vous avez peut-être raison, murmura Jussé.
– Mais bien sûr que j’ai raison ! Il n’y a pas de malédiction divine pour ceux qui posent le pied à la surface, mon équipage et les scientifiques de l’avant-poste en sont la preuve vivante ! Je suis certain que vos médecins abonderont dans ce sens et trouveront l’explication.
– Et s’il n’y en a pas ? demanda Jussé.
– Il y en a une. Et s’ils ne la trouvent pas, ce sera parce que votre technologie n’est pas assez avancée pour la découvrir.
– Je ne sais pas, fit Jussé. Je ne sais plus. Attendons le rapport des médecins.
Le Soffré se mura dans le silence, indifférent aux exhortations de Harlington. Celui-ci se mit à faire les cent pas en marmonnant, les mains dans le dos. Il s’arrêta brusquement et se tourna vers T’Savhek.
La Vulcaine ne manqua pas de remarquer la lueur de détermination dans les yeux de son commandant.
– T’Savhek, j’ai une idée !
– Je vous écoute.
– L’appareil de téléportation que vous portez… sauriez-vous le reproduire ? Vous êtes un très bon ingénieur, ça devrait être dans vos cordes ?
– J’avoue que mes pensées étaient également tournées vers cet appareil, monsieur.
– Bien ! C’est faisable, selon vous ?
– Certainement. Avec beaucoup de temps et de matériel. Or je doute que ayons l’un ou l’autre dans des délais acceptables.
– Alors nous sommes dans une impasse, constata Harlington en faisant la grimace.
– Pas forcément, commandant. J’ai déjà pensé à l’hypothèse que vous émettez et je l’ai rejetée car irréaliste. En revanche, il en existe peut-être une autre…
– Je vous écoute ?
– Cet appareil permet de se téléporter mais empêche également tout verrouillage sur sa position. On peut donc en conclure qu’il émet une émission parasite sur une fréquence qu’il devrait être possible d’isoler… et de dupliquer. Si nous pouvons ensuite la projeter tout autour du Baltimore, à la manière des boucliers, nous serions à l’abri de toute téléportation intempestive de la part des Soffrés.
– Ça n’a pas l’air beaucoup plus simple que notre première hypothèse, énonça Harlington, dubitatif.
– Au contraire. La manipulation des émissions d’énergie est beaucoup plus rapide à accomplir que la reproduction physique d’un appareil technologique. J’ai quelques sous-programmes dans les ordinateurs de la salle des machines qui devraient m’apporter une aide précieuse.
– Bien. Savoir que nous pouvons sans doute reprendre le contrôle du Baltimore est une bonne chose. Il faudra décoller et nous éloigner le plus vite possible de Narnaya Prime afin d’être hors de portée de toute téléportation. Je ne bénéficierai pas de la protection de l’unité de téléportation, mais vous ne pourrez pas lancer toutes les procédures de pilotage seule. Ça risque d’être une course contre la montre.
– Que ferons-nous ensuite, commandant ?
– J’ai ma petite idée, fit Harlington en affichant un sourire torve.

Harlington retourna vers Jussé et lui expliqua que T’Savhek et lui-même repartaient à bord de leur navire afin d’en reprendre le contrôle. Le Soffré ne fit aucun geste montrant qu’il écoutait ou qu’il comprenait. Il ne prononça pas une parole.
Harlington finit par hausser les épaules et rejoignit T’Savhek. il posa une main sur son épaule et dit :
– Énergie !

Chapitre 11 : Le plan d’action

– Je vous demande pardon ? fit Harlington, sur la défensive.
– Voici mon idée, poursuivit Emgpé. En détruisant votre vaisseau et l’avant-poste, la voûte de nos cavernes devrait s’écrouler, d’après les calculs des scientifiques ralliés à notre cause.
– Et ?
– Vous ne comprenez donc pas ? Ce serait la fin de notre civilisation, la fin du rigorisme religieux ! Les lois de la Tradition disent que les Soffrés doivent vivre sous la surface de la planète, et que tous ceux qui enfreignent cette règle fondamentale sont punis de mort par nos dieux. Avec la destruction de la voûte, nous vivrons de fait à la surface. Bien sûr, nous ne mourrons pas suite à un châtiment divin, et le peuple comprendra alors que toute notre société, toute notre religion reposent sur du vent.
– C’est une idée qui a ses mérites, concéda Harlington. Mais pourquoi ne pas faire sauter la voûte de l’intérieur, avec des explosifs artisanaux, par exemple ?
– Il est impossible de s’en procurer, les autorités verrouillent le marché des armes avec une efficacité qui confine à la paranoïa. De plus, de telles explosions ne seraient rien à côté de la destruction de votre vaisseau, dont la puissance est tiré d’un mélange matière-antimatière.
– Comment se fait-il que vous ne vous contentiez pas de vous téléporter à la surface pour y vivre ? intervint T’Savhek.
Harlington s’en voulut de ne pas avoir pensé plus tôt à une solution aussi simple.
– Nous utilisons deux systèmes de téléportation. Le plus courant, utilisé par tout le monde, nous permet de nous téléporter de grotte en grotte via un système de signaux-relais. Mais il n’est pas assez puissant pour nous téléporter à la surface, l’épaisseur et la composition des roches au-dessus de nos têtes formant un écran naturel. En revanche, il existe un système plus élaboré, détenu par les autorités. C’est celui-là même qui leur a permis de vous amener ici, vous et les vôtres.
– Et aucun résistant n’a jamais réussi à mettre la main dessus ?
– En de très rares occasions, c’est arrivé. Mais nous n’avons jamais eu de nouvelles de nos concitoyens libérés. Soit ils ont été repris par les autorités, soit ils mènent la belle vie à la surface, conclut Emgpé dans un sourire plein d’espoir.
Harlington et T’Savhek échangèrent un regard. Si des Soffrés avaient vécu à la surface, les senseurs de l’avant-poste et du Baltimore les aurait détectés à coup sûr. Après avoir hésité, Harlington décida d’en informer ses hôtes.
Emgpé et Jussé accusèrent le coup. Les autorités étaient encore plus cruelles qu’ils ne l’avaient pensé. Emgpé redressa la tête et annonça fièrement :
– Nous ne renoncerons pas. Nous libérerons notre peuple ! Allons détruire votre vaisseau !
– Je pense qu’il y a une autre solution, fit Harlington. D’autant que nous aurons besoin du Baltimore pour quitter Narnaya Prime.
– Pourquoi vous inquiéter ? De toute manière, d’autres viendront à votre recherche, n’est-ce pas ? Nous y avons veillé.
– Comment ça, vous y avez veillé ?
– Les autorités émettent un signal vers l’espace, indiquant que nul ne doit approcher de Soffré sous peine de mort. Or nous avons désactivé ce signal et bricolé un système qui laisse croire que l’avertissement est toujours en activité.
Harlington fut interloqué de l’entendre : son équipage et l’avant-poste avaient été capturés à cause de ce sabotage des résistants. Et non contents d’avoir entraîné les membres de Starfleet dans leur guerre larvée, voilà qu’ils voulaient détruire l’avant-poste et le Baltimore !
– Il est hors de question que je détruise mon navire, annonça Harlington.
Il leva la main pour couper court aux protestations des deux Soffrés et reprit :
– On pourrait tout simplement s’emparer du Baltimore, le faire décoller et tirer dans le sol pour faire s’écrouler la voûte. Je suis sûr que nos torpilles à photon en viendront à bout.
Les Soffrés se consultèrent du regard avant d’acquiescer. Disposer de la puissance de feu du navire de Starfleet leur garantissait la victoire !
– Par contre, deux questions se posent, reprit Harlington. Comment se téléporter à la surface si vous n’avez pas accès a cette technologie, et surtout comment éviter d’être à nouveau téléporté par les autorités ?
À ces mots, Emgpé releva la manche de son bras gauche pour montrer l’appareil électronique fixé à son avant-bras.
– Bien des Soffrés sont morts pour que nous puissions obtenir cette unité de téléportation. C’est elle qui nous permettra de libérer notre peuple ! Outre le fait qu’elle permet de se rendre à la surface, l’unité empêche tout verrouillage sur son porteur.
– Voilà qui ne résout pas grand-chose. Si vous n’en avez qu’un, une seule personne peut rallier le Baltimore, or il en faudrait au moins deux pour faire décoller le navire.
– Nous n’avons pas réussi à dupliquer l’unité de téléportation, mais nos meilleurs analystes estiment que sa puissance peut suffire à téléporter trois personnes, pourvu qu’elles soient en contact physique.
– Mais vous n’en êtes pas sûrs ? demanda Harlington.
– Pas tout à fait, non. Mais nous le saurons vite, je compte vous accompagner !
– Une dernière chose, fit T’Savhek. Le porteur de l’unité ne pourra pas se faire reprendre, mais ce ne sera pas le cas des deux personnes qui l’accompagneront.
– Je le sais, admit Emgpé, mais je n’ai pas de solution. La vitesse sera la clé, et c’est le possesseur de l’unité qui devra prendre les commandes et se débrouiller seul quand les deux autres auront été repris. Il me paraît certain que cela arrivera, mais nul ne saurait prédire le temps que vont mettre les autorités à réagir.
Harlington décida que T’Savhek porterait l’unité de téléportation, lui-même n’étant qu’un pilote médiocre.

Dès que T’Savhek eut été équipée, Harlington et Emgpé posèrent chacun une main sur une épaule de la Vulcaine.
– Que Saint Larka soit avec vous, annonça avec gravité Jussé avant de s’incliner solennellement devant eux.
Emgpé manipula les commandes de l’unité et les trois silhouettes disparurent.

Chapitre 10 : La Résistance

– Vous êtes libre !
Pourquoi est-ce que le Soffré qui s’apprêtait à épouser T’Savhek disait une telle chose ? Et surtout, comment faisait-il, comme tous les autres convives, Harlington y compris, pour réussir à se tenir au sec, les pieds effleurant comme par magie l’océan qu’ils surplombaient ?
– Debout, vite, vous êtes libre, répéta le Soffré, dont les paroles pressantes parvinrent finalement à sortir Harlington du rêve idiot dans lequel il s’illustrait un instant auparavant.
En attendant le réveil définitif de Harlington, le Soffré le débarrassa de ses liens.
– Qui êtes-vous ? demanda le jeune lieutenant.
– Nous n’avons pas le temps, humain, hâtez-vous !
Harlington fut remis sur pied par une poigne vigoureuse. Le Soffré pianota sur un boîtier de commande passé autour de son avant-bras et agrippa Harlington.
– Détendez-vous, on s’en va !

Harlington se demanda s’il devenait fou ou s’il n’avait pas été drogué. Il fut plongé dans le noir et, nonobstant la main ferme du Soffré qui enserrait son bras, il aurait volontiers cru être encore dans un drôle de rêve.
D’habitude, la téléportation était instantanée. Là, Harlington eut l’impression de faire plusieurs sauts, des périodes de ténèbres le disputant à des visions de roches aussi rouges que les Soffrés. Le paysage se stabilisa enfin et le Soffré confirma qu’ils étaient arrivés à leur destination, quelle qu’elle fut.
– Nous y sommes, humain.

