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    – C’est prodigieux ! s’exclame le colonel Covelian. Comment avez-vous réussi un tel exploit ? Vous êtes un cyborg ? Un droïde à apparence humaine ?

    – Rien de tout ça, répond la femme. Je suis enceinte.

    – Ah ? Et ?

    – Les hormones.

    Tous les hommes du groupe reculent d’un pas sans s’en rendre compte. Je pense qu’ils se demandent combien de femmes ils ont mis enceintes lors de leurs virées entre mâles virils, combien ils en ont qui les attendent à chaque port spatial, et qu’ils imaginent quel sort ils pourraient subir entre leurs mains.

    Une chose est sûre : ils font l’apprentissage de la peur. Ce n’est rien à côté de moi quand elle dévoile son visage. Car je la connais !

    Oh oui, je connais ce visage ! C’est la femme que j’ai croisée au palais de Gaga le Hutt, celle qui m’a sauté dessus et avec qui j’ai connu des heures… euh… des minutes… bon, OK, des secondes de bonheur. Mais il faut dire à ma décharge (hum… je ne sais pas si le terme est bien choisi, en fait) qu’elle m’avait pris par surprise. Sinon, vous pensez bien que ma virilité – je ne comprends d’ailleurs pas que ce mot ne soit pas mon deuxième prénom, mais ceci est une autre histoire – lui aurait offert de très très très très longs moments de complicité et d’amour partagé.

    Sylmort de Leonbinetos.

    Elle se tourne vers l’une des caméras et, comme si elle me voyait, me crie :

    – Nomis ! À cause de toi, je suis enceinte !

    – Oh non, pas ça ! Moi qui suis dans la fleur de la trentaine, à deux mois de mes quarante ans ! Je suis trop jeune pour avoir des enfants !

    – J’attends des triplés.

    Aïe. De pire en pire. Triple peine !

    – J’ai le papier de reconnaissance de paternité, et je te garantie que tu vas le signer, même si c’est moi qui le signe en faisant bouger le stylo dans des doigts gourds de cadavre !

    Je suis au fond du trou.

    – Et m’as chouravé cinquante crédits en partant, enfoiré. Avec les intérêts, tu m’en dois désormais cinq mille.

    Ah bah non, j’y étais pas tout à fait.

 

    – Ça suffit, maintenant ! hurle Saint-Lazare à mes côtés. Ce jeu ne m’amuse plus du tout. S’ils me cherchent, tous autant qu’ils sont, ils vont me trouver ! Ils méprisent mes pièges, dont ils se sortent tout le temps ? J’ai ai plusieurs qui sont mortels à 150%, et ils vont en subir un tout de suite !

    Il appuie sur son éternel bouton rouge et une porte apparaît dans l’un des murs de la salle où sont enfermés les agents du BSI et Sylmort de Leonbinetos.

    Ils se regardent, dubitatifs, et tiennent un conseil de guerre.

    – Hoy ! C’est la sortie, allons-y !

    – C’est sûrement un piège, tempère Zavid. Pas question de s’y précipiter.

    – Nous sommes le BSI, nous n’avons peur de rien donc allons-y, dit Covelian en empoignant son gros flingue qui en dit long sur sa surcompensation en matière de sexualité. Aïe, je me suis retourné un ongle en chargeant mon arme, ajoute-t-il, ce qui en dit long sur sa bêtise, sorte de marque de fabrique chez lui.

    Étrange qu’il n’en ait pas fait des T-shirts ou des mugs, d’ailleurs.

    – Moi, je ne suis pas venue pour négocier ni me poser des questions, fait Sylmort de Leonbinetos en se dirigeant résolument vers la porte.

    Elle s’arrête quand elle entend du bruit en émanant. Genre bruit de pas métalliques qui se rapprochent. Jusqu’à ce que la porte s’ouvre pour révéler la présence de droïdes de guerre, les célèbres Super Droïdes de Combat B2 de la Fédération du Commerce.

    – J’en ai acquis quatre cents, me dit Saint-Lazare, sourire satisfait aux lèvres, et lampe à nouveau sous le menton pour lui faire une tête qui fait peur. Ça marche encore une fois, j’avoue.

