XCVI

 

 

    Les tirs de blaster s’écrasent tout autour de moi, me frôlent, font exploser le sol du couloir devant comme derrière moi. C’est un miracle que je ne sois pas touché, mais je sais en même temps que tout est fini pour moi. Ma chance va tourner, c’est inéluctable…

    Le citoyen respectable que je suis et qui paye des impôts trouve assez scandaleux de voir la formation au tir des Stormtroopers être aussi bâclée. D’un autre côté, vu que j’en bénéficie, je ne compte pas m’en plaindre par les voies officielles ni me fendre d’un article ravageur sur l’incompétence de l’armée.

 

    Alors c’est ainsi que tout va se terminer ? En courant, cette activité physique si indigne d’un cerveau supérieur comme le mien, comme toute autre activité physique, d’ailleurs. Je suis un cérébral, moi, que dis-je, un super cérébral ! J’aurais mérité de mourir… je sais pas, moi, dans mon sommeil, dans environ cent cinquante ans. Après avoir reçu les plus grands pris journalistiques existants, bien sûr, sans parler de tous ceux qui auraient été inventés juste pour moi. J’ai ainsi une pensée nostalgique en songeant au futur Super Grand Prix Cirederf Nomis, l’équivalent journalistique d’un Prix Nebol et qui laissera cents coudées derrière lui le Prix Putzerlit !

    Snif… Je ne connaîtrai pas tout ça.

 

    Je franchis un coude. Ouf, ça me fait un peu de répit au niveau des tirs. Devant moi, une nouvelle porte, et d’autres le long du couloir. Je ne sais même pas où je vais. Mais j’y vais. Au plus simple. Tout droit.

    L’une des portes à gauche s’ouvre juste avant que j’avance à son niveau. Je jette un œil sans m’arrêter… et accélère, si c’est encore possible.

    – Hoy ! Hoy ! On l’a retrouvé ! que j’entends dans mon dos.

    Car oui, Hoyddings et sa clique sont désormais eux aussi sur mes talons.

    Les tirs reprennent derrière moi, et je me crispe en entendant un impact de blaster, pensant être touché, m’imaginant déjà à terre, baignant dans mon sang en attendant la mort…

    Bizarre, ça ne fait pas mal.

    Dans mon dos, j’entends :

    – Hoy ! Hoy ! Ne tirez pas, stupides Stormtroopers, nous sommes du BSI !

    – Ah, zut ! répond l’un des soldats. Pour une fois que j’arrive à toucher, il a fallu que ce soit quelqu’un de votre groupe !

    – C’est pas grave, hoy ! C’était juste le Mandalorien au service de la banque.

    Je n’entends pas la suite, trop occupé à m’éloigner tant que je le peux encore.

 

    Une nouvelle porte s’ouvre, cette fois-ci sur la droite. Comme tout à l’heure, je jette un œil et comme tout à l’heure, j’accélère comme jamais je ne me serais cru capable de le faire. Bah oui : quand la silhouette de l’Empereur lui-même se dessine, il vaut mieux courir.

    C’est promis : si je survis, je monte une marque de chaussures de course dont le slogan sera « Mieux vaut courir que mourir ! ». Encore un projet dont je ne verrai jamais l’aboutissement, snif.

 

    Au moins, j’entends de nouveaux éclats de voix derrière moi, et je présume que tout ce beau monde présente ses respects à l’Empereur, par politesse et surtout par peur de ne pas respecter sa préséance sur ma mort.

    Encore une fois, j’en profite pour prendre un peu d’avance. Même si je sais qu’en fin de compte, mes efforts seront vains. Nul n’échappe à son funeste destin. Même Cirederf Nomis.

 

    Nouveau chuintement de porte qui s’ouvre, cette fois face à moi.

    – Te voilà enfin, maudit rejeton de l’enfer !

    Mémé. Avec ses éphèbes derrière elle, armés jusqu’aux dents.

    Je regarde derrière moi : ils sont tous là. L’Empereur, Vador, leurs stormtroopers, Hoyddings, Zavid, Kiki, Covelian, Sylmort. Même le Mandalorien boitille à leur suite. Et devant moi, mémé et sa clique.

    Mon dernier espoir est de prendre l’une des portes latérales le long du couloir. Bien entendu, dans cette section, il n’y en a pas.

 

    Je tente le tout pour le temps. Je continue de foncer droit devant, sur le groupe de mémé. J’espère les surprendre par une manœuvre aussi hardie, jouer des coudes, sauter parmi eux, et ainsi les dépasser et continuer à fuir ! Oui, j’y crois à mort !

    Mettant mon plan hardi à exécution, j’arrive sur le groupe sans que personne ne réagisse, trop surpris par ma géniale idée ! Je pousse mémé du coude quand j’arrive à son niveau. Aïe ! L’os de son épaule est vachement saillant. Sauf que mon pied se prend sa jambe de plein fouet et que je me vautre par terre, mémé dans mes bras, tandis que notre chute en provoque d’autres parmi ses hommes.

 

    C’est fini pour moi ! que je me dis en me retournant sur le dos. Car désormais, au-dessus de ma tête, tous mes poursuivants me contemplent, l’Empereur en avant.

 

    Adieu l’univers, adieu la vie !