Harlington se rendit compte qu’il avait retenu sa respiration pendant le voyage. Il se détendit enfin, surtout en voyant T’Savhek bondir d’un fauteuil pour se porter à sa rencontre. Il balaya les lieux du regard. Ils se trouvaient dans ce qui ressemblait à une salle de conférence, dont une longue table ovale en pierre blanche occupait le centre. Une longue baie vitrée courait le long du mur et dévoilait un lac de lave en contrebas. En dehors de T’Savhek et du Soffré qui l’avait amené là, un seul autre être, autochtone lui aussi, était présent.
– Commandant, annonça calmement la Vulcaine, c’est un plaisir de vous revoir.
– Partagé, T’Savhek. Qu’est-ce qui se passe, au juste ? demanda-t-il en tournant la tête vers les deux Soffrés.
– Je l’ignore, monsieur. Ils m’ont libérée et interrogée sur la Fédération. Ils voulaient également savoir qui avait un pouvoir décisionnel au sein de notre équipage.
– Je vous en prie, asseyez-vous, fit l’un des deux Soffrés.
Harlington aurait été bien en peine de deviner lequel l’avait libéré : à ses yeux, les Soffrés se ressemblaient tous. Même leurs voix étaient semblables. Il s’assit et T’Savhek l’imita.
– Je suppose que nous vous devons des remerciements, messieurs. Mais j’aimerais également avoir des explications quant à la situation qui règne sur votre planète.
– Nous sommes là pour ça… Harlington, c’est ça ?
Commandant Harlington, corrigea instantanément l’intéressé, avant de se morigéner. Quelle vanité puérile !
Les Soffrés ne semblèrent pas s’en offusquer.
– Nous vous avons tiré des griffes du gouvernement parce que nous avons besoin de votre aide.
– Ah ? Et… vous êtes qui par rapport à ce gouvernement ?
– Nous sommes les chefs de la Résistance. Je suis Emgpé et voici Jussé. Nous luttons contre le dogmatisme et le fanatisme religieux de nos aînés, qui entendent régir nos vies selon des principes archaïques et figés. Nous savons, notamment grâce à votre subordonnée, qu’il existe des centaines de mondes habités, or nos croyances dépassées nous interdisent le moindre contact avec eux. Et cela est intolérable ! la Résistance veut la liberté pour le peuple des Soffrés !
– Résistance ? Quel genre de résistance ?
– Nous cherchons à miner le pouvoir de l’intérieur, mais c’est quelque chose de très difficile et qui prend trop de temps, surtout que la répression est omniprésente. Les Soffrés vivent dans la peur. Depuis l’installation de votre avant-poste et votre arrivée, nous estimons avoir des alliés suffisamment puissants pour passer à une autre phase du conflit, bien plus déterminante pour l’avenir de Soffré.
– Et c’est ?
– Une révolution armée, avec votre aide.
– Starfleet n’a pas pour habitude de se mêler à des histoires de politique locale, énonça prudemment Harlington, et encore moins de prendre parti dans des conflits internes.
– Nous ne voulons que la justice, le progrès ! Nous voulons fouler la surface de Soffré, ce qui nous est refusé par les Lois de la Tradition ! Nous appartenons à la majorité silencieuse, réprimée comme toutes autres formes de liberté. Nous ne demandons qu’une chose : pouvoir vivre à la surface de Soffré, loin du rigorisme des Anciens.
– Vos buts semblent louables, en effet. Mais si vous le permettez, j’aimerais m’entretenir seul à seule avec T’Savhek.
– Faites, je vous en prie, dit le Soffré avant de s’éloigner avec son compagnon.
– Vous en pensez quoi, T’Savhek ?
– La Prime Directive nous interdit de polluer une civilisation moins avancée que la nôtre avec notre technologie. Je pense donc que nous ne pouvons pas intervenir dans ce conflit.
– Moins avancée ? s’insurgea Harlington. C’est une plaisanterie ? Ils savent qu’ils ne sont pas seuls dans l’univers et seraient déjà dans l’espace s’ils ne subissaient pas le carcan de leurs croyances religieuses. Et je ne parle même pas de leur technologie de téléportation, plus avancée que la nôtre !
– Ce que je veux dire, c’est que la technologie de Starfleet est de manière générale bien plus avancée et bien plus complète que la leur. C’est ce que nous allons apporter en balance si vous décidez de les aider.
– Nous pouvons toujours couper la poire en deux : ils nous aident à libérer nos compagnons, y compris les membres de l‘équipe scientifique de l’avant-poste, en échange de l’envoi d’une délégation de la Fédération pour aider les deux factions à trouver un terrain d’entente.
– Vous croyez réellement que les rigoristes qui tiennent la planète sous leur joug voudront entendre quoi que ce soit, surtout de la bouche d’étrangers à leur monde ?
– Hum… vous n’avez pas tort, concéda Harlington. Mais d’un autre côté, si nous voulons libérer les nôtres, je crains que nous n’ayons guère le choix : nous allons devoir faire confiance à ces révolutionnaires. En échange de leur aide, nous pourrions leur trouver un endroit un tant soit peu hospitalier à la surface. Tout le monde y gagnerait. Les rigoristes de ce monde resteraient vivre en bas et les, euh… appelons-les les libéraux, pourraient vivre à la surface et, à partir de là, grossir progressivement leurs rangs.
– Nous sommes dans une situation précaire, commandant. Nous ne savons pas si ces gens sont des pacifistes ou si à leurs yeux la fin justifie les moyens.
– C’est un risque que je suis prêt à courir, T’Savhek. Mon devoir va clairement à la protection de mes hommes, ainsi qu’à celle des scientifiques de l’avant-poste. Et je vous rappelle que votre fiancé est parmi eux.
– Voilà une remarque qui manque de pertinence, commandant. Je ne réfléchis à la situation que de manière globale. Je suis Vulcaine, je ne peux pas me permettre d’appréhender la situation en tenant compte de mes sentiments personnels. Mon jugement en serait affecté.
– Je vois, mentit Harlington. J’estime que nous n’aurons pas de meilleur moyen de sauver tous nos hommes, donc nous allons aider ces Soffrés rebelles.
– À vos ordres, commandant.
Était-ce du soulagement que Harlington sentit dans le ton de T’Savhek ? Il ne l’aurait pas juré. Il appela les deux Soffrés et leur fit sa proposition : la libération de tous les membres de la Fédération contre l’aide aux insurgés pour s’installer à la surface.
Emgpé – à moins que ce ne fut Jussé – répondit :
– Qu’il en soit ainsi. Nous acceptons votre aide.
– Parfait ! Vous avez un plan ?
– Oui. Nous allons détruire votre vaisseau !

Chapitre 9 : les hérétiques

Harry Harlington se réveilla en sursaut, les sens en alerte, et voulut se lever. Une douleur violente lui traversa le crâne et il se rendit compte qu’il était solidement attaché à ce qui ressemblait à un lit médical. À moins qu’il ne s’agisse d’une table de torture ? Il se souvint avoir été matérialisé dans un endroit si sombre qu’il s’était brièvement inquiété d’être devenu aveugle, avant de perdre connaissance suite à un coup porté à l’arrière de la tête.
Ses pensées revinrent vite aux événements qui avaient précédés sa téléportation. Car c’en était une, il le savait désormais grâce aux informations qu’il avait lues sur l’écran utilisé par T’Savhek juste avant son enlèvement.
Si Harlington n’était pas passé par l’Académie de Starfleet, il s’était toujours passionné pour la technologie de la téléportation et connaissait son mode de fonctionnement sur le bout des doigts. Il avait toujours trouvé fascinant – et un peu effrayant – le concept même de cette technologie de transport instantané qui jouait avec les molécules de la vie. Ses connaissances en la matière s’étendaient aux technologies de plusieurs dizaines de peuples, et incluaient les dernières améliorations et les travaux en cours.
Harlington n’était pas un scientifique et ne serait jamais un chercheur. Mais il était un dilettante de haut vol, capable de comprendre certaines choses de manière intuitive. Quand il avait lu le mot erdebium, il avait aussitôt fait le rapprochement avec un rapport scientifique lu quelques mois auparavant.
Un téléporteur transformait la matière en énergie, convoyée par un faisceau d’ondes jusqu’au point d’arrivée, où l’énergie était à nouveau transformée en matière, dans le même ordre moléculaire et atomique qu’au départ. Des chercheurs de la Fédération avait affirmé, d’après leurs modélisations informatiques, que l’erdebium était capable de renforcer le faisceau d’ondes au point de pouvoir traverser des boucliers voire tout obstacle normalement infranchissable. Ces recherches étaient prometteuses mais, de l’aveu même des scientifiques, des années voire des décennies d’études et de tests seraient nécessaires pour une application concrète.
Un peuple dans la galaxie maîtrisait cette technologie, et les scientifiques de l’avant-poste comme l’équipage du Baltimore venaient d’en subir les conséquences. Harlington en était persuadé.

Harry revint au présent. La pièce dans laquelle il était détenu était austère et ressemblait à une chambre d’hôpital, jusqu’aux murs blancs.
La porte qui faisait face à son lit s’ouvrit en chuintant et un humanoïde fit son apparition. Trapu, l’être semblait être fait de la même pierre rouge que l’on retrouvait partout sur la planète. Harlington se crut face à La Chose en plus petit, un super-héros imaginaire datant du XXème siècle mais régulièrement remis au goût du jour depuis lors.
– Je suis le lieutenant Harry Harlington, commandant le…
– Tu n’es surtout qu’un envahisseur, répondit l’autochtone d’une voix aussi rocailleuse que son apparence.
– Pas du tout ! Mes hommes et moi sommes des explorateurs, et…
– Vous êtes des pilleurs, vous en voulez à nos ressources ! Vous allez le payer de votre vie !
– Je vous assure qu’il y a un malentendu. Les membres de l’avant-poste sont des scientifiques et sont là pour mener des recherches. Quant à mon équipage et moi, nous venions juste nous assurer que tout se déroulait bien pour eux. Nous ignorions qu’il y avait de la vie intelligente sur la planète, sans quoi nous ne nous serions jamais permis de nous installer sans vous en demander l’autorisation.
– Vous avez exploité la terre, énonça l’homme rouge sur un ton solennel.
– Et bien… les scientifiques ont en effet procédé à un peu d’extraction minérale en vue de…
– Saint Larka créa Soffré, reprit l’autochtone, dogmatique, et il dit : « La surface sera sacrée, nul autre qu’un dieu ne sera digne de la fouler ». Et il offrit les profondeurs au peuple de Soffré, qu’il avait créé.
– Je vous le répète, c’est une épouvantable erreur. Nous avons commis un crime à vos yeux mais nous ne l’avons fait que par ignorance et…
– La loi est la loi, et nul ne s’y soustrait.
– Je comprends bien mais je…
– Le sacrilège mérite la mort. Tous les envahisseurs infidèles seront sacrifiés à Saint Larka au prochain krevaï.
– Au prochain quoi ?
Mais l’être faisait déjà demi-tour et quitta la pièce sans ajouter un mot.
Bon sang, et moi qui trouvais que tout allait déjà mal avant de me retrouver ici…


Le Grand Prêtre Sender était outré, choqué au-delà de toute mesure. L’être à la peau blanche était bien comme ses prédécesseurs. Il se moquait éperdument des croyances de Soffré et avait osé s’excuser pour le sacrilège commis. Comment pouvait-il espérer que cela suffise ? Rien ne le pouvait. Le sacrilège mérite la mort. Il n’y avait rien à rajouter.
Il rejoignit Jingkler, le Gardien de la Loi, avec qui il partageait le pouvoir sur le peuple des Soffrés.
– Il dit la même chose que les autres, fit Sender. Ils ne savaient pas ce qu’ils faisaient. Comme si cette explication était suffisante pour les soustraire à leur destin. Le sacrilège mérite la mort.
– Bien sûr qu’ils méritent la mort, approuva Jingkler. Heureusement, krevaï est proche. Nous devons nous débarrasser de ces démons blasphémateurs le plus vite possible. Saint Larka nous met à l’épreuve. Il ne sera pas déçu.
– Oui. Krevaï est dans deux jours. Tout est-il prêt pour la cérémonie ?
– Tout est prêt, Grand Prêtre.
– Bien. Allons nous purifier, nous avons été salis par la présence de ces créatures.
– Attendez, Grand Prêtre. Il est un point important à soulever.
– Lequel ?
– Lorsque nous avons capturé les premiers infidèles, nous avons décidé à juste raison de les sacrifier. L’un d’eux a affirmé que d’autres viendraient à leur secours. Nous constatons aujourd’hui que c’est le cas.
– Maintenant que nous les avons tous pris, il n’y a plus de problème.
– Et si d’autres venaient encore ? Pour notre propre sécurité, nous devons savoir ce que sont ces êtres et combien ils sont. Connaître l’étendue de la puissance de nos ennemis nous permettra de mieux nous défendre contre eux.
– Vous estimez que nous devons continuer à nous souiller en leur soutirant des informations ?
– Ce qui semble être une abomination – se laisser volontairement souiller par ces créatures – nous sera pardonné par Saint Larka. Nous faisons ce que nous avons à faire pour protéger son peuple. Il jugera nos mérites et nos sacrifices.