    Les agents du BSI se mettent en position de défense, ainsi que Sylmort, qui sort de sa ceinture un blaster pour chaque main. Comme les autres, elle se met à arroser les vagues de droïdes de combat qui avancent vaille que vaille, coûte que coûte, d’une manière inéluctable, en enjambant les corps de leurs camarades tombés sous les tirs des humains.

    À les voir s’arc-bouter dans leur mission avec une détermination toute mécanique, l’issue de la bataille en cours ne laisse aucun doute : les agents du BSI vont se faire balayer, tuer, laseriser, écraser.

    Enfin tout se termine ! Enfin je vais m’en sortir vivant ! Grand sourire plaqué sur les lèvres, je tends mon verre vide à Saint-Lazare, qui me sert vu qu’il a – au moins – une autre bouteille dans le frigo incorporé à sa console stratégique. Oui, décidément, cet homme-poulet mérite bien le qualificatif de génie pour avoir pensé à ce genre de détail.

 

    On ne le répètera jamais assez, mais la routourne tourne très vite dans cette forteresse, ainsi que les rapports de force entre les différents protagonistes. Alors qu’il semble évident que les droïdes vont submerger les agents du BSI et mon ex, tout bascule une nouvelle fois.

    Un type vêtu d’une armure et casque intégral, et muni d’un propulseur dorsal au dos (comment ça, pléonasme ?) atterrit par la trappe. Suivi d’un autre. Puis encore un. Et encore. Et… etc, en fait, ça ira plus vite comme ça.

    Dès qu’ils atterrissent, ils arrosent les droïdes d’un feu nourri, et je m’aperçois avec stupéfaction que peu à peu, leur force de frappe prend l’ascendant sur les droïdes.

    Allons bon, qu’est-ce que c’est que ça, encore ? Et ils sortent d’où, ces maudits Mandaloriens ?

    La réponse tombe moins de dix minutes plus tard, quand les dizaines de mercenaires viennent à bout du dernier droïde.

    Leur chef échange une poignée de main avec Covelian et lui annonce :

    – Bonjour, nous sommes mandatés par le Crédit Mutuel de Coruscant, et surtout le banquier Tablazhar Sicpou pour mettre la main sur Nomis. Il doit répondre du grave crime d’avoir tellement laissé filer son découvert que c’est toute la stabilité du secteur financier du Noyau Galactique qui est en péril.

    – Diantre, commente Covelian. C’est à ce point-là ?

    – Oui. Le CMC est au bord de la faillite car n’a pas suffisamment de fonds propres pour remonter la pente, un audit interne vient de montrer l’ampleur du désastre. L’action du CMC a perdu 82,45% de sa valeur en bourse hier, et par ricochet tout le secteur bancaire a perdu la moitié de sa valeur. Toutes les bourses de la galaxie dévissent, et la récession menace.

    – Je crois qu’il n’y a aucune limite à la turpitude dont Nomis est capable, acquiesce Covelian.

    – Hoy ! Il sème les crimes comme le petit poucet les gouttes d’eau qui font déborder le lac, ajoute Hoyddings.

    – Quel enfoiré, dit Zavid. Il faut que je m’assure que mon CODEVI va bien.

    – Ce mec est fauché ? demande Sylmort de Leonbinetos. Zut, je comptais me faire entretenir par lui, avoir une maison, un chien, deux chats et une voiture familiale. Rien de tout cela n’arrivera jamais, du coup. C’est la fin de mes rêves. Du coup et à défaut, je ne peux même pas lui arracher une super pension alimentaire.

 

    Un silence sépulcral tombe sur la forteresse puis, sans même s’être concertés, Sylmort, les agents du BSI et les Mandaloriens crient à l’unisson :

    – NOMIS ! RIEN NE TE SAUVERA !

    Même Kiki hurle à la lune invsible à cette heure du jour, si tant est qu’il y ait une lune en orbite autour de cette planète, ce que j’avoue ignorer.

    Bref, je déglutis nerveusement. Bien sûr, dans mes rêves, j’ai souvent entendu mon nom être scandé par les foules. Mais pas de cette manière, par des gens qui auraient presque la bave aux lèvres, de rage.