Quand les deux êtres rouges entrèrent dans la pièce où Harlington était détenu, celui-ci crut que sa situation allait s’améliorer. Il déchanta en comprenant que les deux Soffrés ne voulaient que lui soutirer des informations.
Il leur apprit avec une certaine satisfaction qu’il appartenait à la Fédération des Planètes Unies, puissante entité riche de plusieurs centaines de mondes et de milliards d’habitants. L’apprendre ne sembla pas ébranler ses interlocuteurs.
Il plaida sa cause du mieux qu’il put mais dut se rendre à l’évidence : les Soffrés ne changeraient pas d’avis quant au destin mortel qu’ils promettaient aux membres de la Fédération qu’ils avaient capturés. Même la menace d’un ou de plusieurs vaisseaux de secours lourdement armés ne les fit pas ciller.
Quand Harlington voulut expliquer une énième fois que « l’invasion » de Narnaya Prime – ou Soffré, comme l’appelait les autochtones – n’en était pas une et que toute cette histoire reposait sur un malentendu, le Gardien de la Loi Jingkler rétorqua :
– Vous êtes un menteur, il n’y a pas de malentendu. Nous ne sommes pas des imbéciles et bénéficions d’une technologie avancée. Nous savons pertinemment qu’il existe d’autres êtres vivants en-dehors de notre monde, mais nos croyances nous ordonnent de nous tenir à l’écart. Nous refusons d’être contaminés par la souillure de l’univers.
– Comment aurions-nous pu le savoir ? demanda Harlington.
– Vous le saviez, menteur hérétique. Un signal part des profondeurs de Soffré en direction de l’espace et indique à tout voyageur galactique que nul ne doit approcher de notre planète sous peine de mort.
– Je… je ne comprends pas, personne n’a jamais détecté un tel message. Ni nos prédécesseurs ni nous-mêmes. Si cela avait été le cas, nous nous serions bien sûr abstenus de venir vous… euh… envahir, comme vous le pensez. Vous devriez vérifier que votre signal fonctionne.
Cet échange marqua la fin de l’interrogatoire. Les Soffrés s’en furent sans même prendre la peine de lui répondre.
Harlington était dans tous ses états. Allaient-ils donc tous mourir à cause du dysfonctionnement d’une communication subspatiale ? Il eut beau retourner la situation dans tous les sens, il ne vit aucune lueur d’espoir pour lui et les siens.
On est foutus…

Chapitre 8 : disparitions

– Bon sang, c’est pas vrai ! hurla Harry Harlington dans son communicateur. Qui se trouvait avec Lupescu ?
– Moi, commandant, répondit Kimiko Heitashi, au bord de la panique. Je ne comprends pas, je lui ai juste tourné le dos pour jeter un œil par une porte. Je n’ai entendu aucun bruit, rien de rien !
– Ne bougez pas, aspirant, on arrive.

L’officier ingénieur O’Connor sur les talons, Harlington sprinta à travers les couloirs de la base. Alors qu’il ne restait plus qu’un coude à franchir pour atteindre Heitashi, la voix de Inriek retentit :
– Commandant, Kimiko a disparu à son tour !
Harlington atteignit la dernière position enregistrée de Kimiko Heitashi, phaseur à la main. Comme l’avait annoncé Inriek, il n’y avait rien à voir. L’aspirante s’était volatilisée.
– Au rapport, fit-il sèchement.
– Même chose que pour Gotram et Lupescu, commandant, répondit Inriek. Ils étaient là et l’instant d’après, ils avaient disparu. Nos senseurs n’ont rien enregistré de particulier, ils les ont juste… perdus.
– Ça ne me suffit pas, enseigne, je veux des réponses !
– À vos ordres, commandant.
– T’Savhek, vous m’entendez ? fit Harlington dans son communicateur.
Il échangea un regard avec Mary O’Connor, et espéra que la terreur qu’il lut dans ses yeux ne se reflétait pas dans les siens. C’est alors que sous ses yeux, Mary O’Connor devint transparente avant de disparaître. Sans un bruit, sans aucun effet d’annonce. En deux secondes à peine.
– C’est un piège, cria Harlington dans son communicateur. Que tout le monde quitte l’avant-poste et rejoigne le Baltimore ! Inriek, gardez un œil sur les positions de chacun et tenez-moi au courant de nouvelles disparitions. Inriek ? Inriek, bon sang, répondez-moi !
– Ici Garcia, monsieur. Je ne comprends pas… Inriek s’est volatilisé à son tour.
Harlington sentit un frisson lui parcourir l’échine. Il avait imaginé que ses hommes et lui seraient en sécurité sur le Baltimore. L’annonce de Garcia le convainquit que rien ne les sauverait à part fuir la planète. La mort dans l’âme, il donna ce qui pourrait très bien être ses derniers ordres :
– Monsieur Garcia, levez les boucliers. Préparez un résumé de nos investigations et joignez-y un rapport des derniers événements. Envoyez le tout vers la Terre sous la forme d’une communication subspatiale. Au moins, Starfleet sera prévenu.
– Oui, monsieur !

Alors c’était cela, la constatation de son échec le plus cuisant ? Un ennemi invisible qui s’en prenait en toute impunité à ses hommes sans qu’il puisse y faire quoi que ce soit ? Harlington se demanda ce que le commodore Jericho aurait fait à sa place mais aucune idée ne lui vint. Il se mit à marcher lentement, sonné au possible. À quoi servait-il de courir s’il pouvait à son tour être capturé à n’importe quel instant ? Il chercha à rejoindre la dernière position connue de T’Savhek, sans trop croire qu’on lui laisserait le temps de l’atteindre.
La Vulcaine n’était pas à son poste. Hébété, Harlington se rapprocha de la console et ses yeux se posèrent sur les données qui défilaient à l’écran. Un rapport d’analyse apparut et il le lut machinalement. L’ordinateur afficha ses conclusions, dénuées de la moindre logique pour Harlington. Son attention fut attirée par le mot erdebium, une molécule synthétique dont le nom lui était familier. Il fut abasourdi quand les pièces du puzzle s’assemblèrent enfin dans son esprit. Comment avait-il pu être aussi stupide ? Il aurait dû comprendre depuis longtemps !
– Baltimore, ici Harlington, répondez. Garcia ? Quelqu’un ? J’ai tout compris ! Il faut reconfigurer sur-le-champ…
Le commandant du Baltimore se tut quand son environnement disparut brutalement et qu’il se retrouva dans le noir le plus total.

– Pourtant, docteur Sulok, tous les manuels préconisent que la solution doit être affinée à 0,3%. Pourquoi voulez-vous un dosage à 0,5% ?
– Parce que les données dont vous vous servez, monsieur Thif, ne sont que des moyennes génériques tenant compte de l’espèce à laquelle appartient le patient, ainsi que le sexe et l’âge. Chaque patient est différent d’un autre et seules des analyses précises menées au cas par cas garantissent un effet optimal dans les processus de guérison. Je connais parfaitement tous les paramètres à prendre en compte concernant ma propre santé. La solution d’antétropine doit donc être affinée à 0,5% pour être la plus efficace sur moi.
– Vous avez dressé un profil personnalisé pour chaque membre de l’équipage ? C’est un travail de titan !
– Je n’ai malheureusement pas eu le temps de m’y atteler, mais je vais y remédier dès que possible. Ce n’est effectivement pas un travail simple, qui nécessite des centaines d’analyses poussées. J’estime néanmoins qu’il faudra mener ces recherches à bien afin d’optimiser les profils médicaux des membres de l’équipage.
Thif se tut. Décidément, Sulok avait changé. Il mettait la barre très haute concernant la santé de l’équipage, si haute que Thif avait presque le vertige à l’idée des heures qu’ils allaient devoir passer sur des échantillons dans le laboratoire. Lors de ses études à l’Académie, l’un des devoirs les plus importants pour les examens finaux avait été une étude de cas personnalisée et très poussée. Il avait passé une grande partie de l’année scolaire à cette étude. Que Sulok en fasse une procédure standard à bord montrait à Thif à quel point le médecin vulcain n’avait plus l’intention de laisser quoi que ce soit au hasard. Il serait irréprochable, et Thif allait devoir suivre le rythme.
Penché au-dessus d’un plan de travail, l’Andorien injecta la solution dans une seringue hypodermique. Quand il se retourna vers Sulok, le lit médical de celui-ci était vide.
– Docteur ? DOCTEUR ?
Thif se jeta sur l’intercom.
– Passerelle, ici l’infirmerie, le docteur Sulok a disparu ! Passerelle, vous m’entendez ? Répondez, s’il vous plaît ! Salle des machines ? Mess ? Allô, quelqu’un ?
Au bord de la panique, Thif se colla au mur. Où étaient-ils tous passés ? Qu’allait-il lui arriver ?
Il vit sa peur reflétée dans un miroir sur le mur d’en face. L’incrédulité remplaça la peur quand son reflet devint transparent et que sa vue se brouilla.
Le Baltimore était désormais un vaisseau fantôme. Aussi mort que l’était l’avant-poste de la Fédération.

vendredi, mai 7 2010

Chapitre 7 : l’enquête

L’équipe de sécurité continua en vain ses investigations, bientôt rejointe par Harlington et T’Savhek. Cette dernière se dépensait sans compter et ne cessait d’avancer de nouvelles théories pour expliquer la disparition des scientifiques, mais aucune piste n’apparut.
Le seul incident fut déclenché par l’enseigne de la sécurité Gotram. Il crut déceler un mouvement du coin de l’œil et courut dans sa direction, non sans avoir alerté ses camarades par communicateur. Il fut vertement rabroué par T’Savhek quand il s’avéra qu’il avait rêvé, ou cédé à la nervosité.
Il n’était pas le seul à être atteint par le sinistre avant-poste désert. Le silence qui y régnait était presque sépulcral, et le moral de l’équipage, déjà peu élevé avant l’arrivée sur Narnaya Prime, redescendit encore de quelques crans, au grand dam de Harlington. À la tension latente s’ajoutait la frustration de ne trouver aucune explication à la disparition des membres de l’avant-poste.



C’est à nouveau par le biais – involontaire, cette fois-ci – de l’Andorien Gotram que la situation évolua. Quand Lupescu le contacta pour son rapport de routine, il ne répondit pas. Tout le monde fut mis sur le pied de guerre. T’Savhek utilisa en vain son tricordeur pour localiser Gotram, tandis que sur le Baltimore, l’équipe de la passerelle assura que nul n’avait quitté les lieux : les senseurs comme les caméras du navire étaient braqués sur l’avant-poste.

– Au rapport, T’Savhek ! fit un Harlington aux abois en déboulant dans le laboratoire de l’avant-poste que la Vulcaine s’était approprié pour mener ses recherches.
– Nos tricordeurs n’ont rien noté sortant de l’ordinaire, aussi ai-je eu idée d’utiliser ceux de la base, plus puissants et plus précis. Il y a quelque chose qui me roule en boule dans les relevés.
– Roule en… Vous voulez dire chiffonne, je présume ?
– Le moment ne me paraît guère opportun pour un cours de sémantique idiomatique terrienne, commandant, répondit la Vulcaine, un tantinet vexée d’être prise en défaut sur une expression imagée.
– Au fait, T’Savhek, s’irrita Harlington.
– J’ai trouvé une piste, mais elle s’interrompt brutalement.
– Vous pouvez m’expliquer cela avec des mots que je puisse comprendre, lieutenant ?
– J’ai triangulé la base pour reconstituer le parcours de Gotram. Avec l’aide des capteurs en temps réel, j’ai réussi à isoler sa signature thermique et à la suivre… jusqu’à ce qu’elle disparaisse brusquement.
– Ce serait dû à quoi ? Téléportation ? Désintégration ?
– Je n’en sais pas plus, commandant, répondit la Vulcaine avec lassitude. Je ne suis pas une scientifique de formation. En théorie, les téléportations sont impossibles sur cette planète car les tempêtes locales charrient trop d’interférences magnétiques. De plus, le processus de recombinaison moléculaire laisse des traces or il n’y en a aucune. Une désintégration paraît tout aussi improbable : il y aurait un pic de chaleur à la dernière position connue du disparu. Mais là non plus ce n’est pas le cas.
Harlington réalisa qu’elle n’avait pas dormi depuis leur arrivée, plus de trente-six heures auparavant. Si ses compétences commençaient s’émousser par manque de sommeil, il risquait d’être obligé de lui enjoindre à prendre du repos… ce qu’il savait qu’elle ne ferait pas. Son fiancé comptait parmi les disparus et Harlington n’aurait pas agi autrement s’il s’était retrouvé à sa place. Peut-être devait-il s’en ouvrir à Sulok ? Il ne s’attarda guère sur cette hypothèse. Moins il avait affaire à l’antipathique docteur, mieux il se portait.
– Tenez moi au courant, lieutenant, et en attendant, que tout le monde se regroupe par équipes de deux. Pas question de perdre qui que ce soit d’autre. Quadrillez toute la base et envoyez vos données en direct sur le Baltimore. Je veux que tout le monde soit à l’affût de la moindre anomalie.
– À vos ordres, monsieur.
T’Savhek se replongea dans les données affichées par les moniteurs. Quelque chose lui échappait forcément. Restait à trouver quoi…

Dans l’infirmerie du Baltimore, l’infirmier Thif ne quittait pas du regard le docteur Sulok. Ce dernier s’était injecté le contenu d’une seringue hypodermique mais rien n’y avait fait : son bras était toujours inerte et Sulok avait depuis éludé toute question concernant sa blessure.
Présentement, le médecin rassemblait avec maladresse quelques fournitures de premiers secours, qu’il empilait dans sa mallette médicale, prêt à rejoindre l’avant-poste en cas de problème. Il cogna involontairement son bras invalide contre un lit médical et Thif surprit quelque chose d’impensable sur le visage du froid Vulcain : une grimace de douleur. L’Andorien n’y tint plus :
– Ça suffit, docteur ! Que vous le vouliez ou non, vous n’êtes pas en état d’assumer vos fonctions. Allongez-vous, que je vous examine.
– Je suis encore le médecin de bord, rétorqua Sulok, et je connais mes limites.
– Vous êtes surtout l’être le plus borné que j’ai jamais rencontré ! Si le commandant apprend dans quel état physique vous êtes, il vous relèvera de vos fonctions et aura bien raison. Je me demande d’ailleurs si je ne vais aller l’en informer moi-même.
– Je vous l’interdis, monsieur Thif ! Je suis tout à fait capable de remplir mon rôle.
– Vous le faites exprès, ma parole ! Réfléchissez un peu, bon sang ! Comment voulez-vous que l’équipage ait confiance en son médecin s’il n’est pas foutu de se soigner lui-même ? Euh, sauf votre respect, monsieur, ajouta-t-il précipitamment en se rendant compte qu’il dépassait les bornes.
Sulok fusilla du regard son subordonné pendant un bon moment, l’air plus glacial et pincé que jamais. Thif fit appel à sa fierté pour ne pas détourner le regard. Sulok rompit le silence, d’une voix douce :
– Monsieur Thif, la médecine n’est pas un simple métier, c’est un sacerdoce. Défendre et faire prospérer la vie est un art difficile, d’autant qu’il est bien plus facile de détruire que de construire ou de préserver. Or je suis Vulcain, les choses faciles ne m’intéressent pas. Je pensais que mes recherches sur le virus hélicondratile étaient très importantes, et j’avais raison. Elles peuvent conduire à sauver des millions de vies, voilà l’essence même de la médecine à mes yeux ! Mais d’un autre côté, je me suis laissé aveugler par cet objectif, au point que tout le reste, y compris mes fonctions à bord, sont devenues secondaires à mes yeux… comme l’a bien compris le commandant. Ce faisant, je me suis retrouvé de facto à presque violer mon serment d’officier de Starfleet puisque j’ai négligé la santé de l’équipage. Pouvez-vous imaginer le sacrilège, la honte que représentent aux yeux d’un Vulcain le non-respect d’un serment ? J’ai déjà failli une fois, et ce sera la dernière. Quoi qu’il arrive, quoi qu’il m’en coûte, toutes mes capacités sont désormais au service de l’équipage.
Thif fut abasourdi par de telles révélations. C’était la première fois que Sulok parlait de manière si personnelle. C’était d’ailleurs la première fois qu’il lui parlait autant. Alors que Thif s’était imaginé que seule sa fierté égoïste guidait Sulok à agir de manière aussi inconsidérée, voilà qu’il lui révélait que c’était uniquement son souci de la santé de l’équipage qui le poussait en avant et à se négliger lui-même.
– Docteur… tant qu’il n’y a pas d’urgence médicale, je peux gérer la santé de l’équipage. Or il n’y en a pas. Vous devez absolument profiter du répit que nous connaissons pour vous soigner. C’est indispensable pour que vos capacités soient à nouveau optimales. Pour l’instant, nous savons tous deux qu’elles ne le sont pas, ce qui là encore risque de vous faire échouer. Allongez-vous et laissez-moi vous soigner.
– Entendu, répondit Sulok après avoir jaugé son assistant.
– Je commence par quoi ? demanda Thif dès que le médecin fut allongé sur un lit médical.
– Que proposez-vous ? rétorqua Sulok.
Tout sourire face à ce qu’il interpréta comme une marque de confiance, Thif prit le temps de réfléchir avant de lancer ses propositions. Il n’était pas question de décevoir son supérieur.


Pour la quatrième fois de sa vie, T’Savhek perdit le contrôle de ses nerfs. Elle tapa du poing le coin de la console devant laquelle elle travaillait. Comme les trois fois précédentes, elle fut envahie d’une honte immense et eut l’impression d’avoir trahi son peuple et ses idéaux. Elle s’assura que nul ne l’avait vu céder à des pulsions si primaires. Puis son esprit logique reprit le dessus, rejetant l’image de Silkar qui venait de plus en plus souvent la hanter.
Il y avait quelque chose de très important à découvrir dans les relevés des ordinateurs, tout son être le lui soufflait. Mais sa frustration venait surtout que cette conviction profonde ne cadrait pas du tout avec la logique et ne reposait que sur du vent… ou une envie désespérée de trouver des réponses rationnelles.
Pourtant, hormis les relevés thermiques, elle n’avait rien découvert. Nulle trace des particules caractéristiques d’une téléportation, d’autant plus que les scientifiques locaux avaient mené des expériences en ce sens. Leurs conclusions avaient été irréfutables : nulle téléportation n’était possible sur la planète, la faute à une variété de minéral très répandu sur Narnaya Prime, le mitrandium, dont les caractéristiques naturelles empêchaient tout transfert d’énergie.
Il y avait forcément une faille dans son raisonnement. Elle lança l’ordinateur dans une nouvelle analyse qui incluait un très large spectre de diverses particules liées de près ou de loin à la téléportation.
Elle venait de finir la programmation de la nouvelle recherche quand son communicateur se mit en route :
– Ici Inriek, sur le Baltimore. Je ne détecte plus le lieutenant Lupescu ! Il vient tout bonnement de disparaître de nos écrans de surveillance !

Chapitre 6 : l’arrivée

Une demi-heure avant d’entrer en orbite autour de Narnaya Prime, Harlington ordonna à Garcia de quitter la vitesse de distorsion et de changer de trajectoire. Ainsi, si un danger rôdait, le Baltimore arriverait d’une direction imprévue et aurait donc plus de latitude pour réagir ou surprendre un éventuel ennemi.

Rien ne se produisit et le navire de Starfleet se retrouva bientôt en orbite à scanner les lieux.
– Monsieur Inriek, que détectez-vous ?
– Rien, monsieur. Il y a beaucoup d’interférences dues à une violente tempête, mais il semble n’y avoir aucun signe de vie dans l’avant-poste.
– T’Savhek, pensez-vous qu’une téléportation soit possible dans de telles conditions ? demanda Harlington.
– J’en doute fort, monsieur. Je recommande donc un atterrissage du Baltimore.
– Cela ne représente-t-il pas un danger pour nous ?
– La manœuvre est délicate mais à la portée d’un bon pilote, monsieur.
Harlington reporta son attention sur Antonino Garcia, assis devant lui face à la console de pilotage.
– Garcia ?
– Oui, monsieur ?
Était-ce de la tension que Harlington crut déceler dans le ton de l’Ibérique ?
– Qu’en pensez-vous ?
– C’est dans mes cordes, monsieur, rétorqua Garcia avant de s’essuyer les paumes des mains sur ses cuisses, ce qui n’était guère rassurant.
– Alors, allons-y. Que tout le monde s’accroche.

Tout se passa bien dans les premiers instants de la descente, même si la plongée à une vitesse folle dans le tourbillon de nuages était très impressionnante, vue de l’écran de la passerelle.
Harlington serra les accoudoirs de son fauteuil à en blanchir ses phalanges et ne cessa que lorsque ses mains devinrent douloureuses. Il balaya alors la passerelle du regard, bien embêté à l’idée que quelqu’un ait pu surprendre sa nervosité. Si quelqu’un la remarqua, personne n’eut l’imprudence de lui montrer le contraire.
Par prudence, Garcia réduisit la vitesse du Baltimore dès les premières turbulences. Quand le navire fit une sévère embardée, des alarmes anti-collisions mugirent et Garcia pianota furieusement sur sa console. Il hurla à son copilote Inriek :
– Caramba ! Utilise les rétrofusées pour accompagner toutes mes manœuvres, je crains pour l’intégrité structurelle de la coque !
Inriek acquiesça et riva les yeux sur les mains de son collègue, afin de reproduire ses gestes. Pendant l’interminable descente, plus d’un membre de l’équipage sur la passerelle se retrouva à terre à un moment ou à un autre. Les sautes de vent étaient très violentes, presque comme des impacts de torpilles.
Garcia lui-même fut éjecté de son poste. Quand Harlington, solidement cramponné à ses accoudoirs, vit son pilote tomber, il se jeta en avant pour le remplacer. Mal lui en prit car il chuta aussitôt à son tour et se fendit la lèvre sur le bord de la console de navigation. Il parvint tout de même à aider Garcia à se rasseoir à son poste, avant de ramper vers son fauteuil en se morigénant. Qu’est-ce qu’il avait donc essayé de faire ? Prendre les commandes ? Il était à peine capable de faire voler tout droit une navette et n’avait pas encore saisi toutes les subtilités d’un atterrissage réussi, malgré des dizaines d’heures passées sur simulateur.
Revenant au présent, il s’avisa enfin que la tension était presque palpable sur la passerelle, et il eut la présence d’esprit d’ordonner à T’Savhek de couper les maudites alarmes tonitruantes qui leur vrillaient le crâne. Dès qu’elles se turent, tous eurent l’impression qu’un grand poids venait de leur être ôté des épaules.
– Situation, monsieur Garcia ? demanda le plus calmement du monde Harlington, en contradiction totale avec son envie de hurler sa peur.
– On maîtrise, commandant, on maîtrise ! répondit trop vite le pilote.
Ce n’était pas ce que Harlington crut lire sur le visage de T’Savhek, mais il préféra se taire. Il voulut prier, mais l’athée convaincu qu’il était ne trouva aucune divinité vers qui se tourner. Ne lui resta alors plus qu’à se dire que d’un instant à l’autre, ils allaient tous mourir. Tout en prenant soin de rester impassible, comme tout commandant devait l’être, à son avis.

Les conditions météorologiques se calmèrent enfin et Garcia s’écria :
– On en est sortis, monsieur !
Il avait l’air d’être le premier surpris. Harlington eut envie de lui fracasser la tête sur la console de pilotage.
– Félicitations, monsieur Garcia, se borna-t-il à répondre tout en essayant de se remémorer si oui ou non il y avait un punching-ball dans la salle de sport du navire. Tout le monde va bien ?
– Sur la passerelle, il semblerait que oui, commandant, fit T’Savhek. Je fais monter le docteur pour qu’il s’occupe de votre lèvre. Le Baltimore a subi quelques dommages, mais rien de bien sérieux.
– Parfait ! Monsieur Inriek, l’écran de la passerelle ne fonctionne plus ?
– Si monsieur, mais nous sommes pris dans une tempête de sable. Nos instruments fonctionnent parfaitement et notre position est calée sur celle de l’avant-poste. Même si nous ne l’avons pas en visuel, nous n’en sommes pas loin.
Harlington se concentra sur sa lèvre fendue. La douleur était infime mais il constata avec dépit qu’une belle tache de sang souillait son uniforme moutarde.
– Il y a des blessés ? demanda Harlington à Sulok quand celui-ci, talonné de près par Thif, fit son apparition sur la passerelle.
– Non, répondit sèchement le Vulcain en attrapant maladroitement son tricordeur médical d’une seule main.
Le bras gauche du médecin pendait, inerte. Harlington préféra se taire pendant que les deux membres de la section médicale examinaient tous les hommes d’équipage. Dès que Thif eut badigeonné la lèvre de Harlington avec une dose massive de coagulant en spray, le commandant crut pouvoir partir se changer, mais Garcia dit :
– Nous survolerons l’avant-poste dans une minute.
– Tout le monde aux postes de combat, levez les boucliers. Monsieur Inriek, tentez de joindre l’avant-poste.
– Aucune réponse, commandant.

Quand l’ascenseur appelé par Sulok et Thif arriva, Evander Mitchell en sortit, un haut d’uniforme jaune moutarde à la main.
– Commandant ? Le lieutenant T’Savhek m’a demandé de vous apporter ceci.
– Merci, Mitchell, sourit Harlington. Et merci à vous aussi, T’Savhek.
– Survol de la base dans dix secondes, annonça Inriek. Les senseurs n’indiquent aucune présence hostile… et aucune présence vivante dans l’avant-poste.
– Faites nous atterrir, Garcia.

La large plate-forme de l’avant-poste leur tendait les bras. Bien qu’elle fût en grande partie recouverte de sable, le souffle des rétrofusées de l’USS Baltimore suffit à dégager la place et l’atterrissage se fit en douceur.

– Monsieur Lupescu, préparez votre équipe et investissez l’avant-poste.
– À vos orrrdrrres, commandant.

Il ne fallut que cinq minutes aux officiers Lupescu, Heitashi, Nimar et Gotram pour sortir en scaphandres. Sur l’écran, l’équipage de la passerelle les vit avancer lentement jusqu’au sas de l’avant-poste, dans lequel ils se réfugièrent.
Ils se rendirent vite à l’évidence : les scientifiques de la Fédération avaient disparu. Dans la cafétéria de la base, deux plateaux-repas entamés gisaient sur une table. Dans les laboratoires, des expériences étaient toujours en cours, écrans d’ordinateurs allumés, liquides bouillonnants dans des alambics.
Le bureau de Silkar, commandant de la base, était d’une sobriété toute vulcaine : tout y était rangé avec la plus extrême rigueur. Rien dans son journal de bord n’indiquait le moindre problème ; les résultats des expériences y étaient soigneusement consignés.

T’Savhek se réfugia derrière son impassibilité coutumière, mais Harlington ne fut pas dupe. Elle s’inquiétait du sort de son fiancé : avec l’air pincé voire offensé qui se lisait sur son visage, elle ressemblait plus que jamais à son frère jumeau, dont c’était l’expression normale.

jeudi, mai 6 2010

Chapitre 5 : Rien ne va plus

La tension à bord de l’USS Baltimore ne fit que croître pendant les jours suivants. Malgré les recommandations et désirs de Harlington, Sulok n’avait jamais été si peu apprécié, même si Thif et lui s’étaient rabibochés et donnaient l’impression qu’il ne s’était rien passé de fâcheux entre eux. L’équipage se méfiait du caractère introverti du docteur, assimilé à une froideur glaciale.
Harlington avait en outre convoqué Thif pour un entretien confidentiel, au cours duquel il lui avait signifié sèchement que si ce genre d’incident venait à se reproduire, Thif serait muté sur-le-champ. Même avec toutes les bonnes raisons du monde, il était hors de question qu’un membre d’équipage porte la main sur un officier. Sous aucun prétexte. L’Andorien ne put que renouveler ses excuses, surtout après avoir appris que Harlington lui avait sauvé la mise.
Si les relations entre Sulok et le reste de l’équipage n’étaient pas au beau fixe, cela n’était rien à côté de l’isolement dans lequel fut plongé Antonino Garcia. Lui fut considéré comme un paria par l’équipage dès que celui-ci apprit qu’il avait rompu avec Kimiko Heitashi. Jusque-là, avec son charme et son assurance de façade, Garcia avait compté beaucoup d’admirateurs. Les femmes du bord, à l’exception bien sûr de T’Savhek, avaient toutes flirté et badiné avec lui à un moment ou à un autre. Ses collègues masculins aimaient bien sa gouaille et s’amusaient de sa vantardise. Le jeune enseigne Evander Mitchell éprouvait une grande admiration envers son aîné, qui n’avait qu’à claquer des doigts ou presque pour faire des femmes ce qu’il voulait.
Mais Kimiko Heitashi était elle aussi très aimée car sa bonne humeur étant proverbiale, elle contribuait par sa simple présence à alléger l’atmosphère. Elle fut d’autant plus l’objet de la compassion de l’équipage qu’elle eut beaucoup de mal à se remettre de la rupture.
Oubliés ses sourires et son espièglerie naturelle. Blême et les yeux rouges à force de pleurer, elle n’était plus que l’ombre d’elle-même et montrait beaucoup de difficultés à surmonter cette mauvaise passe.
Vu l’exiguïté du navire, elle était obligée de croiser souvent son ex-amant, ce qui n’arrangeait rien, et le danger qu’elle tombe dans la plus noire des dépressions était présent à l’esprit de tout le monde. Elle en prenait tout droit le chemin et son travail en pâtissait, bien que l’équipage veillât à la laisser le moins possible seule.
Sulok mit les bouchées doubles pour s’occuper d’elle, bien qu’il partît de loin : comprendre une espèce qui pouvait se laisser autant dominer par ses émotions lui semblait très compliqué et le mettait très mal à l’aise. À ses yeux, un tel manque de maîtrise de ses émotions était presque indécent. Mais il remisa ses jugements et passa de longues heures à étudier la psychologie humaine, désireux de montrer ses compétences de médecin et de rattraper le coup après l’incident avec Thif.

À force de persévérance, il parvint à ses premiers résultats positifs au bout d’une longue semaine. Si l’aspirante Heitashi semblait avoir perdu le goût de sourire, son chagrin commença peu à peu à refluer. Ce fut en fin de compte grâce à sa vulcanité que Sulok parvint à l’aider, en proposant à Heitashi d’étudier avec lui quelques techniques de relaxation et de maîtrise de soi mises au point par son peuple.

Pleinement conscient de la morosité ambiante, Harry Harlington priait pour qu’un événement extérieur fasse son apparition afin d’apporter une salutaire distraction à ses hommes. Bien entendu, rien ne se produisit.

Il finit par enjoindre T’Savhek à accélérer le plus possible ses mesures et ses études de la nébuleuse d’Endevaar. L’équipage avait réellement besoin de passer à autre chose, et T’Savhek elle-même en convint. Quand la Vulcaine annonça à Harlington que les relevés prendraient encore une semaine, il estima un tel délai beaucoup trop long. Ils firent un compromis en décidant d’affecter tout l’équipage à l’étude la nébuleuse, à des degrés divers. Le double avantage qu’ils en retireraient serait qu’une semaine suffirait à boucler le programme de recherches, et que tout le monde à bord serait occupé et mis un tant soit peu sous pression.

Les vœux de Harlington de voir enfin brisées la morne routine et l’ambiance délétère furent exaucés plus vite qu’il ne l’avait prévu. Et d’une manière qu’il ne goûta guère…
Dès que le travail en cours fut réorganisé, Harlington ordonna à Garcia de contacter la colonie de Narnaya Prime pour annoncer l’arrivée prochaine du Baltimore. La colonie n’accusa pas réception du message, fait inhabituel mais qui n’avait rien d’inquiétant. Il n’était pas rare que les systèmes de communication soient capricieux, surtout dans des endroits isolés comme des avant-postes de la Fédération. Pendant les quatre heures suivantes, Garcia tenta de prendre contact avec la colonie tous les quarts d’heure. En vain.

Harlington se retrouva face à un dilemme. Ses ordres étaient clairs : procéder à une évaluation complète de la nébuleuse d’Endevaar, puis après et seulement après, aller apporter du matériel à la colonie de Narnaya Prime et recueillir en échange le fruit des travaux menés pas les scientifiques dans ce poste avancé de la Fédération.
L’absence de réponse de la colonie aux appels du Baltimore ne pouvait avoir que deux explications : une panne, ce qui semblait le plus plausible. Ou des ennuis plus graves.

Un commandant de navire de la Fédération devait savoir faire la part des choses, à plus forte raison quand son navire croisait loin de toute base alliée. Il ne paniquait pas pour un rien et ne bouleversait pas les plannings prévisionnels sur un coup de tête. Pourtant, au fur et à mesure que les heures passaient sans réponse de Narnaya Prime, Harlington sentit la pression monter en lui. Un sentiment d’urgence commença à l’oppresser. Il l’écarta plusieurs fois en se moquant in petto de lui-même : il avait du mal à qualifier d’intuition son angoisse grandissante et son envie d’action.
Pourtant, même si les probabilités que la colonie ait des problèmes semblaient bien faibles, il finit par céder aux sirènes de son inquiétude. Après tout, il ne fallait que douze heures pour rallier Narnaya Prime. Si tout allait bien sur place, ils n’auraient perdu que vingt-quatre heures pour faire l’aller-retour. Qui plus est, ce ne serait pas totalement du temps perdu puisqu’ils auraient le loisir de le mettre à profit pour commencer à interpréter les données recueillies sur la nébuleuse d’Endevaar.
– Monsieur Garcia, calculez-nous un cap pour Narnaya Prime.
– À vos ordres, commandant.
Harlington activa l’intercom pour s’adresser à l’équipage :
– Ici le commandant. Face à l’absence de réponse à nos appels en direction de Narnaya Prime, j’estime que nous devons nous assurer que la situation là-bas est normale. Nous allons donc nous y diriger sur-le-champ. Que les officiers T’Savhek, Lupescu et Sulok me rejoignent au mess pour un briefing.

– T’Savhek, en tant qu’officier scientifique par intérim, que pouvez-vous nous dire sur Narnaya Prime ?
– C’est une planète de classe M, approximativement de la taille de la Terre ou de Vulcain. Les conditions de vie y sont rudes, comme sur Vulcain. Des vents violents balayent la surface et ne permettent pas d’y vivre à découvert. L’avant-poste de la Fédération est constitué d’éléments préfabriqués scellés entre eux, installés à flanc de colline pour se protéger du vent.
– Quelles sont les formes de vie locales ?
– Les précédentes campagnes de sondage ont indiqué un peu de végétation, typique d’environnements arides. Bien que l’air soit respirable pour nous, il est tout de même à noter qu’aucun mammifère ou espèce intelligente n’a jamais été détectée. Par contre, il existe une vie microbienne.
– N’est-ce pas inhabituel ?
– La vie microbienne débouche toujours sur l’apparition de formes de vie plus évoluées. Cette anomalie a été l’un des choix ayant conduit à l’installation de l’avant-poste sur la planète : nos scientifiques ont été intrigués par ce fait et ont voulu en apprendre plus.
L’un des choix ? Quels étaient les autres ?
– La région de l’espace dans laquelle nous nous trouvons a été peu explorée et, à notre connaissance, nulle espèce n’en revendique la suzeraineté. La Fédération a donc trouvé intéressant d’y développer sa présence. La planète pourrait servir en vue d’une colonisation ou de la réimplantation de peuples chassés de leur habitat.
– Je présume que quelque chose empêche la colonisation de se faire dès maintenant, sinon qu’est-ce qui justifierait la présence de l’avant-poste scientifique ?
– En effet, commandant. Bien que la planète soit de classe M, il y a certaines particules inhabituelles dans l’air. Les scientifiques sont là pour les tester et s’assurer qu’ils ne représentent pas un danger en cas d’exposition prolongée sur du très long terme.
– Monsieur Lupescu, qu’en est-il du nombre de scientifiques sur place et de leurs moyens de se défendre en cas de problème ?
– Ils sont au nombrrre de huit, commandés parrr un Vulcain du nom de Silkarrr. Trrrois autrrres Vulcains et quatre humains composent le rrreste de l’équipe. Leurrrs compétences vont de l’astrophysique à l’exobiologie, en passant parrr la minérrralogie, la micrrrobiologie et la médecine bactérrrienne. Parrr ailleurs, la base est équipée d’un bouclier pour fairrre face aux tempêtes, assez frrréquentes et qui peuvent occasionner des dégâts imporrrtants. Mais horrrmis un phaseurrr individuel par membrrre de l’équipe, l’avant-poste est dépourrrvu de tout armement.
– Bon. Monsieur Lupescu, préparez une équipe d’intervention au cas où il y aurait du grabuge. T’Savhek, n’omettez pas de continuer à contacter l’avant-poste, au cas où leurs soucis se borneraient à une panne d’émetteur réparé entre-temps. Sulok, soyez prêts à intervenir en cas de premiers secours à prodiguer. Au travail !

Chapitre 4 : Mises au point

Les conséquences ne se firent pas attendre. Sulok, la lèvre fendue, alla sonner à la porte des appartements du commandant Harlington et déposa sa plainte officielle contre l’infirmier andorien, assortie d’une demande de cour martiale pour son subordonné.
Au vu de l’heure tardive, Harlington promit la réunion d’une commission d’enquête dès le lendemain matin. Il ordonna au médecin-chef et à l’infirmier, contacté par communicateur, de rédiger sur-le-champ leur compte-rendu sur l’incident.
Moins d’une demi-heure plus tard, les deux rapports entre les mains, il les envoya sur les postes de travail de T’Savhek, officier en second, et de Lupescu, chef de la sécurité, avec l’ordre de les étudier pour le lendemain matin.
Harlington pesta intérieurement contre Thif et Sulok avant d’amener leurs rapports respectifs sur son écran de contrôle. La nuit promettait d’être longue et le café allait couler à flots du synthétiseur de nourriture…



Les yeux cernés de fatigue et une énième tasse de café à la main, Harry Harlington entra en avance ce matin-là dans le mess réquisitionné pour la réunion. Il constata avec une certaine pointe d’agacement que T’Savhek, Sulok et Lupescu étaient déjà là.



Il répondit aux saluts de ses subordonnés par un simple hochement de tête avant d’entrer aussitôt dans le vif du sujet.
– Vous avez tous lu les comptes-rendus de Sulok et de Thif. Lupescu, en tant que chef de la sécurité, qu’en pensez-vous ? Une cour martiale est-elle justifiée ?
– Même si j’ai beaucoup d’estime pour Thif à titrrre perrrsonnel, comme le rrreste de l’équipage, je tiens à le souligner, je crrrains que son geste ne nous laisse pas le choix, monsieur.
– T’Savhek ?
– Je suis d’accord : il n’y a pas d’autre option que de réunir une cour martiale. Frapper un officier supérieur est un acte extrêmement grave qui ne peut rester impuni. La suite logique sera l’exclusion de l’aspirant Thif de Starfleet, après avoir purgé une peine d’emprisonnement qui, selon les recherches que j’ai menées, pourrait aller jusqu’à…
– On se calme, coupa Harlington.
– Monsieur ?
– Ne condamnez pas Thif avant que la cour martiale ne se soit prononcée sur son sort… si cour martiale il y a.
– Commandant, reprit la Vulcaine, avec tout le respect que je vous dois, il ne peut que y avoir une cour martiale avec des faits d’une telle gravité.
Harlington se tourna vers Sulok, resté prudemment silencieux.
– Monsieur Sulok, quelles sont vos fonctions à bord ?
Le Vulcain haussa un sourcil, seul signe visible de sa surprise, avant de répondre.
– Je suis le médecin du bord, monsieur.
– Plus précisément ?
– Je dois veiller à ce que la santé physique et mentale de l’équipage soit à son niveau optimal.
– Et ?
– Je ne vois pas où vous voulez en venir, monsieur.
– Sont-ce vos seules attributions sur le Baltimore ?
– Oui, monsieur.
– Vos recherches sur le virus hélicondratile entrent-elles dans le champ officiel de vos fonctions de médecin du bord ?
– C’est un programme ambitieux, subventionné par la Fédération des Planètes Unies, et que je mène en collaboration avec d’autres chercheurs.
– Cela ne répond pas à ma question, docteur.
– La réponse est non, monsieur. Ces travaux, aussi importants soient-ils, sont menés en-dehors du cadre de mes fonctions officielles, sur mon temps de loisir.
– Alors si j’ai bien compris, asséna sèchement Harlington, vous voulez convoquer une cour martiale pour un incident survenu entre deux membres de l’équipage pendant leurs loisirs ?
– Commandant, intervint T’Savhek, aussi pertinent que soit votre argument, ne pas punir l’infirmier Thif pour son geste conduira à miner la discipline sur le navire, et le respect dû au médecin de bord risque d’en pâtir d’une manière qui pourrait s’avérer désastreuse.
– Vous n’avez pas tort. Mais il y a un autre point qui me gêne. D’après ce qu’a expliqué Thif dans son rapport, ses relations avec vous, docteur Sulok, n’ont jamais été au beau fixe, et ont empiré jusqu’à la perte de son self-control hier soir. D’un point de vue psychologique, pensez-vous que cette théorie se tienne, docteur ?
– Je veux bien admettre que chez les espèces intelligentes qui ne maîtrisent pas leurs émotions, notamment les Andoriens, les choses soient arrivées telles que vous les décrivez.
– Comme vous l’avez souligné par ailleurs, votre fonction consiste à veiller à ce que l’équipage soit au top de sa forme physique et mentale. Ne peut-on pas penser que vous avez failli à votre devoir de médecin en laissant l’état psychologique de l’infirmier Thif se dégrader jusqu’à aboutir à l’incident d’hier soir ?
Un silence de plomb se fit suite à cette déclaration. Les deux Vulcains semblèrent soupeser les arguments avancés par leur commandant, tandis que Lupescu, qui restait prudemment silencieux, avait du mal à dissimuler sa satisfaction.
– Commandant, finit par répondre Sulok, j’admets n’avoir pas prêté assez attention aux signes avant-coureurs. Je me rends compte qu’il y en avait. De ce fait, je porte une part de responsabilité dans ce qui s’est passé.
– Je suis ravi de constater que nous arrivons à la même conclusion, docteur. Souhaitez-vous toujours engager une procédure en vue de réunir une cour martiale contre l’aspirant Thif ?
– Je crois qu’en fin de compte, ce ne serait guère adéquat, monsieur.
– Un simple non m’aurait suffit, docteur, rétorqua Harlington en souriant pour la première fois depuis le début de la réunion. J’ose espérer que votre mauvaise appréciation de l’état d’esprit d’un membre de l’équipage sera la dernière erreur du genre.
– Je l’espère aussi, monsieur, et je puis vous assurer que je vais y travailler avec le plus grand sérieux.
– Parfait ! Dans ce cas, je ne vous retiens pas plus, messieurs-dame. Sulok, je vous laisse annoncer vous-même à l’infirmier Thif les conclusions de cette réunion. Lupescu, restez un peu, j’ai à vous parler.
Dès que les Vulcains furent sortis, Harlington dit à son chef de la sécurité :
– La position du docteur Sulok est désormais affaiblie, et ses compétences pourraient être remises en cause par l’équipage suite à l’incident. Il ne gagnera sans doute jamais un concours de popularité à bord, mais je ne veux pas qu’il soit mis au ban de l’équipage ni qu’il soit l’objet de railleries ou d’irrespect.
– Si je peux me perrrmettrrre, monsieur, il s’est déjà mis tout seul au ban de l’équipage.
– Ce n’est pas une raison pour l’enfoncer. Je veux que vous insistiez auprès de tout le monde sur l’autocritique qu’a mené le docteur. Il sait reconnaître et admettre ses erreurs et est là pour prendre soin de l’équipage, voilà le message à faire passer.
– À vos orrrdrrres, monsieur.
– Merci, Lupescu, ce sera tout.
Une fois seul, Harlington se permit un long soupir théâtral. La situation semblait calmée, mais l’intuition tenace que les choses n’en resteraient pas là refusait de le quitter…



Comme convenu, Sulok se rendit aux quartiers de Thif et lui apprit l’abandon des poursuites qui planaient sur lui. Puis il se tut, après avoir reconnu sa part de responsabilité dans l’incident.
Visiblement gêné, Thif eut besoin de temps pour remettre ses idées en place. Soulagé de voir l’évolution de sa situation après avoir envisagé le pire, il lâcha :
– Même si les charges sont abandonnées, je tiens à vous présenter mes excuses, docteur. Jamais je n’aurais dû vous frapper, et jamais je n’aurais dû commettre l’erreur grossière de contaminer nos échantillons. Je… si vous voulez encore de mon aide pour vos travaux sur le virus hélicondratile, je serai honoré de vous assister, car ces recherches sont très importantes pour la survie de millions d’êtres.
– En ce cas, allons de l’avant, monsieur Thif. Je serai d’ailleurs curieux de savoir si la contamination de nos échantillons par votre ADN ne nous apprendra pas certaines choses qui nous ont échappé sur le virus.
– Vraiment ? Vous voulez dire que mon erreur pourrait en fin de compte nous faire avancer ?
– Qui sait, monsieur Thif ?
À vrai dire, Sulok ne le pensait guère, mais aussi illogique – et donc irritant pour son esprit vulcain – que cela paraisse, il n’était pas rare que des hasards et des erreurs soient à l’origine de percées fondamentales dans le monde de la recherche et de la science.

Chapitre 3 : Tensions

Thif sentait que la déprime n’était pas loin. Effectuer les tâches ingrates réservées à un infirmier pour le compte d’un médecin acariâtre lui pesait chaque jour un peu plus. À plus forte raison quand le médecin était Vulcain… et Thif Andorien.
Certes, les deux peuples avaient enterré la hache de guerre des décennies auparavant. Certes, ils avaient fait partie des espèces à l’origine de la création de la Fédération des Planètes Unies. Quand bien même : il n’était pas rare que des problèmes ponctuels resurgissent entre membres de ces deux races, et Thif se sentait pris au piège d’une telle situation.
Depuis le premier jour où il s’était retrouvé sous les ordres de Sulok, Thif avait senti l’hostilité à peine voilée qui émanait de son supérieur. Il la lui avait alors rendu cordialement. Sulok était un Vulcain typique aux yeux de Thif : arrogant et méprisant envers les autres. Subir ses piques et ses remontrances à longueur de journées commençait à lui taper sérieusement sur les nerfs.
D’accord, il n’était peut-être pas le meilleur infirmier de la Fédération. Oui, il avait terminé à une place plus ou moins honorable dans sa promotion, en tête du peloton d’étudiants qui suivait les six premiers, de loin les plus brillants. Mais cela ne remettait pas en cause ses compétences… du moins tant qu’on n’était pas sous les ordres d’un Vulcain.
Avec lui, Sulok était cassant et ne manquait pas une occasion de souligner ses erreurs, selon lui nombreuses. Comme son supérieur menait de très intéressantes et prometteuses recherches sur le virus hélicondratile, qui faisait des ravages dans l’Amas de Caenderf, Thif s’était vite proposé pour l’aider, bien qu’il ne comprit goutte aux expériences menées par Sulok. Plutôt que de l’en remercier, le Vulcain agissait comme si Thif était un frein pour lui. Thif encaissait tout sans se plaindre, mais il sentait que ses limites seraient bientôt atteintes…

Quand Heitashi entra dans la cabine de Garcia, le pilote était penché sur son écran d’ordinateur. Elle s’approcha, l’enlaça et lui baisa le cou, mutine. Il soupira et lui attrapa les poignets en se retournant. Elle en profita pour se coller à lui, radieuse. Quand il la repoussa, elle le toisa, intriguée. Surtout quand il ajouta un « Écoute, il faut qu’on parle » de mauvais augure.
– Hum… comment te dire ça ? reprit-il. On a vécu des super moments ensemble, on s’est bien amusés, mais…
– Mais quoi ? demanda Heitashi, tombant des nues.
– Je ne crois pas que ce soit une bonne idée qu’on continue à sortir ensemble, en fait.
– Comment ça, sortir ensemble et bien s’amuser ? Tu… tu ne vas quand même pas oser me dire que c’est tout ce que tu vois dans notre relation ?
– Franchement, Kimiko, on a vécu quelque chose de fort, je suis le premier à le reconnaître. Mais depuis, j’ai pas mal réfléchi à nous deux, et je pense que nous allons droit dans le mur.
– Je ne vois pas comment, fit Kimiko d’un ton glacial, mais explique-moi quand même.
– Nous sommes tombés dans les bras l’un de l’autre assez vite. Nous n’avons pas assez songé aux conséquences, on s’est laissés griser parce que notre amour était tout beau tout nouveau.
– Comme tout début d’histoire, je te signale !
– Ou comme une fausse histoire, Kimiko.
– Pardon ?
– On a foncé, on s’est trouvés, mais je vois avec inquiétude à quel point tu t’es vite attaché à moi. Ce que je veux dire, c’est que tout va trop vite. On ne se connaît pas encore assez pour se faire des grandes promesses d’avenir et de vie commune.
– Depuis nous apprenons à nous connaître, répliqua-t-elle, nous rattrapons ce retard à grande vitesse.
– Oui, mais comprends-moi. Nous servons à bord du même navire, cela pourrait poser problème dans le travail. Imagine que nous en arrivions à nous séparer ? Comment on ferait pour s’éviter sur un vaisseau aussi petit ? Tu sais que ce serait impossible.
– Nous n’avons qu’une seule manière de savoir si notre couple peut durer : c’est de le vivre au quotidien !
– À quoi bon ? Tu te rends compte que l’un de nous peut mourir n’importe quand ? Servir au sein de Starfleet n’est pas une mince affaire, c’est dangereux. Sans parler du fait que nous pourrions mourir tous les deux. Tu te vois fonder une famille dans ces conditions ? Je suis désolé mais ce n’est pas mon cas. Cela représente trop d’aléas. C’est cruel à dire car je suis profondément attaché à toi, sois-en sûre, mais il vaut mieux s’en tenir là.
Le cœur au bord des lèvres, Kimiko Heitashi ne répondit rien. Ce salaud lui avait tant promis, il avait été si charmant ! Comment avait-elle pu être aussi gourde ? Le pire à ses yeux étant que ce n’était pas la première fois qu’elle tombait dans un piège similaire. Elle avait pourtant cru que cette fois-ci, elle pourrait vivre une vraie histoire, ce à quoi elle aspirait vainement depuis toujours. Elle avait cru que servir ensemble serait un atout…
Un étau lui comprimait la poitrine et sa gorge était comme desséchée, incapable d’émettre le moindre mot. Si elle restait une minute de plus, elle allait fondre en larmes. Ce qu’elle refusait de faire devant Garcia. Pas alors qu’il affichait un air de commisération.
– Tu sais, Kimiko, je…
Elle leva la main et secoua la tête pour le faire taire. Elle quitta prestement les lieux, à deux doigts de craquer. Dès qu’elle fut dans la coursive, elle courut jusqu’à sa cabine, trois portes plus loin, où elle s’enferma pour laisser libre cours à son chagrin.

Harry Harlington, qui avançait au bout du couloir, remarqua le manège de l’officier de sécurité. Indécis, il se demanda s’il ne devait pas s’enquérir de l’état de santé de l’aspirante Kimiko Heitashi. Finalement, il préféra s’abstenir de peur de passer pour indiscret. Il nota néanmoins avec intérêt que Heitashi était sortie des appartements du pilote Antonino Garcia. Alors les rumeurs du bord étaient fondées ? Il se passait quelque chose entre ces deux-là ?
Vue l’expression décomposée de l’aspirante Heitashi, les bruits colportés risquaient de changer de teneur. Quoi qu’il en fut, Harlington se promit de les surveiller tous les deux, au cas où leurs problèmes personnels influencent leurs performances professionnelles. Peut-être même devrait-il s’en ouvrir à Sulok, officier médical en chef ? Il renonça vite à cette idée : ce Vulcain froid comme une lune de Dogben semblait bien être le dernier du bord à pouvoir faire montre de compassion et d’empathie pour autrui.

– Monsieur Thif, en avez-vous fini avec l’analyse des échantillons de parsémiodine ?
Comme toujours, Sulok s’exprimait d’une voix tranchante. Comme toujours, Thif sentit une bouffée de chaleur l’envahir. Pour une fois, il n’eut pas besoin de faire d’effort pour se calmer, car les résultats qui s’affichèrent sur son écran firent diversion.
– Je suis dessus, monsieur. Mais… les données sont incohérentes, je ne comprends pas.
– Soyez plus précis, monsieur Thif. Quel genre d’incohérences ?
– J’affine mes recherches, docteur, fit-il en pianotant furieusement sur l’écran.
Quand les nouveaux résultats apparurent, l’épiderme bleu de Thif prit une teinte plus pâle et ses antennes s’affaissèrent.
– Oh non… murmura-t-il.
– Que se passe-t-il, monsieur Thif ?
– Les données indiquent que l’échantillon du vaccin a été contaminé.
– Comment est-ce possible, Thif ? demanda Sulok en venant lire par-dessus l’épaule de l’Andorien. Et surtout, par quoi ?
– Je crains d’avoir commis une erreur de manipulation, monsieur. Je détecte de l’ADN andorien dans les composants de notre solution.
Sulok vérifia, avant de reprendre la parole.
– Monsieur Thif, ces recherches sur le virus hélicondratile sont d’une extrême importance. Il s’agit de sauver des milliards de vies d’un virus mutagène dont la potentialité de destruction dépasse de loin tout ce à quoi nos civilisations ont été confrontées par le passé. Nous avons 7 659 tests à accomplir, en espérant trouver une piste pour un remède. Si nous y arrivons, ce qui n’est même pas certain, il faudrait encore de longs mois pour en affiner les effets et surveiller l’évolution sur le long terme.
« Monsieur Thif, accepter votre aide pour mes travaux m’avait paru une bonne idée, mais la répétition de vos erreurs a fini par me faire changer d’avis. Vous vous rendez compte que vous n’êtes pas capable de manipuler proprement des échantillons. J’aurais préféré que vous ne fassiez rien plutôt que de me faire prendre du retard sur mon planning de recherches. Je ne veux plus de votre aide, monsieur Thif : vous n’avez que trop prouvé que vous étiez pire qu’un inutile.
La frustration et le stress accumulés par Thif sous les ordres de Sulok explosèrent soudainement. Il jaillit hors de son fauteuil et se jeta sur Sulok, le poing en avant.
Il ne porta qu’un seul coup, puissant, à la mâchoire du médecin trop stupéfait pour réagir. Sulok tomba sur les fesses et son masque d’équanimité vulcaine laissa brièvement place à une expression d’intense surprise.
Thif reprit le contrôle de ses nerfs au moment où il touchait le médecin. La honte l’envahit. Il allait devoir affronter les conséquences de son geste. Il ne s’excusa pas, ni n’aida son supérieur à se relever. Il se contenta de quitter l’infirmerie pour regagner ses quartiers.

Chapitre 2 : Unions et désunions

Penché sur son écran d’ordinateur, Antonino Garcia était très concentré. Il lissait machinalement sa fine moustache et, de temps en temps, rejetait en arrière une mèche rebelle. Il était bel homme et conscient de l’être ; Harry Harlington lui avait toujours trouvé une ressemblance avec les représentations classiques de Don Diego de la Vega, plus connu sous le nom de Zorro. Jusqu’à la fine moustache, les traits fins et le teint mat. Même l’origine géographique - Garcia était Ibérique - collait avec la description.
Si Garcia était fier de ses succès faciles auprès de la gent féminine, il ne pouvait s’enorgueillir d’une réussite similaire concernant sa carrière professionnelle. Entre médiocres et acceptables, ses performances avaient laissé dubitatifs tous les supérieurs qu’il avait eu dans sa carrière. Il avait même cru cette dernière finie quand, pendant deux ans et demi, il avait végété dans l’USS Baltimore décrépi, qui pourrissait lentement aux Quartiers Généraux de la Flotte, à San Francisco. Heureusement était arrivé Harry Harlington, porteur de l’ordre de réarmer le navire.
Garcia soupira. Son supérieur le poussait en permanence à s’améliorer, mais le pilote avait beaucoup de mal à se dépasser. Les moindres manœuvres lui semblaient très compliquées et il devait souvent - trop à son goût - faire ses gammes pour ne pas perdre la main. Malgré la nonchalance et l’air sûr de lui qu’il affichait en permanence, il n’en menait pas large à cet instant précis. Dans un laps de temps indéterminé qui ne serait qu’une question de jours, il lui faudrait poser le Baltimore tout près de la colonie de Narnaya Prime, or il n’avait jamais pratiqué d’atterrissage avec ce type de frégate. Entre toute une batterie de procédures à connaître sur le bout des doigts et un environnement planétaire assez hostile, il serait servi pour la manœuvre !
Il avait pourtant fait de l’assez bon travail lors de l’affrontement contre les forces du capitaine Valment, au point d’y gagner les galons de sous-lieutenant. Mais nul n’avait jamais su à quel point il avait été au bord de la panique pendant les combats, ni comment il avait dû se faire violence pour rester un tant soit peu efficace. S’il était parvenu à donner le change jusque-là, la vraie question était de savoir combien de temps encore il parviendrait à le faire.
Garcia soupira à nouveau. Sa vie personnelle non plus n’était pas rose ces jours-ci. Certes, il avait une petite amie qui servait à bord, l’aspirant Kimiko Heitashi, officier de sécurité. Petit bout de femme à ne pas sous-estimer - elle pratiquait pas moins de huit arts martiaux -, la séduire avait été un jeu d’enfant pour lui. Toujours espiègle et souriante, il l’avait trouvée craquante dès leur premier contact, et il s’était promis qu’elle échouerait dans son lit. Passé le plaisir de la conquête, que restait-il ? Jamais grand-chose aux yeux de Garcia. Une femme n’était intéressante que s’il fallait la séduire ; tombée amoureuse, elle était trop envahissante. Il ne s’écoulerait plus beaucoup de temps avant qu’il ne rompe avec elle. Restait à le lui faire comprendre et à trouver les mots justes.


T’Savhek était tellement plongée dans sa prise de notes qu’elle manqua de sursauter quand la sonnette de sa porte retentit.
– Entrez, fit-elle avant de pianoter furieusement sur son clavier pour finir un nouveau paragraphe de son rapport.
Dès qu’elle eut fini, elle leva les yeux et découvrit Sulok.
– Bonsoir, mon frère.
– Bonsoir, ma sœur. En plein travail ?
– Nous autres Vulcains ne le sommes-nous pas toujours ?
– Presque, ma chère. Écoute… incidemment, tout à l’heure, j’ai parlé de tes liens avec Silkar au commandant. Bien que ce soit un sujet strictement privé à tes yeux, pour ma défense, j’étais persuadé que tu t’en étais déjà ouvert à lui, vu que vous êtes relativement proches.
– Et pourtant tu étais dans l’erreur, répondit T’Savhek, un peu sur la défensive.
– Je trouve cela étrange. Il est certes ton supérieur, mais vous avez partagé des moments forts ensemble. Vous me semblez même être passés au stade de l’amitié, me trompé-je ?
– Nous avons en effet des liens. Amitié, je n’en suis pas sûre. Respect mutuel, en revanche, c’est certain. En tout cas, pas de liens assez importants pour que je lui parle de mon fiancé.
– Vraiment ? Pourtant, quand tu te marieras, je présume que tu quitteras le service de Starfleet pour regagner Vulcain, et que tu abandonneras donc ton poste… et ton commandant ?
– C’est en effet ce que j’ai toujours envisagé. Je ne vois pas comment il pourrait en être autrement. Servir dans Starfleet n’est pas idéal pour mener une vie de famille, et tel n’est de toute manière pas mon but. J’ai toujours pensé qu’une fois mariés, Silkar et moi retournerions sur Vulcain pour y fonder notre famille.
– J’ai une autre solution à te proposer, ma chère.
– Je t’écoute.
– Depuis combien de temps n’as-tu pas vu Silkar ?
– Six mois et dix-sept jours. Ta mémoire te jouerait-elle des tours ? Tu y étais.
– Je sais que vous êtes fort attachés l’un à l’autre. Pourquoi ne pas concrétiser cet attachement en demandant à notre commandant de vous marier ? Après tout, il en a les prérogatives. Pourquoi encore attendre alors que l’occasion vous est fournie ?
– Il est hors de question que je rompe mon serment d’officier de Starfleet : je ne compte pas démissionner.
– Qui te parle de démissionner ? Il existe une autre solution. Une fois que vous serez mariés, vous pourrez mettre à profit cet état de fait pour demander à servir ensemble. Notre oncle Stelek n’aurait qu’un mot à dire pour arranger cela.
– J’avoue que l’idée de conjuguer les devoirs d’une épouse et ceux d’un officier de Starfleet ne m’était pas venue à l’esprit. C’est une perspective séduisante, mon frère, je te remercie de me l’avoir soumise. J’en parlerai dès demain matin au commandant. – Voilà qui est dit et bien dit, ma sœur. À demain.
– À demain, Sulok.
Restée seule, T’Savhek permit à ses pensées de vagabonder librement. Elle se demanda pourquoi Sulok avait paru la sonder à propos de… elle et du commandant Harlington ? Drôle d’idée que d’envisager que quelque chose puisse se passer entre eux. Une idylle entre un commandant et son officier en second ne pouvait déboucher que sur une catastrophe, toutes les statistiques le montraient.
Ce qui ne l’empêchait pas de beaucoup aimer cet humain, qu’elle considérait comme un véritable ami même si leurs relations dépassaient rarement le cadre du travail. Il ne pensait pas comme un Vulcain – loin de là, même – et c’était ce qui le rendait spécial. Son enthousiasme, ses émotions non réprimées avaient quelque chose de… vivifiant ? Peut-être était-ce le mot juste, mais elle n’en était pas certaine. Jamais elle ne connaîtrait une telle sensation auprès d’un Vulcain.
Quant à savoir pourquoi elle ne lui avait jamais parlé de Silkar… elle n’avait pas été tout à fait franche avec Sulok. Harry Harlington comptait vraiment sur elle et il était d’une loyauté sans faille à son égard. Elle n’avait pas envie de lire de la déception dans ses yeux quand elle lui apprendrait son mariage, car à partir du moment où son union avec Silkar serait décidée, ce ne serait qu’une question de temps avant qu’ils ne cessent de travailler ensemble. Ce qu’elle ne désirait pas, dut-elle admettre.


Les yeux rouges de fatigue, Harlington arpentait les coursives du Baltimore, une tasse de café corsé à la main. Elle ne serait pas de trop dès qu’il aurait rejoint la passerelle. Quand il entendit derrière lui la voix de T’Savhek l’interpeller, son humeur remonta aussitôt.
– Bonjour, T’Savhek, sourit-il. Comment allez-vous ?
– Ma forme est optimale, commandant. Puis-je vous entretenir d’un sujet personnel ?
– Bien sûr, je suis à votre disposition, répondit-il.
– Mon frère vous as parlé de mon futur mari.
– En effet. Et j’avoue que je n’en soupçonnais pas l’existence.
Était-ce une pointe de reproche qu’elle sentit dans sa voix ?
– Il est vrai que les circonstances n’ont jamais été propices pour que je vous en entretienne. Maintenant que mon frère a vendu la mèche, comme vous dites, vous autres les humains, je pense vous devoir une explication.
– Je ne me permettrais pas de m’immiscer dans votre vie sans y avoir été invité.
– Je le sais et je vous remercie de faire montre d’une telle discrétion, commandant. Je suis fiancée à Silkar depuis très longtemps. Je m’étais toujours imaginée l’épouser une fois nos temps respectifs de service au sein de Starfleet achevés, mais j’avoue que devenir sa femme dès maintenant ne serait pas pour me déplaire.
Harlington sentit un étau enserrer son cœur à ces paroles, mais parvint à faire bonne contenance.
– Euh… êtes-vous sûre que ce soit une bonne idée ? Vous seriez loin l’un de l’autre.
– Un rapprochement géographique de nos affectations respectives ne serait pas un problème une fois notre mariage prononcé.
– Oui… c’est vrai. Le règlement de Starfleet prend en compte les spécificités familiales. Qui plus est, votre oncle pourrait sans doute accélérer les choses.
– Exactement, acquiesça T’Savhek.
– Vous quitteriez l’USS Baltimore, ou tenteriez de faire inclure votre mari à l’équipage ?
– À vrai dire, il est trop tôt pour y songer. Il faut d’abord que j’en parle avec Silkar.
– Oui, bien sûr. Puis-je vous poser une question personnelle, T’Savhek ?
– Faites, commandant.
– Vous… l’aimez ?
– Les mariages arrangés entre Vulcains s’avèrent le plus souvent aussi solides que les mariages d’amour. Certes, ce sont tout d’abord des mariages d’intérêt, mais quand vous y êtes préparé dès votre plus jeune âge, les futurs époux font ce qu’il faut pour être proches l’un de l’autre. Silkar et moi avons toujours été en contact dès que c’était possible. Il est issu d’une famille importante et a bénéficié d’une éducation sans faille, c’est indubitablement un bon parti. Depuis le temps que nous nous côtoyons, nous savons que nos caractères s’accordent. Et il est bien fait de sa personne, ce qui ne gâte rien.
– Je… j’en suis ravi pour vous, T’Savhek, fit Harry, pris d’une soudaine envie de hurler et de se taper la tête contre les murs.
Comment ne se rendait-elle pas compte qu’elle venait de le poignarder en plein cœur ?
– Si Silkar est d’accord pour que la cérémonie se fasse rapidement, ce serait un honneur pour moi que vous nous mariiez.
– Moi ? demanda Harlington, incrédule.
– C’est l’une de vos prérogatives de commandant de navire, et je préfère que ce soit vous qui officiiez qu’un parfait inconnu ou un haut dignitaire de Vulcain.
– Bien sûr, vous pouvez compter sur moi, répondit Harlington précipitamment.
Dieu qu’elle était belle. L’ovale parfait de son visage et ses traits fins étaient rehaussés par ses yeux verts irradiants de bonheur.
– Alors, c’est entendu. Merci beaucoup, commandant, je ne vous dérange pas plus longtemps.
Elle salua et s’en fut, tandis qu’Harlington restait immobile dans la coursive, pétrifié. Ce serait à lui de la marier ? Pour la première fois de son existence, il comprenait le sens de l’expression « boire le calice jusqu’à la lie ».

Chapitre 1 : La fiancée

Le lieutenant Harry Harlington s’ennuyait à mourir, assis dans son fauteuil de commandement. Sur l’écran de la passerelle, la Nébuleuse d’Endevaar s’étalait paresseusement dans de magnifiques tons bleu pastel qui avaient frappé l’équipage du Baltimore lors de son arrivée dans le système. Cette merveille de la galaxie avait beau être d’une grande beauté, au bout de trois jours, l’effet de surprise et d’émerveillement ne jouait plus. La lassitude s’était installée et Harlington avait hâte que T’Savhek annonce la fin des observations et des mesures qui conduiraient à l’analyse préliminaire de la nébuleuse. Le navire pourrait alors reprendre sa route et rallier la colonie de la Fédération sur Narnaya Prime, à qui il devait amener du matériel.
Si seulement une équipe scientifique avait été mutée à bord de l’USS Baltimore, les relevés auraient été faits plus rapidement. Mais non ! Leur seule halte depuis les événements survenus avec le SS Orcus avait été la base stellaire 23, qui ne disposait pas de recrues à mettre au service de Harlington. T’Savhek, son officier en second et ingénieur en chef, s’était donc proposée pour cette mission, et elle s’était adjointe les compétences du Zaldan aux doigts palmés Venamir Inriek, membre de la section pilotage-navigation et spécialiste des senseurs.
À bout de patience, il confia le commandement au sous-lieutenant Dorin Lupescu, son chef de la sécurité. Grand échalas à la musculature longiligne, son teint blême et ses joues émaciées le faisait ressembler à un croque-mort, se disait parfois Harlington. Mais il se gardait bien de faire part à son subordonné de cette idée incongrue, se contentant d’en rire sous cape quand cette comparaison lui venait à l’esprit.
– Bon courage, Lupescu, fit-il en lui cédant son fauteuil.
– Merrrci, commandant. Je vous averrrtis en cas de prrroblème, répondit le chef de la sécurité en roulant les « r » comme jamais.
Harlington acquiesça du chef et s’engouffra dans le turbolift, direction ses quartiers.

Sur le chemin, il croisa le médecin de bord, Sulok. Autant Harlington nourrissait de tendres sentiments pour la sœur jumelle de Sulok, T’Savhek, autant il détestait cordialement le docteur, trop hautain et méprisant à son goût. Leur inimitié avait été réciproque dès leur première rencontre. Cette fois, Sulok dérogea pourtant à leur habitude de se saluer d’un simple hochement de tête sans échanger un mot. Il entama la conversation, à la grande surprise de son supérieur.
– Commandant, puis-je vous poser une question ?
– Je vous écoute, Sulok.
– Sauriez-vous me dire quand nous allons quitter la Nébuleuse d’Endevaar ?
– Je crains que ne nous restions encore un certain temps. D’après son dernier rapport, votre sœur a encore assez de pain sur la planche pour plusieurs jours.
– J’en prends bonne note. Je ne vous cache pas que j’ai hâte que nous repartions et que nous arrivions à la colonie de Narnaya Prime.
– Vraiment, docteur ? répondit distraitement Harlington.
– Oui. Ce n’est pas tous les jours que nous avons l’occasion de croiser d’autres Vulcains, or il y a en un que je connais très bien qui travaille dans l’avant-poste. À vrai dire, il est presque de la famille.
– Presque ?
– Oui, il sera un jour mon beau-frère, car il a été convenu depuis sa plus tendre enfance qu’il épouserait T’Savhek.
– Épouser… T’Savhek ? fit Harlington, abasourdi.
– En effet. Dans certaines familles de l’oligarchie vulcaine, comme la mienne, les mariages arrangés dès l’enfance sont une pratique courante.
– Oh. Et qu’en pense T’Savhek ?
– Elle se fait une joie de revoir Silkar. Ils échangent une correspondance fournie, mais cela ne remplace pas les rencontres directes. – Je… le conçois… tout à fait, bredouilla Harlington, l’esprit en feu. Fiancée ? Comment ça, fiancée ? Pourquoi est-ce qu’elle ne m’en a jamais parlé ?
– Je suis confus, commandant, fit Sulok d’un ton qui semblait pourtant plutôt triomphant, même pour un Vulcain. Je croyais que ma sœur vous avait parlé de Silkar or je constate qu’il n’en est rien. Veuillez me pardonner de vous importuner avec des données aussi… personnelles.
– Il n’y a pas de mal, Sulok, répondit précipitamment Harlington. Je suis ravi pour T’Savhek et pour ce… euh… Cigare.
– Silkar, commandant, Silkar. Je vous souhaite la bonne nuit, conclut Sulok en hochant la tête, avant de reprendre son chemin.
Voilà qui devrait mettre un terme à vos rêves ridicules, commandant, pensa-t-il en s’éloignant.
Le fumier ! Je suis sûr qu’il a compris ce que je ressens pour sa sœur… se dit Harlington de son côté.

Harlington se retournait dans sa couchette. Deux heures qu’il s’était mis au lit, mais impossible de s’endormir. T’Savhek fiancée… il n’arrivait pas à accepter une telle idée. Dès leur première rencontre, moins de six mois plus tôt, il était tombé sous le charme de la Vulcaine inaccessible, à bord de l’USS Eagle. Lui, le simple aspirant arrivé là presque par hasard… et elle, la sous-lieutenant sortie de l’Académie et membre d’une famille de dignitaires de haut rang. Comment aurait-il pu espérer quoi que ce fût ?
Et pourtant. Il avait saisi l’occasion de faire sa connaissance sur l’Eagle un jour où elle jouait seule aux échecs tridimensionnels. Il n’était qu’un médiocre joueur et s’était fait laminé par la Vulcaine à chaque partie. Sur le coup, elle n’avait fait que manifester un intérêt poli pour lui.
Par la suite, il avait tout fait pour paraître intéressant aux yeux de la Vulcaine, quitte à se ridiculiser… jusqu’à son heure de gloire. La libération de l’USS Eagle et le sauvetage de l’équipage étaient de son fait à lui, mais il n’aurait pu accomplir cet exploit sans T’Savhek, car elle avait les connaissances techniques nécessaires pour appliquer ses folles idées. Ses actions avaient impressionné T’Savhek : cela avait été flagrant dans son attitude, passée de la simple politesse au respect certain.
Aucune des réussites de Harlington n’avait suffi pour qu’elle tombe dans ses bras. Par moments, il avait envie de l’empoigner et de l’embrasser fougueusement. À d’autres, de lui crier son amour, vu qu’il ne semblait pas assez irradier de toutes les particules de son être pour qu’elle le remarque.
Mais quand il retrouvait sa lucidité, il se sentait déprimé. Jamais il n’y aurait d’amour entre eux. Car pour qu’il y en ait, il fallait une réciprocité de sentiments qu’il ne sentait pas chez elle. Or dans un couple, être seul à aimer ne suffisait jamais. sans parler de leur appartenance à des espèces différentes.
Et alors ? Un vieux proverbe terrien ne disait-il pas que les contraires s’attiraient ? En outre, des enfants étaient déjà nés d’unions vulcano-humaines, même si ces cas restaient rarissimes.
Fiancée… fiancée. Bon dieu, c’était incroyable ! Pourquoi n’en avait-elle rien dit ? N’étaient-ils donc pas bons amis, contrairement à ce que Harlington pensait ? À moins qu’elle ne fût simplement gênée à l’idée de lui annoncer une telle nouvelle ? Après tout, cette union avait été décidée pour elle alors qu’elle n’était encore qu’une enfant. Elle n’avait sans doute pas envie d’épouser un homme uniquement pour faire bonne figure auprès des siens. Il la voyait mal tomber amoureuse sur ordre. Quoiqu’il arrive, elle continuerait à servir dans Starfleet… et il s’arrangerait pour qu’elle reste sous ses ordres. Peut-être qu’un jour, elle finirait par comprendre qu’il était fait pour elle ?

lundi, janvier 18 2010

USS Baltimore

Mise à jour de mon histoire Star Trek USS Baltimore. L’intégralité de cette novella est désormais lisible sur le site. Elle comprend vingt chapitres et se déroule parallèlement aux aventures de Kirk, Spock et les autres.

Le lien qui va bien : http://zulio.org/minoskardanos/cate…

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USS Baltimore : épilogue

Tout a une fin…

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dimanche, janvier 17 2010

USS Baltimore : chapitre 20

Chapitre 20 : La corvette

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USS Baltimore : chapitre 19

Chapitre 19 : Le sauvetage

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USS Baltimore : chapitre 18

Chapitre 18 : Le guet-apens

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USS Baltimore : chapitre 17

Chapitre 17 : La bataille

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